Ecrivains-réalisateurs : Les écrivains sont-ils les mieux placés pour adapter leur roman (de Houellebecq à Yann Moix…) ?

Dans son excellente émission L’Hebdo cinéma, Daphné Roulier s’interrogeait samedi dernier sur la pertinence des écrivains-réalisateurs avec pour témoin privilégié et invité : Michel Houellebecq en personne accompagné de son agent François Samuelson. L’auteur de « La possibilité d’une île » s’apprête en effet à tourner en avril (après sa crise de l’été dernier) l’adaptation de son roman, un conte philosophique qui traite de clonage, de secte et d’immortalité et se déroule entre aujourd’hui et l’an 4000, avec dans le rôle phare de Daniel, un humoriste à succès vieillissant, le comédien Benoît Magimel (qui est représenté par la même agence « Intertalents » que l’écrivain.). Un film produit par Mandarin Films.

Après avoir rappelé son aigreur face aux médias qui dénaturent ses propos ou focalisent sur les aspects les plus polémiques de ses romans, Michel Houellebecq a fait part de sa passion pour le cinéma et du projet d’adaptation de « La possibilité d’une île » qu’il avait en tête dés l’écriture du roman (à noter la sortie en poche récente de l’ouvrage).
On apprend d’ailleurs qu’il a été élève de l’Institut Louis Lumière et a déjà réalisé trois courts-métrages. Il a estimé qu’il était plus facile pour un écrivain d’adapter son oeuvre car « il lui est plus facile de voir la distance et n’a aucune pitié pour lui-même : il n’hésite pas à sabrer son texte ».

La principale difficulté selon lui ? Choisir les membres de l’équipe du tournage.
Il a enfin souligné un point commun entre l’écriture d’un roman et celle d’un film : la perte de contrôle des personnages qui finissent par échapper à leur créateur. « Ils finissent par manifester une volonté d’existence propre », constate-t’-il. Et d’illustrer : « Valérie m’a niqué mon livre dans Plateforme en tirant la couverture à elle ! »
Quant à devenir acteur ? « Ah non, je suis pas doué pour ça, ni mon chien Clément (un chien participe à l’histoire, ndlr) d’ailleurs », a-t’-il admis avec le sourire.

Du côté de ses propres influences ciné, il a rappelé son attachement à Louis de Funès qu’il considère comme « un génie burlesque », un talent rare : « C’est grand ce qu’il fait ». « La 4e dimension » et les films d’anticipation ont aussi marqué sa jeunesse : « Ils me fascinaient. »
Parmi les films qui l’ont bouleversé récemment au cinéma, il cite A.I, le film sur l’intelligence artificielle de Steven Spielberg, avec dans le rôle phrare Haley Joel Osment. Il avoue même avoir pleuré à ce film qu’il qualifie de « très émouvant ».
Il est aussi bon public de film comme « Camping », admet-il sans complexe, à la demande de Daphné Roulier (et suite à présence précédente de Mathilde Seigner) : « J’ai franchement ri ».

Un petit reportage a ensuite été présenté où intervenaient plusieurs écrivains-réalisateurs : d’Eric Emmanuel Shmitt (qui vient de sortir « Odette Toulemonde« ), Christophe Honoré (son dernier : « Dans Paris »), Marc Lévy (qui prépare l’adaptation de « Mes amis mes amours ») et Yann Moix. Ce dernier a notamment souligné la difficulté pour un écrivain habitué à un travail solitaire de devenir le chef d’orchestre de toute une équipe sur un plateau ciné. « Le plus difficile reste les relations humaines et la gestion des egos », a-t’-il commenté. Avant d’ajouter : « Les réalisateurs savent couper et faire des films d’1h30 tandis qu’aucun écrivain ne se prépare à faire un livre de 200 pages. Et ça c’est dommage. » Sic !
Il a également été pointé le fait que la génération d’écrivains actuelle a été nourrie à l’image.

Le synopsis de « La possibilité d’une île » :
Entre aujourd’hui et l’an 4000, l’histoire de Daniel, un humoriste à succès vieillissant, et de sa rencontre avec une secte, les Elohimites, qui promet l’immortalité par le biais du clonage. Le récit s’articule entre le point de vue de ce héros antipathique et celui de deux de ses clones, Daniel 24 et 25, fruits des manipulations génétiques de cette secte.

Voir l’article de Culture Café

11 Commentaires

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  1. Instinctivement, je me méfie. L’argument selon lequel l’auteur aurait mons de scrupules à s’éloigner du texte me semble peu crédible…
    (Et le souvenir des idées de film de Daniel 1 dans "La possibilité d’une île" me laisse, disons, dubitatif sur le projet de MH ; cela dit, il tenait absolument à le faire, n’allons pas lui chercher noise 😉

    A lire sur le sujet (et à conseiller aux auteurs qui auraient des velléités de cinéaste?), "Les souris ont parfois du mal à gravir la montagne" de Ravalec, retour drôle et désabusé sur l’aventure du film "Cantique de la racaille" !

    • pistolero sur 5 février 2007 à 16 h 45 min
    • Répondre

    Aie ! I.A de Spielberg est le pire film de son réalisateur et tellement mauvais qu’il confine presque à la folie, à la folie de la niaiserie. J’ai pensé après l’avoir vu que Spielberg ne s’en remettrait jamais, qu’il était perdu pour la cause ce qui était faux puisqu’il a depuis réalisé "Attrape-moi" et "Minority Report".
    Mais I.A reste à mes yeux un ratage absolu, passée la première demie-heure.

  2. J’ai peur d’etre déçu notamment par la dimension SF du film ! Dans le bouquin c’etait parfaitement réussi, et j’ai un peu peur du visuel qui va etre plaqué dessus…

    • Marie-Laure sur 5 février 2007 à 20 h 38 min
    • Répondre

    Bonjour, merci de ce résumé. J’ignorai que MH avait réalisé des courts-métrages. Savez-vous de quel genre de court il s’agit et si on peut les visionner quelque part sur la toile ?

  3. Je suis tout à fait favorable à ce qu’un écrivain adapte un de ses romans.
    Cela pourrait être très intéressant si le film en propose un autre angle vue, s’il ne le suit pas linéairement (à la lettre) mais plutôt le complète, l’enrichit, le digresse, le sort de l’étroitesse des pages, l’éclate pour en faire autre chose tout en gardant son univers, son ambiance originelle.

    En poursuivant le raisonnement, l’œuvre pourrait se décliner sur différents médias, complémentaires, indissociables, pour former un tout. On pourrait imaginer d’autres formes de supports comme la bande dessinée, le cd pour l’univers sonore du l’œuvre, la peinture etc.…

    L’écrivain s’entourerait alors des personnes compétentes à la réalisation de son œuvre sur les différents supports. Il serait le gardien de son univers, le coordinateur, l’adaptateur et bien sûr son écrivain et laisserait la réalisation technique aux professionnels compétents.

  4. Très intéressant ce que tu dis Pistolero. Effectivement ses goûts ciné, du moins ceux qui ont été abordés pendant l’émission ne sont pas "conformes" à ceux habituellement mis en avant par une certaine intelligentsia qui se targue de savoir ce qu’est le bon goût culturel.
    Cela démontre, je pense, encore une fois que la "qualité" d’une œuvre artistique qu’elle soit cinématographique ou littéraire, etc, dépend étroitement et subjectivement de celui qui la regarde ou la lit. Houellebecq confie, avec sincérité, avoir été ému par ce film A.I (ou I.A), qui a été lynché par la critique. Faut-il le lui reprocher ?

    Sinon pour revenir à la question de la pertinence des écrivains-réalisateurs je dirais que le désir d’un écrivain de participer à la réalisation de son film paraît toute légitime. Après tout c’est son bébé ! En revanche se pose ensuite la question de la "compétence à…"
    Je me souviens qu’Olivier Adam qui a tenté de participer aux scénarios de l’adaptation de ses romans, disait que la littérature restait pour lui, "l’art total" et déplorait la pauvreté de l’écriture scénaristique.
    Je reprends un extrait de l’article écrit à l’occasion de la sortie de "Je vais bien, ne t’en fais pas" buzz.litteraire.free.fr/d… :
    "Participer à ce genre de projets est agréable quand on vient me chercher mais je ne pourrais jamais passer de l’autre côté comme Christophe Honoré.", déclare t’il. Après avoir assisté à quelques reprises au tournage de "Poids léger", il réalise avec effroi que "le réalisateur doit vraiment être partout : s’occuper des acteurs, régler les problèmes logistiques, techniques". Parfois à mille lieux de son objet artistique ! Il en garde néanmoins le souvenir d’une "intensité incroyable, d’une énergie condensée et d’une vie impressionnantes".

    Comme le dit Yann Moix, cinéma et littérature sont tout de même deux mondes bien distincts. Il peut donc y avoir danger pour un écrivain de se lancer seul dans l’aventure.

    L’idéal serait comme le suggère m, dans un monde idéal ce serait bien qu’écrivain et réalisateur travaillent de concert mais je crois que le second deviendrait vite fou (encore le pb de la gestion des egos respectifs…) ! C’est la raison d’ailleurs pour laquelle, les scénaristes ne participent pas au tournage.

    Marie Laure, aucune idée mais j’aimerais bien les voir aussi !
    En consultant son site, je constate que sont mentionnées en effet 3 réalisations intitulées : Cristal de souffrance, Déséquilibres et La rivière, réalisés à la fin des années 70, début des années 80
    à voir ici (bas de page) http://www.houellebecq.info/oeuv...

    • MonsterJack sur 6 février 2007 à 14 h 10 min
    • Répondre

    Rectif :
    Le petit "m" en question, c’était moi MonsterJack. N’écrivant pas de chez moi, j’ai pas fait gaffe au pseudo.Désolé…Je n’écris pas anonymement!

    Ok Alexandra, je voulais surtout insister sur le côté, un écrivain peut avoir plusieurs talents et les exprimer de différentes manières tout en conservant l’unicité de son oeuvre. Y en a marre de toujours vouloir cantonner un auteur ou artiste à un style ou à un média, de lui coller une étiquette.

    Quand à la gestion des égos respectifs, on en a eu très récemment l’illustration dans un débat précédent entre un libraire diseur de maux et un écrivain pisseur de mots.
    Désolé d’y revenir, mais je n’ai toujours pas DIGERE.

    Longue vie au Buzz littéraire! Longue vie à la tolérance légendaire d’Alexandra!

    MonsterJack (…avec un grand "M")

    • Pistolero sur 6 février 2007 à 16 h 11 min
    • Répondre

    N’empêche qu’il faut vraiment être vicieux pour pleurer pendant I.A qui est un navet dont la fin est une atroce bouillabaisse scientologo-chrétienne.
    Un film dont on ne peut que rire devant le désastre intellectuel qu’il représente…

    • Marie-Laure sur 6 février 2007 à 20 h 56 min
    • Répondre

    merci j’y saute;

  5. Côté "tolérance légendaire" (faut ptêt pas pousser…) mais ça ne me viendrait pas à l’idée de lyncher ou de dénigrer qqn parce qu’il n’a pas les mêmes goûts/opinions que moi ou parce qu’il n’a pas envie de lire un livre que je lui recommande. Ce n’est pas pr autant que je suis "consensuelle", j’ai mes préférences bien marquées et je n’hésite pas à les revendiquer.

    Pistolero, je comprends ton point de vue. Pas mal de films avec de Funés sont aussi parfois considérés comme des navets ceci dit. Idem pour Camping… Je reviendrai plus en détail sur ce thème du bon goût (et du carcan) culturel qui me tient à coeur.

    Sinon je suis tombée hier soir sur un extrait d’Odette Toutlemonde, le film réalisé par Eric Emmanuel Shmitt diffusé chez Taddéi et j’ai trouvé ça excellent. Je ne sais pas si vous l’avez vu ? Il s’agissait d’un écrivain qui tombe devant la critiques assassine d’un critique à la TV. Mordant et… très bien vu il faut dire.

  6. Toujours délicat de prévoir une adaptation au cinoche quand on écrit un livre. Personnellement, je trouve que ça risque de contraindre dans un sens restrictif l’auteur dans son histoire à cause d’un budget à tenir. Ceci dit, La possibilité d’une île est un bon roman ; alors, pourquoi ne pas l’adapter ?

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