Extraits et citations choisies de « La Condition pavillonnaire » de Sophie Divry

La-condition-pavillonnaire-sophie-divry-extraits-citationsParu lors de la rentrée littéraire de septembre 2014, La condition pavillonnaire de Sophie Divry, se place ouvertement sous la houlette bovaryenne, citations en exergue à l’appui. « Jeune romancière qui monte » elle s’est faite notamment remarquer avec cet opus (et précédemment avec les névroses d’une bibliothécaire frustrée dans La Cote 400, puis l’analyse de sa foi catholique dans « Journal d’un recommencement »). Elle y retrace l’itinéraire d’une femme a priori ordinaire voire banale ayant grandi et s’étant mariée dans les années 60-70, études, mariage, maternité, amant, grand-mère. Parcours classique et pathétique d’une femme sans ambition, qui s’ennuie, ne trouve jamais de réelle satisfaction, rêve qui lui arrive quelque chose. Un personnage assez pathétique que la romancière regarde toujours de haut, avec une certaine moquerie. Malgré de bons passages, on regrettera le mépris qu’elle porte à son héroïne, tout du long, privant de toute empathie au personnage et probablement de crédibilité… :

Citations sélectionnées par ordre chronologique:

Ses premiers flirts et émois amoureux/sensuels:
« Il reste avec toi à l’arrêt du bus n°6, ce petit bout de rue devenant pour tes 15 ans aussi romantique que les balcons shakespeariens. »

c’est là que tu connais pour la première fois la sensation d’une autre langue que la tienne dans ta bouche, que ; pour la première fois ; tu sens une mer chaude se répandre sous ta peau, délicieuse et paralysante. »

« C’est donc ça, le désir! Toi qui croyais que seuls les hommes le ressentaient si fort. »

« C’est comme un nouveau jeu: marcher sur la poutre et séduire les garçons. »

« Ce n’est plus un garçon en particulier que tu cherches, mais l’onde chaude qui élargit ta poitrine et te rend si puissante. »

A l’aube de quitter le domicile familial pour partir faire ses études supérieures:
« Un monde nouveau s’ouvrait à toi dans lequel tu n’entendrais plus ton père faire slurp en mangeant de la soupe. »

« Ma fille va faire des études d’économie! » entends-tu au milieu des haricots verts.

« Tout est décidément trop petit pour toi ici. »

Installation avec son mari, l’achat d’une maison, la maternité… :
« Cette maison était une ascension ; on naît dans une vallée à vaches et on se retrouve après-guerre à faire partie de ceux qui peuvent séparer leur lieu de travail de leur lieu domestique ; tes grands-parents avaient été fiers de leurs enfants. »

« Puisque c’était cela, fonder une famille ; devenir reine et esclave à la fois ; avoir constamment le souci des autres, adultes comme enfants, connaître leurs besoins, leurs horaires ; mettre son corps au service du bon fonctionnement de la machine familiale, pieuvre dévorante.

« D’abord devenir propriétaire, puis aménager, puis se reproduire. » (rappelle les paroles de la chanson « la reproduction » d’Arnaud Fleurent-Didier.

La routine conjugale vue à travers une symphonie de sons familiers

« Par exemple tous les soirs ce moment où ton mari rentre. Il est 19h30 ; cela commence par le crissement des pneus sur le gravier, joint au vrombissement du moteur qu’on éteint, un silence, puis une portière qui claque; tu entends ces bruits depuis la cuisine ou depuis la chambre. La porte d’entrée qui s’ouvre, le clic de la poignée suivi d’un son plus fort, celui de la porte qui se referme, le pêne rentrant brusquement dans la gâche, un souffle, un claquement suivi d’un gai carillonnement, car plusieurs trousseaux sont suspendus derrière la porte et leur tintement résonne dans le hall, tintement issu du choc de toutes les clés choquées entre elles après avoir toutes : clefs de voiture, clefs de chez ta mère, double des clefs du garage ; été soulevées par le souffle de la porte qui se referme, elles se rabattent sur le bois, émettant un carillonnement au timbre clair, puis se balancent de gauche à droite selon la vitesse avec laquelle ton mari a refermé la porte. En entendant ces bruits tu sais que l’acte de rentrer est achevé.
(…)
Car ainsi tout est en ordre. Quand il ne s’est pas encore changé, qu’il est encore beau dans son costume sombre, tu vois en lui l’homme de responsabilité, il a enlevé sa veste, il a mis les mains sur ton corps. Toi tu te sens à ta juste place. Aussi le monde se referme-t-il sur votre cuisine, votre couple, lui qui rentre après sa jounrée, ses paroles dans ton oreille, son baiser, votre famille. Les enfants ont grandi, ils attendent avec toi le retour du père ; pneus, portière, cliquetis des clefs tintant, tapant sur le bois. »