« Une fille dans la ville » de Flore Vasseur : A quoi rêvent les e-business girls quand la bulle Internet éclate ?

Ce premier roman d’une ex- e-buisness girl (une « wonderwoman » comme elle se surnomme) repentie, nous replonge dans l’ambiance survoltée des années 2000 et des starts-up pléthoriques où Internet était le nouvel Eldorado des entreprises et des jeunes diplômés d’HEC, pensant devenir millionnaire en quelques mois… L’héroïne de Flore Vasseur a vécu cette époque au coeur de son système, à Manhattan, à New-York. Mais quand sonne le glas des investissements record des capital risqueurs, la jeune consultante ne sait plus que faire de ses business plans et décide de changer de vie… Ou de vivre tout simplement, justement ?

Présenté sous la forme d’un journal de bord chronologique, de la fin des années 90 à l’hiver 2005, ce roman débute en pleine euphorie Internet et de sa bulle spéculative. L’héroïne, fraîchement sortie de sa promo HEC, s’apprête à gravir les marches du succès dans une grosse boîte du CAC 40, « dents allongées » et « regard durci ».
Pourtant le ronron du « bon job » et de l’entreprise « 12 sur 20 » comme elle l’appelle ne lui suffiront pas. « L’entreprise est un sale agent immobilier. Lors de l’entretien, on t’a fait visiter l’appartement témoin; en signant ton contrat, tu as acheté un cagibi. Sur plan. Forcément tu le trouves trop petit et tu t’ennuies. Tu es déçue. C’est la régle.« , lui explique son boss. Une triste réalité dont elle ne s’accomodera pas.

« J’ai besoin de kilomètres et d’adrénaline« , réalise t’elle. Elle démissionne et débute alors son odyssée de New-York à Kaboul pour tenter de trouver un équilibre professionnel… et sentimental.
A Manhattan, elle nous dépeint sa nouvelle vie trépidante parmi les « capitalist pigs » (ils gèrent leurs affaires par téléphone dans les avions autour du monde. Sa vie est un cours de bourse, une caricature… ») qui veulent construire des sociétés à la vitesse d’Internet c’est à dire à partir de rien et faire fortune pour vivre à Hawaï « d’eau et d’arcs en ciel »…, l’arrogance des « expaaaats » français, ses tribulations de jeune entrepreuneuse au rythme du Nasdaq…

« New York excite la violence, canalisée dans le travail, et la solitude, érigée en condition de réussite. (…) Les couples sont des ovnis, la solitude une industrie. Le long de l’Hudson River ou à Central Park, les femmes courent sans relâche très tôt le matin avant le travail. Elles ont toutes le même petit mollet rond et ferme sculpté dans les cours de step de New-York Sports Club. La même fesse haute. Les mêmes jambes rasées par Gillette, prêtes pour la caresse.« , décrit-elle avec acuité.

En 2001, la bulle Internet craque et entraîne alors sa lente chute qui la ramènera vers la France puis jusqu’à Kaboul en passant par la Corée ou encore Mexico…
Entre deux missions marketing et études de marché, elle s’interroge sur son devenir sentimental et joue à cache-cache avec son amour d’étudiante en repoussant toujours l’échéance d’un véritable engagement.
« Derrière toute femme qui prend des risques, il faut chercher l’ombre d’un père qu’elle tente désespérément d’épater. », analyse t’elle au détour d’une page.

Mené à 100 à l’heure, ce roman très vivant à l’écriture décapante et « couillue », pêche cependant par sa structure : une succession de rebondissements qui manquent d’approfondissement. On a parfois la sensation de lire une énumération d’évènements débités à une cadence infernale, sans lien véritable. Les épisodes et les destinations s’enchaînent. L’écriture, parfois quasi clinique, assez sèche reste en surface, effleure mais n’immerge pas le lecteur. Il manque une âme.
On pense au roman Gringoland de Julien Blanc-Gras qui présentait le même problème et imitait aussi le mythique Génération X de Douglas Coupland (Flore Vasseur utilise le même principe de définitions au second degré, dans les marges des pages, de termes « spécifiques » tels que « Intermittent du business » ou encore « Tyrannie de la jouissance »…) avec des accents de chick-lit dans une version économique.

Il faut tout de même saluer l’inventivité de l’auteure et l’énergie déployée à chaque page. Ses descriptions claquent à la figure et ne manqueront pas d’interpeller ceux qui ont vécu ces dernières années de folie libérale sur fond de « nouvelle économie ».

Le livre constitue ainsi un témoignage riche sur les désillusions d’une jeune cadre des années 2000, à la recherche d’une troisième voie… Une lecture « qui devrait être obligatoire aux jeunes étudiants « puceaux de la folie économique », pour paraphraser Céline » estime même le quotidien économique Les échos. Plus économique que littéraire en effet.

Deux ou trois choses que l’on sait de Flore Vasseur :
Flore Passeur est née en 1973 à Annecy. A la fin des années 90, elle s’est expatriée à New-York pour y créer « Trendspotting », un cabinet de conseil en stratégie Internet, avant de connaître les affres de la crise post-bulle Internet.
Extrait de l’éditeur :
« Ce matin, John John est mort. Il s’est égaré dans le brouillard, engueulé une dernière fois avec sa femme tyrannique dans son coucou de sex symbol. Ils se sont abîmés pour toujours. New York a perdu son fiston. Madison Avenue éclate de pureté. Je vis comme un rat. L’été, tout se passe dehors. Cela se voit moins. Je suis dans le rythme. J’ai vingt-cinq ans, deux dollars en poche… Au royaume des Kids, je suis devenue un petit mec. « 

5 Commentaires

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  1. OK Buzz, tu m’as convaincu… Je vais finir par le lire, ce "Generation X"!

    (et Flore Vasseur, peut-être… Je me souviens avoir croisé sa route bien avant que les boules ne supplantent la bulle… on me l’avait présenté comme une "killeuse", c’était un euphémisme. Allons-z-y donc pour le roman de repentis !)

    • sultano sur 9 septembre 2006 à 13 h 56 min
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    je porte à votre connaissance cette critique d’Astrid de Larminat du Figaro sur le livre de Flore Vasseur

    L’horreur économique

    Le carnet de bord d’une femme d’affaires de 24 ans partie à la conquête de New York, antichambre d’un néomonde terrifiant et néanmoins cocasse.

    LE MONDE DES AFFAIRES : on en est ou on n’en est pas, et si tel est le cas, c’est comme avec les pages économiques des journaux, on passe son chemin parce qu’on n’y comprend rien. Si tel est votre cas, lisez Une fille dans la ville.

    Ce premier roman – un carnet de bord en réalité – de Flore Vasseur, ancienne élève de HEC partie à 24 ans, « sans argent, sans réseau, sans projet », à la conquête du World Trade Center (c’était en 1999, la netéconomie affolait tous les indices) ouvre la porte sur cet « e-monde » à part.

    Accrochez-vous, la demoiselle Flore était championne de snowboard : son récit démarre comme un hors-bord, file dans les rues de Manhattan comme l’héroïne sur ses rollers, fuse en business class à travers la planète, de Paris à Moscou, de Mexico à Kaboul, sur tous les « terrains de jeu du miracle économique dicté par le FMI ». Impossible de s’ennuyer une seule seconde. L’auteur dégaine les bons mots et les phrases assassines. Son enfance, par exemple, est résumée en une note placée dans la marge : « Éducation vermicelle : être capable à 4 ans de se faire à manger à cause de parents englués dans leur divorce, leur déprime, leur boulot, le culte de la performance et l’escalade de l’échelle sociale. Éducation typique des années 1970. » Autre définition, ciselée à la mitraillette, celle de l’entreprise française, dite « Entreprise 12 sur 20 : un patron, c’est un homme qui rêve et qui a peur. Il dort mal, se réveille souvent avec l’actionnaire qui hurle au téléphone. Alors il s’entoure d’un management 12 sur 20. Des bons petits, juste un peu moins moyens que les autres, pas les plus intelligents mais les plus dociles. Tellement honorés d’avoir été choisis, ils acceptent sautes d’humeur, incohérences, dossiers refilés le vendredi soir (…).»

    Riche et triste

    C’est cruel, cocasse, écrit par une fille qui pourrait figurer dans Sex and the City, belle, mince, effrontée, affranchie : du genre à souligner ses coordonnées sur l’amende qu’elle vient d’acquitter à un shérif beau comme dans une publicité. Visite guidée du grand cirque financier : les chiffres sont des formules magiques, grâce auxquelles on fait apparaître des millions de dollars rien qu’en brassant du vent… Une féerie mi-réelle mi-virtuelle où mademoiselle Flore, femme d’affaires haute comme trois pommes veut se faire une place. À peine a-t-elle posé le pied à Manhattan, qu’elle crée d’un clic sa propre entreprise « d’intelligence économique ». Son tour de piste commence. Un banquier d’affaires tremblant de manquer le coche d’Internet à qui elle veut emprunter 500 000 dollars lui rétorque, dépité : « Manque évident d’ambition. Vous m’auriez dit 5 millions de dollars, je vous les donnais de suite. » Tomy, investisseur australien qui veut faire de Flore son « little secret weapon » pour « bouffer AOL » propose de lui acheter son business « one million dollars » («ouane million dollars, à 25 ans ! », s’écrie-t-elle intérieurement, étourdie) et se met à genoux devant elle dans un bar pour lui faire promettre de « signer le deal »… Ceux qui jonglent avec le feu et les zéros sont autant d’invraisemblables personnages : bateleurs caractériels, illusionnistes au régime « tofu et jus d’herbe », animateurs de stages de rire, artistes à la remorque des très riches – tous costumés Armani, l’électrocardiogramme fixé sur les cours de la Bourse. Pour ne pas qu’on la croque, la fillette crâneuse se mue en « petit mec ». À New York, ce n’est pas comme à Paris , on y crée une entreprise comme on s’achète une chemise, il faut « attendre l’impossible, ne jamais considérer les positions acquises, respecter les plus petits que soi ». Mais attention aux sirènes de l’or vert. À New York, ligne de départ de toutes les réussites, « you eat what you kill ». Et si tu ne tues pas, tu seras mangé.

    L’ennui, « l’angoisse d’être normale », le refus de grandir l’avaient propulsée outre-Atlantique. En 2000, la dégringolade du Nasdaq puis, en 2001, la chute des Twins crèvent le mirage. Flore fuit les « capitalist pigs », devient à Paris une « intermittente du business », part pour Kaboul se racheter une conscience et retrouver un amoureux qui joue en affaires comme en amour. Sur le champ de ruines, elle assiste à l’arrivée des… « capitalist pigs ». Mais le jeu, cette fois, ne l’amuse plus.

    « Quand j’ai commencé à vouloir devenir riche, je suis devenue triste », médite-t-elle, alors qu’elle assiste à l’enterrement de l’un de ses camarades de promotion. Le livre s’arrête sur ce constat amer. Mais l’histoire de Flore rebondit dans la vraie vie. Le « petit mec » est devenu femme. Une femme sur le point de devenir mère.

  2. J’aurais aimé connaître l’éditeur…

    • jeangabriel75 sur 23 mai 2007 à 18 h 49 min
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    Je viens de lire d’une traite "une fille dans la ville" qui était dans la pile des bouquins à lire depuis qqs mois. C’était bon et décapant.

    Il rappelle un peu le Beigbeder de Windows on the World ou de 99 francs, avec moins de paillettes, plus d’authenticité, moins de "happening".

    Certes, c’est un peu décousu, mais c’est la vie. On the road de Kerouac est très décousu aussi.

    • Roland sur 5 juillet 2007 à 17 h 36 min
    • Répondre

    J’ai un peu du mal a comprendre Flore que je connais personnellement. Elle meme courrait apres le reve americain. Son aventure sans succes l’a rendu amere et motive son livre. Si elle avait connu le succes aux US je pense que son livre aurait eu une autre tournure. Celle d’une success story d’une petite francais a NY.

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