Anaïs Nin, en rayon avec « Fifty Shades of Grey », énerve la blogueuse Diglee !

Les bien-pensants, gardiens du canon littéraire partriarchal, n’hésitent pas à réduire trop souvent l’oeuvre d’Anaïs Nin à de la littérature égrillarde d’une « chaudasse », tandis que son célèbre amant et confrère Henry Miller, dont la sexualité fait aussi partie intégrante de son oeuvre a droit à une reconnaissance plus littéraire et élogieuse (vu comme « novateur », « héroïque » ou d’une « profondeur existentielle », etc.)
La dessinatrice blogueuse Diglee, qui n’hésite pas à revendiquer ses convictions féministes, s’est ainsi aperçu en septembre dernier que la Fnac, avait transféré, ni vu ni connu, l’auteur des journaux « sublimes et monstrueux » selon l’expression de Miller d’ailleurs, au rayon érotique aux côtés de la racoleuse E.L James…

Une petite manœuvre (non sans rappeler celle de Wikipedia qui avait ghettoisé les écrivains femmes américaines dans une sous-rubrique) qui n’a pas plu à l’auteur qui s’avère être aussi une grande lectrice de Nin* (qu’elle a d’ailleurs dessinée pour un coffret de cartes postales collector intitulé « Mes égéries » en 2014)
Sur son Facebook, elle relate et dénonce avec humour, cette anecdote, dans un post intitulé « Je suis une relou de la littérature, acte 1 »

« Aujourd’hui à la Fnac, j’ai demandé à la libraire pourquoi Anaïs Nin et son journal avaient été relégués à l’étage « littérature érotique », (à côté de merveilles littéraires telles que « GREY » ou « AFTER »), quand son acolyte Henry Miller et ses « Sexus », « Tropique du Cancer » et « Séjour à Clichy » trônaient encore en littérature étrangère classique. Au début, la libraire me soutient que c’est parce qu’Anaïs a écrit de l’érotique. Je précise que je suis au courant, que c’est mon auteure préférée, que je suis d’accord pour que Venus Erotica soit « rangé » là, mais que pour son journal, qui était en littérature étrangère classique jusque-là, ça me faisait franchement chier. Elle est allée vérifier le pourquoi de cette nouvelle classification pendant que je me lamentais du fait que sous une table (le rayon érotique est à hauteur de mollet, au ras du sol), elle aurait encore moins de chances d’être découverte par de nouveaux lecteurs, et que c’était vraiment dommage.

Que c’est très très limitant de définir une œuvre de vie aussi riche que la sienne comme seulement « érotique ». À ce compte là, qu’on y foute Angot, Despentes, Miller et les milles et un auteurs qui abordent la sexualité.

Il s’agissait effectivement d’une erreur de mise en rayon.
Elle a donc regagné sa place aux côtés de son Henry, en haut de l’étagère en littérature étrangère, à la lettre « N », à hauteur d’yeux.
J’me sens mieux.
 »

Merci Diglee pour la vigilance sur toutes ces « petites » discriminations insidieuses du quotidien qui dévalorisent la littérature écrite par les femmes…

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*Anaïs Nin vue par Diglee:

Anais Nin vue par Diglee, coffret cartes postes "Mes égéries"

Anais Nin vue par Diglee, coffret cartes postes « Mes égéries »

« Ce qui me touche autant que ce qui m’horripile avec Anaïs, c’est son besoin invétéré de séduire, d’exister à travers les yeux d’un homme, de se fondre dans son désir et d’y chercher un signe de reconnaissance, d’adoration. Le père absent traqué dans la pulpe de chaque nouvel amant.
Désespoir d’être la femme-enfant, désir d’être « traitée comme une putain ». Anti-féministe au possible parfois, et pourtant si franc, si honnête que c’en est désarmant. Femme forte et petit oiseau à la fois. Je ne sais toujours pas quoi en penser, mais ça vibre.
(…) Anaïs est une magicienne, une femme araignée qui vous accroche et vous dévore, pierres de lune et tourmalines roses dans les poches de velours de sa lourde cape.
 »