Régis Jauffret, François Bégaudeau, Olivier Adam, Catherine Cusset, Pierre Bordage… vous présentent leurs (anti-) voeux 2009

A la demande du magazine Télérama, une dizaine d’écrivains a imaginé une nouvelle ayant pour thème le passage de 2008 à 2009. Un exercice auquel ils se sont pliés avec originalité, chacun restant fidèle à son univers !

Extraits choisis :
Régis Jauffret, “2009 ? Non, merci” :
« Ne me parlez pas de 2009, les années sont un poison dont on se passerait bien quand on a 53 ans. Les cimetières sont remplis d’années, et tous ceux qui vivront la prochaine l’emporteront dans leur tombe. Alors, je vous conseille un réveillon modéré, sans champagne, sans cotillons, en famille, à la maison. Ni traiteur, ni champagne, pas de strass, une vieille robe de chambre fera l’affaire, pas de musique, et la télé avec un marteau enfoncé dans l’écran pour éviter d’être déçu par les liftings des animateurs de garde ce soir-là. Bref, un réveillon peu glamour, où vous prendrez de réjouissantes décisions. (…) En ce qui me concerne, j’ai pour projet de sauter 2009 comme un gamin saute une classe. Le 1er janvier à zéro heure, je me retiendrai d’exister douze mois durant, afin d’éviter de subir les affres de cette année transitoire dont vous transmettrez aux générations futures le souvenir cuisant. »
A lire ici : http://www.telerama.fr/livre/2009-non-merci,37513.php

François Bégaudeau, “Comme un oiseau ayant un naturel joyeux”
(…) « Ce qu’ils ne voient pas ces fâcheux, c’est que comme ça le printemps arrive plus vite, il fait un beau soleil de Marrakech, je vais sonner chez Jeanne et pour la première fois depuis sept mois je trouve mes mots. Ce sont des mots assez formidables, des mots que franchement je ne m’en serais pas cru capable, des mots oui c’est ça formidables, des mots que peu de gens en seraient capables. Jeanne succombe, Jeanne chavire, Jeanne me propose de rester habiter là et j’aurai le droit de la regarder sous la douche du soir, et peut-être même celle du matin au bout d’un temps. Je suis joyeux comme le plus joyeux d’entre les oiseaux ayant un naturel joyeux mais je n’ai pas de pyjama. Elle me dit que justement il y a un magasin de pyjamas juste en bas et c’est aussi à ce genre de coïncidences qu’on voit que 2008 a été une année paire, si 2008 avait été une année impaire le magasin de pyjamas le plus proche aurait été dans Bucarest sud, là où c’est les magasins les plus chers de Bucarest. Et une semaine après nous avons un enfant et nous l’appelons Jean-Francis, comme le prénom de sa mère au masculin accolé au prénom de son père à une lettre près et pour nous cette accolade c’est comme un symbole de l’amour.« 
A lire ici : http://www.telerama.fr/livre/comme-un-oiseau-ayant-un-naturel-joyeux,37503.php

Olivier Adam, « Pas de printemps pour Marie » :
(…) « Il promena son regard sur la terrasse. Le temps qu’ils avaient passé là depuis leurs premières vacances ensemble, il y avait plus de trente ans de cela, se comptait en années. Rien n’avait changé ou presque. La station lui avait toujours paru désuète, hors du temps, ils n’y venaient qu’aux saisons creuses, à la Toussaint, à Pâques, à Noël ou en juin, après les années de carnage immobilier on avait mis fin aux constructions, depuis tout restait en l’état, ce qui était sorti indemne des années quatre-vingt le resterait encore pour longtemps. Il se leva et inspecta la maison. Elle non plus n’avait pas bougé. Les murs étaient d’un blanc velouté. Son beau-frère avait dû la repeindre quelques mois plus tôt. Lui et sa femme y passaient des étés bruyants et caniculaires. Ces lits, ces miroirs, le vieux canapé, les carafes, les tableaux mauve et orange, tout cela avait constitué leur décor secret, leur refuge, et les enfants s’étaient ébroués là-dedans étincelants de joie, de vitalité. C’était un tel bonheur alors d’avoir du temps pour eux, de les couver du regard, les jours passaient comme un long trait de lumière, tout semblait léger et baigné d’or. Tout cela lui semblait maintenant inconcevable. Que son fils et sa fille aient pu être ces enfants-là, à demi nus jouant sur les pierres blondes de la terrasse, nageant les yeux ouverts dans l’eau turquoise et un peu froide des calanques, ouvrant leurs cadeaux en plein air sous l’olivier paré de boules et de guirlandes, sablant le champagne au jour de l’an sur la plage en croissant, blottis autour du feu chancelant, enroulés dans de vieilles couvertures de laine orange. Que ce temps-là ait pu passer si vite alors qu’il serait le plus heureux de leur vie, il n’en doutait déjà pas alors, et cette pensée souvent lui nouait l’estomac tandis qu’il contemplait les gamins se couvrir de Nutella dans la lumière rousse, il en doutait moins encore maintenant que s’annonçaient les ruines. Il s’endormit sans même s’en rendre compte. »
A lire ici : http://www.telerama.fr/livre/pas-de-printemps-pour-marie,37510.php

2 Commentaires

    • folantin sur 7 janvier 2009 à 13 h 25 min
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    putain de lol le régis qui se prend pour élisabeth tessier, décidément l’année commence mal.

    • Metalleux sur 8 janvier 2009 à 10 h 19 min
    • Répondre

    Ce que l’on peut remarquer, à la lecture de ces nouvelles, c’est surtout le ton général employé par chacun de ces auteurs. On sent la morosité. Une sorte de résignation. Pour eux, l’année 2009 va être à chier (bon, OK, là, je schématise un peu). Mention spéciale pour Bordage (qui dresse un tableau noir comme jamais) et Pelot (son côté bourru anti-commercial). Le seul a proposer une véritable solution est Begaudeau (je crois que c’est lui qui fait cette proposition mais je n’en suis pas sûr à 100%, je rédige de mémoire): sauter directement à 2010. Et au fond, pourquoi pas ?

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