« Le plus petit zoo du monde » de Thomas Gunzig : L’espèce humaine en voie de dépression

« Le plus petit zoo du monde », ça pourrait être ces cages que nous fait visiter Thomas Gunzig, devenu pour l’occasion un guide zoologique un peu cynique. Des cages où l’espèce humaine se débat dans sa condition rarement flamboyante… De pauvres hères que l’on préfère voir de loin derrières les grilles de leur ménagerie.

Bob, englué dans son mariage et ses scènes de ménage pitoyables, Franck, vieux garçon vivant encore chez sa mère, Henry VRP dépressif en quête de l’Amour ou encore « le Timide », qui pour vaincre son handicap devient psychopathe…

Bref, une réjouissante brochettes de ratés, frustrés, transpirant la misère sexuelle, terreau de toutes les folies. Des fauves prêts à exploser, tournant en rond derrière les barreaux de la vie moderne urbaine.

Ces fables d’un nouveau genre nous sont contées dans un style truculent, mélange subtil du franc parler d’un café du commerce (« dixit le Timide », « A partir de là », « Comme à chaque fois », « Crac »…) et d’un art du détail qui tue : elle avait ramassé ses affaires, sa brosse à dents, sa trousse de maquillage et son sèche-cheveux « semi-profesionnel » ; « il mangea en regardant un film où une fille se fait violer puis se venge »…

Un ton presque bon enfant pour relater l’ignoble
Une écriture qui donne l’air de ne pas y toucher, qui se déroule implacablement, presque sournoisement, pour toujours toucher son but. Un ton posé, prosaïque presque bon enfant, pour relater les pires ignominies. Le tout associé à un art des métaphores particulièrement aiguisé : « un sinistre sommeil sans rêve lourd comme une plaque de marbre », « une colère qui remonte et se met à flotter dans sa cervelle comme un morceau de bois pourri à la surface d’un étang », une fille super belle « genre étudiante allemande en philogie romane qui commence un programme Erasmus »

L’allégorie animale qui est associée à chaque récit peut néanmoins paraître parfois un peu superflue. A moins qu’elle ne soit là uniquement pour démontrer que les animaux ne sont pas réellement ceux que l’on croit. Une nuance pour la nouvelle « La vache » où elle occupe le rôle central du récit. Sans doute la plus percutante du recueil, elle met en scène un VRP esseulé, testant, pour lui tenir compagnie, une vache génétiquement modifiée en femme. Du moins en apparence physique… Une fable surréaliste qui frôle la perfection narrative.

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