Ambre Kalène, auteur de « Incarnata mène l’enquête » : les auteurs se présentent

A 62 ans, Ambre Kalène nous offre son premier roman, paru en 2019, « Incarnata mène l’enquête », un thriller métaphysique mettant en lumière les motivations personnelles de gens ordinaires, et leur capacité à accepter l’impensable, dés l’instant où il leur permet de continuer leur chemin dans le Paris contemporain. Rôdée à l’écriture d’ouvrages sur la santé ou le développement personnel, et après un parcours riche, elle nous livre ici un roman à l’écriture fluide qui nous invite à résoudre deux énigmes portées par des personnages complexes et attachants.

Le roman débute par le meurtre d’une jeune élève infirmière, un soir banal, alors qu’elle remontait une petite rue de ce quartier de l’Est parisien, pour rejoindre sa voiture. Elle finit là, sur ce trottoir froid, égorgée par un inconnu en passe-montagne dont on ne sait rien.

Quel rapport entre ce crime sanglant, perpétré voici plus de dix ans, et Incarnata la concierge à l’accent improbable, Jocelyne la jeune femme qui se bat contre la boulimie, Philippe le jeune publiciste arriviste, et enfin Éric ce chercheur réputé qui doit faire face à un mal inconnu ? Apparemment rien.

Mais le destin veille, et il va prendre la forme d’une jeune femme, jusqu’alors cloitrée, et qui soudainement disparait. Une énigme qui au fil des pages révèlera au lecteur les connexions entre ces quatre protagonistes. Ils vont se dévoiler, se réparer mutuellement et découvrir que tous les quatre sont liés aussi bien à cette disparition qu’à ce premier meurtre, soit directement, soit par ricochet. La réponse à ces deux énigmes ne manquera pas de vous surprendre.

476 pages
Editeur : KRF éditions
Site web de l’auteur: http://www.ambre-kalene.com

Interview de l’auteur, Ambre Kalène:

Quel est votre parcours en tant qu’auteur ? Pourquoi un premier roman maintenant ?

Pendant plus de quinze ans, j’ai été conceptrice-rédactrice dans la publicité. J’aimais ce travail sur les mots, et sur l’observation des motivations de chacun. Ma vie ensuite a pris une autre voie, et depuis plus de vingt ans, je suis thérapeute spécialisée dans le stress post-traumatique. Ce travail m’a amenée, depuis quelques années, à transmettre mes différentes expertises à travers des ouvrages sur les solutions de santé au naturel.
Cependant, je gardais en moi ce besoin de raconter des histoires basées sur l’observation des comportements humains. Les gens sont surprenants, surtout lorsqu’ils doivent faire face à une difficulté personnelle. Ils sont alors capables de faire surgir le meilleur comme le pire. Ces ressorts, parfois imprévisibles, sont tout à fait passionnants.

Qu’est-ce que vos personnages ont de particulier ?

Je suis très ennuyée lorsque je parcours un texte dans lequel un protagoniste semble n’avoir commencé sa vie qu’aux premières lignes de l’ouvrage. Cela ne me permet pas d’entrer dans l’histoire.
J’aime pouvoir sentir l’enfance qui a construit le personnage. Même s’il n’y fait jamais référence. Cette colonne vertébrale me semble vraiment fondamentale.
Je tiens à ce que chaque acteur de mes romans existe vraiment. Qu’il soit possible de percevoir le terreau dans lequel il a poussé avant de devenir celui, ou celle, que nous rencontrons.

Pourquoi le genre « thriller d’enquête »

C’est un style que j’affectionne. Pour moi vivre c’est faire des choix, et faire un choix plutôt qu’un autre c’est s’élancer vers l’inconnu. Or cet inconnu, lorsqu’il devient extrême, nous dérange dans notre routine, au point qu’on aspire à une solution « acceptable ». J’aime lancer mes personnages dans un chaos et observer comment ils vont s’en sortir. Ils me surprennent souvent, surtout lorsque la solution qu’ils choisissent bouscule mes propres certitudes.

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Extrait choisi pour vous mettre dans l’ambiance (chapitre 2):

10 ans plus tard. Environ.
20 novembre.

Incarnata attrapa le calendrier accroché au mur de la loge et arracha le petit bout de papier qui indiquait encore la date de la veille. La tache plus claire sur le mur beigeasse aux fleurs marron délavé des années soixante-dix lui indiqua où le repositionner.

Puis elle enfila sa blouse rose sans manche, par-dessus son pull violet. Elle compléta sa tenue avec un gilet entièrement crocheté à la main par la concierge du vingt-huit. Une Italienne qui avait reçu de sa mère la passion des aiguilles, et tricotait tout et n’importe quoi, du moment qu’on lui fournissait la laine.

Incarnata lui avait acheté du fil vert bouteille et une grosse fermeture éclair qu’elle pouvait remonter de bas en haut, à l’aide de son anneau. Bien, pratique, et puis le vert, ça va bien pour une concierge. S’était-elle dit en achetant ces fournitures au Monoprix de la place Daumesnil. La place de la fontaine aux lions qui crachent de l’eau, les jours fériés.

Mais il était temps d’accomplir la tâche du matin. Celle qui la tirait du lit tous les jours à six heures trente précises : rentrer les poubelles sorties la veille. Elle saisit les gros gants de peau et franchit la porte de la loge qu’elle referma immédiatement à clé. On ne sait jamais.

– Madame Rodrigues ! Madame Rodrigues !
Mais c’est pas vrai ! Qu’est-ce qu’elle va encore venir me faire chier celle-là ?
– Madame Rodrigues !
Haleta à bout de souffle la locataire du 6A. Une veuve de comptable qui passait son temps à vouloir tout régenter autour du square du Périgord, un groupe d’immeubles de briques rouges construit après la guerre sur les anciennes fortifications du Sud est de Paris.
– Chi Madame Champion.
Répondit la concierge avec ce terrible accent qui souvent rendait son discours incompréhensible.
– Lampion ! C’est Lampion, et non pas Champion, comme vous vous obstinez à le dire. Ce n’est pourtant pas difficile. Même vous, vous devriez pouvoir dire Lampion.

Incarnata sourit intérieurement. Bien sûr qu’elle savait que le nom de cette vieille peau c’était Lampion, et non Champion. Mais ça la mettait tellement en rogne. Sa bouche formait un O presque parfait. Ses sourcils venaient taper la racine de ses cheveux, et ses yeux lui sortaient de la tête, à en tomber par terre. Jamais la concierge n’accepterait de faire l’impasse sur cette petite vengeance, sans risque de représailles. Cette vieille bique l’avait bien mérité. Jour et nuit, elle se mêlait de tout, y compris de son travail de conciergerie. Et ça lui tapait toujours autant sur les nerfs. Faut bien que je me paie sur la bête pour tout le temps qu’elle me faire perdre avec
ses conneries.

La concierge se mit en mode « automatique de survie ». Elle accrocha son regard à la racine des sourcils de son interlocutrice. Puis elle prit un air vague qui plaquait sur son visage u masque de stupidité. Cette tactique en avait découragé plus d’un. En arrière-plan de cette bonne femme sans intérêt qui lui kidnappait un peu de son temps, le reste du monde avançait. La bignole ne songeait qu’à ses poubelles qui l’attendaient. Déjà quelques locataires traversaient le square. Ils pressaient le pas, avec sur leur visage l’air renfrogné de tous ses esclaves du salaire
gagné puis aussitôt dépensé. Sans oublier la sempiternelle bonne soeur incognito, en vêtements civils, qui avançait à petits pas, l’air contrit, en direction d’un immeuble ou d’un autre. Elle voulait apporter la bonne parole. Elle offrait surtout un peu de réconfort à quelques petits vieux abandonnés par une famille trop occupée. Elle va me mettre en retard pour mes poubelles, cette conne !

– Chi, bon alors, c’est quoi le problème ?
Coupa Madame Rodrigues qui ne s’était certainement pas levée si tôt pour écouter les
éternelles jérémiades de cette emmerdeuse.
– Vous avez vu ? Il y en a un qui a carrément garé sa mobylette dans le square. Je suis sûre que c’est encore un des gamins du 3B. Il faut faire quelque chose tout de même. Sinon tous les voyous du quartier vont venir garer leurs engins, et ce sera l’anarchie ! J’exige…

La concierge ne lui laissa pas le temps d’exiger quoi que ce soit. De toute façon, elle savait bien, elle, que ça n’était pas la mobylette d’un des gamins du 3B. Cet engin-là venait d’être spécialement livré pour la « Petite ». Il n’était pas question que quelqu’un la déplace. Elle s’y était personnellement engagée. Et puis quoi ? Ce n’était que pour quelques jours. Si ça te plait pas, t’as qu’à te barrer. Ça nous fera des vacances.

– Chi, je vais me renseigner. Mais je crois que c’est aux fils du gérant. C’est délicat. Incarnata savait que la vieille peau aboyait plus qu’elle ne mordait. D’autant qu’à la gérance, il y avait belle lurette que plus personne ne prêtait attention à toutes ses jérémiades. De plus, elle la savait pétocharde, angoissée face à l’autorité qui dans ce groupe d’immeubles était représentée par le gérant. Une espèce de bellâtre, flanqué d’une bonne femme outrageusement maquillée qui le trompait goulument avec celle qu’elle nommait hypocritement « sa meilleure amie ». Ce
dont Incarnata était certaine depuis qu’elle les avait surprises dans le local à vélos, s’aspirant les amygdales et les mains glissées sous leurs corsages. Le couple avait alors judicieusement scolarisé leurs deux gamins dans un pensionnat quelque part en province, et lâché la bride à la concierge qui, en contrepartie, gardait le secret.

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