Rentrée littéraire 2010 : Trois jeunes auteurs racontent leur 1e publication… (Natacha Boussaa, Romain Monnery, Laurence Biava)

A l’approche de la rentrée littéraire de septembre 2010, partons à la découverte de trois jeunes auteurs qui font paraître leur premier roman. L’occasion de revenir sur leur parcours littéraire : de l’inspiration aux difficultés d’écriture jusqu’à la publication. Au menu : radioscopie des maux et des dilemmes de la génération précaire et désenchantée par un monde du travail qui n’offre guère d’épanouissement personnel. Natacha Boussaa revient ainsi sur les manifestations anti-CPE de 2006 tandis que Romain Monnery (alias l' »Intégriste » de Simone de Bougeoir pour les amateurs…) évoque la difficile adaptation d’un Bartleby moderne aux responsabilités d’adulte. Laurence Biava nous plonge quant à elle au cœur de l’amnésie et de la folie dans un « hommage beigbedérien inversé »… :



Romain Monnery, auteur de « Libre, seul et assoupi », Éditions Au Diable Vauvert, parution le 19/08/2010
Qui êtes-vous ?
Alors, j’aurais bien aimé commencer par un truc un peu percutant du genre « je suis un homme poulpe » ou « mes amis m’appellent Belzébuth », mais il faut se rendre à l’évidence de mon état civil : je ne suis que Romain Monnery, pur produit de la classe moyenne, un peu journaliste, un peu chômeur et très paresseux. Ah oui, et j’aime les pâtes, aussi (mais pas celles en forme d’alphabet (elles me restent en travers de la gorge).

Influences et univers littéraires :
Bon, je vais pas mentir en affirmant que j’ai commencé la lecture avec Marcel Proust et Robert Musil. Je traîne quelques casseroles qui, lorsqu’on les agite, font autant de bruit qu’un avion au décollage. On va dire, pour résumer, que je suis un enfant de la génération « J’aime Lire » et « Je bouquine ». J’ai beaucoup lu, de tout, mais il m’a fallu du temps pour trouver mon genre de prédilection. Tout s’est précisé quand j’ai découvert coup sur coup les collections « 10 – 18 » et « j’ai lu nouvelle génération » (c’était un jeudi). Ça m’a ouvert les portes de la littérature contemporaine, étrangère autant que française, avec d’un côté Douglas Coupland, Bret Easton Ellis, Michael Hornbug et de l’autre Jaenada, Grégoire Bouillier, Alain Turgeon ou encore Jean D’Ormesson (un intrus facétieux s’est glissé dans ce name dropping, saurez-vous le débusquer ?). A ce moment là, j’ai réalisé que je préférais les livres à personnages aux romans à intrigues. Alors, en guise de symbole, j’ai brûlé dans un feu de joie toute ma collection de Bernard Werber et de Livres dont vous êtes le héros et je suis passé aux choses sérieuses (bon, entre nous j’ai gardé Keldrilh le ménestrel (mais comment se débarrasser d’un ouvrage au nom si poétique ?)). Ensuite, de nouvelles voix comme celles de Guillaume Clémentine, Julien Bouissoux ou encore Guillaume Tavard m’ont démontré qu’on pouvait traiter de thématiques sociales tout en restant léger. Et puis, voilà.

Comment s’est déroulée l’écriture de votre premier roman (inspiration…) et quelles ont été les éventuelles difficultés ?
Le processus d’écriture s’est déroulé en deux temps. Il y a d’abord eu celui de la prise de notes où je gribouillais entre deux stages et parties de Tetris des idées de situations et de personnages. Ça, c’était la partie facile. Je gardais dans un coin de ma tête la vague idée d’en faire un jour un roman mais au même titre que j’ambitionnais de devenir dresseur de dauphins. Sans trop y croire. Puis, les années ont passé, les notes se sont entassées et le chômage est arrivé. Alors je me suis lancé. Comme je n’ai pas spécialement beaucoup d’imagination, je me suis dit qu’il était plus sage, avant de me lancer dans une grande fresque sur la rivalité des poneys dans les années 80, de parler de ce que je connaissais. Par la force des choses et de mon parcours, la précarité était sans doute le sujet que je maîtrisais le mieux. Je n’avais pas non plus l’impression au regard de mes différentes lectures que le thème de la génération précaire (longues études, stages, colocation, etc.) avait été véritablement exploré d’un point de vue littéraire. Des articles, j’en avais lu. Mais des livres, beaucoup moins (quasiment pas, en fait). D’où mon intention de rendre compte (et non de dénoncer) le parcours d’un individu moyen dans le système d’aujourd’hui.

Quelles ont été vos démarches et difficultés pour trouver un éditeur ? La publication de nouvelles dans la revue Décapage a-t-elle été un tremplin ?
Avant même de commencer j’avais ciblé trois éditeurs : le Diable Vauvert, le Dilettante et France Loisirs (pour ma mère, je serai écrivain le jour où mon nom figurera dans leur catalogue, pas avant). Le Diable, j’aimais tout : la ligne graphique, l’éditrice, l’esprit, les auteurs, les traductions, tout. J’ai donc envoyé mon manuscrit se balader du côté de Vauvert en croisant les doigts. Après plusieurs semaines de rites sataniques et de multiples sacrifices humains, j’ai fini par recevoir une réponse. Par bonheur, c’était un oui. J’ai récupéré mon manuscrit annoté d’indications et de remarques rédigés dans une langue qui m’était inconnue, à mi chemin entre le russe et l’écriture de médecin (Après enquête, j’ai découvert qu’il s’agissait de l’espresso, cette langue que pratiquent les éditeurs victimes de nuits blanche et d’excès de caféine). Ensuite, j’ai donc retravaillé le texte en compagnie de Charles, l’éditeur du Diable (un type formidable capable de citer dans la même phrase Arabesque et David Foster Wallace (ce qui montre un peu l’étendue de ses talents)). Au bout du compte, il m’a permis de prendre du recul par rapport à l’histoire et de la rendre plus cohérente (au début, le narrateur était un clone qui parlait depuis le futur (ça s’appelait La possibilité d’un stage)).

Les nouvelles que j’avais publiées dans Décapage ne traitaient absolument du thème de la précarité. Pour tout dire, elles étaient issues d’un recueil que j’avais entrepris d’écrire en compagnie d’un ami sur le thème de la désinvolture. Elles avaient pour sujet des considérations aussi existentielles que « comment rater son métro sans en avoir l’air », « comment ne pas perdre la face quand on a la goutte au nez » ou encore « acheter Playboy comme s’il s’agissait de Paris Turf ». A défaut de m’offrir une crédibilité d’académicien, ces nouvelles m’ont surtout permis de rencontrer Jean-Baptiste Gendarme, illustre rédacteur en chef de la revue, qui m’a beaucoup aidé dans la relecture du manuscrit. En résumé, l’affiliation à Décapage m’a sans doute aidé, c’est sûr. Après, savoir s’il est indispensable de bénéficier d’un réseau pour sortir vivant de ce parcours du combattant qu’est l’édition, franchement, je ne sais pas. Je vais dire que c’est comme la carte de presse. Si on l’a c’est appréciable, mais on peut tout aussi bien faire sans.

Avez-vous un blog et quel regard portez-vous sur ces nouveaux moyens d’expression pour les auteurs ?
Des blogs, j’en ai eu plusieurs mais jamais très longtemps. J’aimais beaucoup l’idée de pouvoir écrire de façon anonyme, ça me désinhibait totalement, mais j’ai dans mon entourage un ami pour qui la chasse aux blogs était un passe-temps quotidien. On a joué au chat et à la souris quelques mois et puis au bout d’un moment j’ai arrêté. Il finissait toujours par gagner. Je me souviens notamment d’une fois où il m’avait écrit en se faisant passer pour le DRH de mon entreprise (sur lequel je déversais régulièrement des montagnes d’ordures). Son mail m’indiquait que j’étais convoqué suite aux propos calomnieux que j’avais tenus à l’encontre de mon employeur et qu’une lettre de renvoi me serait expédiée dans les plus brefs délais. Je n’en ai pas dormi pendant deux jours. Sinon, je porte un regard assez circonspect sur ce moyen d’expression. J’y ai vraiment cru au début, pensant que les blogs donneraient vie à toute une nouvelle génération d’auteurs mais, avec le recul, force est de constater que ça n’est pas (encore) vraiment le cas. Le blog est une forme d’écriture à part, avec ses ficelles et son rythme qu’il est décidément bien difficile d’adapter en long format (l’exception étant pour l’instant l’excellente Elise Costa dont le « Comment je n’ai pas rencontré Britney Spears » se boit comme une lampée de White Russian).

Comment appréhendez-vous le fait de figurer à la rentrée littéraire de septembre (et avez-vous prévu de lire l’un ou l’autre de vos confrères/consœurs) ?
Je me sens comme un élève de sixième qui s’apprête à rentrer au collège avec un cartable trop gros sur le dos. J’espère que les profs seront gentils, qu’ils ne me mettront pas trop de mauvaises notes, que je rentrerai dans le rang et qu’il y aura des frites à la cantine. Pour parler des autres (parce qu’avant de pouvoir utiliser le terme de confrères, je pense que j’ai encore quelques classes à faire), j’ai très hâte de lire Philippe Laffite, Jean-Baptiste Del Amo mais surtout Bernard Quiriny, dont le premier roman devrait casser des briques, des baraques et plus encore s’il est au niveau de la moindre de ses nouvelles. Sinon, dans un autre registre, j’aimerais beaucoup lire le premier roman (tant attendu) de Simone de Bougeoir mais je crains que sa nouvelle manie de se peindre des licornes sur les ongles de pieds ne remette ses projets d’écriture à plus tard.

Natacha Boussaa, auteur de « Il vous faudra nous tuer« , Editions Denoël, parution le 19/08/2010
Qui êtes-vous ?
Parisienne, après un DEA de Lettres, une Licence de Cinéma et une formation d’Art Dramatique, je suis devenue comédienne, principalement au théâtre. La course aux cachets me fait parfois occuper différents postes dans des productions cinématographiques et théâtrales. Ce statut d’intermittente du spectacle me laisse du temps pour écrire. J’ai commencé très tôt à écrire, vers 8-9 ans, des romans, sur une vieille machine à écrire qui traînait. Pas par ennui. Je ressentais une véritable nécessité à me livrer à cette activité solitaire et secrète, à posséder un espace qui n’appartenait qu’à moi. Dans cet univers parallèle, personne ne peut vous donner d’ordres ou vous couper la parole : tout le contraire de l’enfance où, toute la journée, de l’école à la maison, vous êtes toujours soumis à un adulte qui sait toujours mieux que vous ce que vous avez à faire !

Influences et univers littéraires :
J’ai toujours beaucoup lu. Enfant, je dévorais la comtesse de Ségur. Ces histoires très morales et très cruelles, où l’éducation avait une place éminente, me fascinaient. C’est sûrement la raison pour laquelle, tout naturellement, dans l’adolescence, je me suis tournée vers la littérature du XIXème siècle et du XVIIIème : Flaubert, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Balzac, Zola, Stendhal, Chateaubriand, Musset, Rousseau, Goethe, Crébillon fils, Gogol, Dostoïevski, Tolstoï, Sterne, etc. Et puis, j’ai découvert et goûté la déconstruction du XXème siècle : Proust, Kafka, Breton, Artaud, Duras, Beckett, Vian, Hamsun, Hesse, Calaferte, Genet… Ce n’est que plus tard que j’ai découvert la littérature américaine : Kerouac, Bukowski, Fitzgerald, Miller, Hemingway, Burroughs, Ellis, Palaniuk, Faulkner, etc.… et mes contemporains français !

Comment s’est déroulée l’écriture de votre premier roman et quelles ont été les éventuelles difficultés ?
J’ai participé aux manifestations de 2006 contre le CPE, comme à beaucoup d’événements similaires (par exemple, en 2009, j’étais à Strasbourg au sommet du G8). C’est après ces manifestations contre le CPE, une fois la fièvre retombée et « l’ordre rétabli », que j’ai pensé que cela constituerait un excellent sujet de roman. Car ce mouvement parle éminemment bien de la société française contemporaine : il en dit les questionnements, les peurs, les limites, les obsessions, les désirs. Il parle aussi de ce qui se passe partout en Europe où, depuis lors, plusieurs pays comme la Grèce et l’Italie ont connu des crises similaires avec des explosions de violence.
La difficulté d’un projet comme « Il vous faudra nous tuer » résidait dans le fait de construire un roman à partir d’événements réels, de faits historiques, c’est-à-dire de sortir du témoignage et du journalisme, pour aller vers une fiction et une langue.

Quelles ont été vos démarches et difficultés pour trouver un éditeur ?
A l’adolescence, je me suis mise à écrire de la poésie. À vingt ans, j’ai écrit une longue divagation poétique que j’ai estampillée « roman ». Je l’ai envoyée à cinq éditeurs qui ne publiaient pas du tout ce genre de textes. Évidemment : réponses négatives. Après cela, je n’ai plus rien envoyé de ce que j’écrivais pendant des années, tout en continuant à écrire des récits, des nouvelles, des premiers jets de romans, de la poésie. En 2005, la vie m’a collé une véritable claque, mais en m’ébranlant, m’a remise sur mes rails : j’ai envoyé par la poste le manuscrit que je venais de terminer. Il a attiré l’attention de quatre éditeurs (Flammarion, Grasset, l’Infini, Verticales) qui m’ont recontactée, donné leur opinion sur le texte, des conseils d’écriture et des encouragements à continuer. Lorsque j’ai envoyé le suivant, « Il vous faudra nous tuer », à ces mêmes éditeurs, Juliette Joste – qui quittait alors Flammarion – l’a emmenée avec elle. Elle m’a dispensée des conseils pour le retravailler un peu. Lorsque j’ai eu terminé, elle l’a proposé à quatre éditeurs. Olivier Rubinstein et Philippe Garnier, chez Denoël, ont été les premiers à répondre, très rapidement.

Avez-vous un blog et quel regard portez-vous sur ces nouveaux moyens d’expression pour les auteurs ? J’ai un site internet qui présente mon univers et mon premier roman : natachaboussaa.net. Il se transformera très certainement en blog d’ici quelques mois. Pour le moment, j’ai un compte facebook que j’utilise comme un « mini-blog ». Je suis ravie de vivre à l’époque d’Internet. Les blogs, les réseaux sociaux, les forums, les nouveaux sites d’information ont complètement bouleversé notre rapport au monde et à la société, ils ont explosé le modèle pyramidal, le lien n’est plus vertical, mais horizontal, l’information difficilement contrôlable. Pour un écrivain et un journaliste, c’est une chance extraordinaire de pouvoir faire circuler des idées non validées par les tenants habituels du pouvoir. J’ai hâte de voir vers quoi nous amèneront Internet et les prochaines innovations…

Comment appréhendez-vous le fait de figurer à la rentrée littéraire de septembre (et avez-vous prévu de lire l’un ou l’autre de vos confrères/consoeurs) ?
Oui, je vais lire plusieurs livres de cette rentrée ! J’ai besoin de comprendre mon époque, de lire ce qu’elle produit, de me heurter à l’image qu’elle nous renvoie de nous-mêmes. Je ne crois pas du tout que la littérature française soit morte ou sur le déclin : cela fait plus de deux siècles que l’on nous répète la même chose ! Nisard en 1834 clamait la décadence de littérature française : depuis Bossuet, il n’y avait plus rien ! Moi, j’aime la littérature française contemporaine pour sa diversité : dans une même rentrée, on peut lire de la littérature expérimentale, de l’autofiction, du roman métaphorique, réaliste, historique, d’imagination, etc. Donc, oui, je vais lire plusieurs auteurs de cette rentrée ! Quant à ma rentrée littéraire, eh bien… je ne l’appréhende pas ! Je vais faire comme toujours : les mains dans les poches en sifflotant, comme dirait Apollinaire. En tous cas, sans trop m’en faire…

Laurence Biava, auteur de « Ton visage entre les ruines », In Octavo Editions, parution le 15 septembre 2010 (collaboratrice de Buzz littéraire)

Qui êtes vous ?
Je travaille dans le domaine des assurances (j’ai une formation de juriste spécialisée dans le droit des Assurances), mère de famille de trois garçons (jumeaux de 12 ans et un fils de 8 ans). Passionnée de littérature, j’ai d’abord créé un blog littéraire sur Myspace en 2007 (n’existe plus) avant de chroniquer ponctuellement pour Buzz littéraire depuis 3 ans. Pour prolonger la rencontre avec « l’auteur », j’ai développé avec une passion intacte proche du sacerdoce, l’activité de « webmastering », afin de m’immiscer totalement dans cet univers de mots et d’images : le site consacré à Frédéric Beigbeder www.frederic-beigbeder.org vient de fêter ses un an, celui de Nicolas Fargues – www.nicolas-fargues.org– vient d’ouvrir ses portes.
J’écris depuis 15 ans, ai produit 6 romans. Achève le septième.

Influences et univers littéraires :
Mes influences sont pour le moins éclectiques, denses et variées. Je lis tout, absolument tout ce que je peux lire. Je n’ai pas de préjugés. Trouve un intérêt à chacun (sauf à Marc Lévy, Musso, Pancol et Galvada, envers qui je ressens une profonde antipathie littéraire). Jeune, j’aimais et n’aimais que les oeuvres dites académiques, scolaires, classiques, souvent des 18 et 19 ème siècles. Le premier roman que j’ai lu est « Paris au mois d’Aout » de René Fallet, je le relis régulièrement. Livre de chevet avec une dizaine d’autres. J’ai lu tout Stendhal, Balzac, Zola, Musset, Proust, Gide, Pascal. Je voue un culte à Edgar Allan Poe, à Nerval. Ainsi qu’à Camus. Je connais bien l’oeuvre d’Oscar Wilde, de Montaigne, de Voltaire. J’adore Mauriac, et toute la filiation Wiasemsczy, j’aime Claudel, Drieu la Rochelle, Mallarmé, Alice Ferney, Roger Nimier, Blondin, Henry Miller. Plus tard, j’ai découvert, grâce notamment à Beigbeder queje considère comme mon guide et maître en littérature contemporaine, et dont je connais l’oeuvre sur le bout des doigts, Salinger, Sagan, Fitzgerald, Hemingway, Capote et toute la littérature américaine de la « génération perdue » avec Ellis et Mac Inerney en tête de gondole. J’aime aussi particulièrement les oeuvres un tant soit peu philosophiques, cela va des aphotrismes de Cioran, l’un de mes livres de chevet, (« de l’inconvénient d’être né »), à Alain, à Spinoza, au dictionnaire philosophique de Voltaire. ou aux oeuvres philosophiques plus récentes telles que celles de Comte-Sponville. Le plus incontestable auteur, le plus important de tous me semble être Nietschze dont la pensée, avec celle de Schopenhauer, estla plus éclairante, la plus lucide, la plus juste sur la couleur de notre époque, sur les réflexions du monde. « Ainsi parlait Zarasousthra » est une oeuvre magistrale, gigantesque. Je lis pas mal aussi Tchekov et Dostoievsky.Et quelques libertaires des 17 et 18ème siècles dont les noms ne diront rien à personne. Coté fiction contemporaine et littérature trentenaire, j’ai un faible pour on l’a dit, Beigbeder, Nicolas Fargues, Jean-Marc Parisis, Jean-Paul Dubois, Michel Houellebecq, Nothomb, Céline Minard, et Sylvie Germain. Quelques romans d’Olivier Adam me touchent aussi mais pas tous. Ajoutons, pour finir, que les dictionnaires médicaux et leurs thèses, les essais linguistiques, les œuvres des sémioticiens ont une influence considérable sur ce que j’écris. J’aime tout ce qui concerne l’analyse en général. Je suis comme en apnée, cela m’impressionne. J’ai besoin de lire quelqu’un qui me rassure et pas quelqu’un qui me fait douter. La philosophie m’apporte des réponses, la littérature, elle, me suggère des univers mais dans l’ensemble, elle me fait tâtonner. Je suis totalement imprégnée d’analyses et de réflexions, en raison de l’environnement médical dont je suis issue.

Comment s’est déroulée l’écriture de votre premier roman ?
J’ai écrit ce roman il y a quelques années puis je l’ai régulièrement repris, après avoir essuyé des refus de publication. J’ai voulu donner un ton plus dramatique, plus analytique, voire clinique à mon histoire. J’ai repris mon histoire après la lecture d' »Un roman français » de Frédéric Beigbeder. Son autobiographie a été un révélateur pour moi. Mon roman parlait déjà d’amnésie, de maladie grave mais mon héroïne atteinte du Korsakov me semblait encore par trop évanescente, éthérée, en raison de son jeune âge. J’ai voulu aggraver son cas, la rendre plus crédible d’une certaine façon, et ce, après avoir avoir observé la posture du héros vivant chez Frédéric, qui à certains égards, donne l’impression d’être devenu amnésique après un choc traumatique, certes, mais par endroits, de façon aléatoire. Cela restait trop léger pour moi. Il le confesse lui-même, la mémoire lui est revenue peu à peu au fur et à mesure que les souvenirs de son enfance, par le réalisme qui se dégageait de sa garde à vue, étaient contractés. J’ai voulu dire exactement l’inverse parce que j’ai creusé le sujet, bien que ce récit soit une véritable fiction sans autres influences extérieures. J’ai voulu parler d’une mémoire qui flanche littéralement, qui atrophie absolument le personnage qui en est victime. Une amnésie hallucinante qui vous rend fou, quelle qu’en soit son origine : un choc dans l’enfance ou une guerre menée contre soi-même, contre sa lucidité, la peur de vieillir et mieux même, la conservation miraculeuse de la jeunesse éternelle. Je propose donc, une métaphore amoureuse et lumineuse, sous forme de huis clos, au gré d’un voyage au creux de la folie ordinaire.

Quelles ont été vos démarches et difficultés pour trouver un éditeur ?
Désormais, je n’envoie plus mes manuscrits qu’à six éditeurs triés sur le volet : 3 plus connus que les 3 autres. Mais honnêtement je me fiche un peu de savoir qui s’intéressera à mon texte. J’ai une propension à croire et à faire naturellement confiance en la personne qui me lit. Pour ce manuscrit, Gil Fonlladosa de Pommayrac (des éditions In Octavo) m’a répondu au bout de trois jours sur mon portable. Il était emballé. Cela m’a fait plaisir, il en était le premier lecteur ! Ont suivi Emmanuelle de Boysson qui a insisté pour le présenter au comité de lecture de Plon et les éditions Zulma qui s’y intéressaient aussi de près mais je m’étais engagée auprès d’In Octavo avec qui je venais de signer un contrat.
J’ai écrit 6 romans, et j’achève le septième dans lequel je place un bon espoir de le voir figurer en 2011 sur les tréteaux des librairies : il s’appelle « Tout miroir mérite réflexion », il est principalement axé sur les vices des femmes médiocres. Avant « Ton visage entre les ruines », deux de mes manuscrits (« La déchirance » et « Cannondale ») ont été retenus en 2005 et 2006 pour des corrections. Stéphanie Chevrier, à l’époque aux Editions n°1, m’avait sollicitée et encouragée, mais le projet n’avait pas abouti. Idem avec une maison d’éditions qui n’existe plus, dans le VIe, reprise par un ancien directeur de Libération (le nom m’échappe). Je m’étais déplacée deux fois, étais sur le point de signer un contrat. Et puis mes manuscrits ont mystérieusement disparu, au moment où la boîte coulait. Je n’ai pas gardé de remords : tout vient à point pour qui sait attendre.

Comment appréhendez-vous de figurer à la rentrée littéraire de septembre(et avez vous prévu de lire confrères et consoeurs ?)
Je ne l’appréhende pas du tout ! J’attends ce moment avec une certaine impatience ! Pour moi-même et pour Buzz, je lirai Virginie Despentes, Chloé Delaume, Ellis, Michel Houellebecq, Ann Scott, et quelques autres romans en provenance de chez Grasset, Verticales, P.O.L, Stock, Minuit et Gallimard.

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