Les romancières racontent leur maternité sans naïveté

La maternité est un thème revenu à la mode, ayant déjà inspiré plusieurs romancières (« Le Bébé » de Marie Darrieussecq adapté au théâtre avec Lio, et « Un heureux évènement » récemment d’Eliette Abécassis). Aujourd’hui c’est un recueil thématique, « Naissances », qui paraît à l’Iconoclaste.
Il donne la parole à huit romancières trentenaires pour la plupart (Marie Darrieussecq, Héléna Villovitch, Agnès Desarthe, Marie Desplechin, Camille Laurens, Geneviève Brisac, Catherine Cusset…) et mamans. L’occasion de réfléchir sur cette étape fondamentale où « une femme devient mère » :

Pas de crainte à avoir : vous ne trouverez pas dans cet ouvrage les sempiternelles histoires de grossesse et d’accouchement avec gros plan sur les nausées et complications dans la salle de travail… Huit femmes, huit romancières façonnant la littérature actuelle ont préféré livrer leur vision personnelle et leur expérience de la naissance de leur enfant.

Des réflexions diverses, parfois métaphysiques, philosophioques ou généalogiques, empruntes de pudeur, de tendresse, d’humour, de violence ou de douleur… Constat récurrent (et assez étonnant) : donner la vie ne leur a conféré aucun savoir ou aucune sagesse particulière, le mystère reste entier. « Tous les jours, je regarde ma fille comme si elle venait de naître ; et je n’en reviens pas. On ne revient pas de la naissance, on y reste, on y est toujours. », dit par exemple Camille Laurens dans sa nouvelle. Elle y relate comment la naissance de sa fille la renvoie à celle de ses propres parents et aïeux, tel « un passé qui se déchaîne sur l’avenir ».

La plupart des textes évoque un sentiment d’abandon mêlé à la stupéfaction. Il y a aussi la ficelle bleue sur laquelle tire Michèle Fitoussi, maman plus mature, lorsque son fils déménage, quand la séparation se répète. Il y a le récit impressionnant de Marie Darrieussecq, où une jeune femme qui ne cesse de maigrir se demande si son nouveau bébé ne peut pas « disparaître avec autant de facilité que la buée qu’on essuie sur une vitre ». Tous méritent d’être cités, mais certains textes sont plus travaillés que d’autres.

En postface, René Frydman rappelle qu' »Être homme, c’est être intrinsèquement exclu ». Le mot de la fin par Camille Laurens : « Je ne voudrais pas finir sans dire ceci : que la naissance n’est pas seulement ce moment hautement dramatique, ce cataclysme ponctuel, cette catastrophe au sens étymologique. C’est aussi et d’abord une expérience quotidienne et partagée, la présence d’un objet d’amour éternellement perdu et retrouvé, un bouleversement permanent fait de connaissance et d’énigme, de distance et de fusion, d’absence et d’effusion. Tous les jours, je regarde ma fille comme si elle venait de naître, et je n’en reviens pas. On ne revient pas de la naissance, on y reste, on y est toujours. »

A lire aussi : « Journal de la création » où Nancy Huston opère un parallèle très intéressant entre la maternité et la création littéraire.

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