Loin d’être parfait d’Adrian Tomine : L’erreur est humaine

Avec Loin d’être parfait, Adrian Tomine, jeune prodige de la bande dessinée indépendante, figure dans la sélection officielle du Festival d’Angoulême 2009 pour. Et contrairement aux personnages désoeuvrés qu’il met en scène, ce petit bijou de roman graphique frôle la perfection.

Comme leurs noms l’indiquent, Ben Tanaka et Miko Hayashi sont deux américains d’origine japonaise. Lui est gérant d’un cinéma indépendant, elle travaille sur un festival de cinéma asiatique nord-américain. Tous deux forment un couple… loin d’être parfait. La faute à Ben, surtout, qui, en plus de fantasmer en douce sur les femmes blanches – blondes en particulier – et d’entretenir un sérieux complexe au sujet de ses origines asiatiques, bat tous les records de mauvaise foi.

Cruelle ellipse

C’est donc de ce trentenaire aux abord peu sympathiques, pas très doué pour les relations humaines en général, dont on suivra quelques moments d’intimité dans Loin d’être parfait. De conversations en conversations – la bédé n’est composée que de cela – Ben se révèle de plus en plus pommé et de moins en moins déterminé. Tomine excelle dans l’art de dire beaucoup de choses vraies avec très peu de moyen. On voit Ben dire sa copine Miko qui s’apprête à le quitter pour aller à New York qu’elle va lui manquer. Quelques cases plus loin, Ben est rentré de l’aéroport, et confie à son amie Alice – une éternelle étudiante d’origine coréenne et lesbienne – que sa copine Miko ne lui manquera pas. Une ellipse qui en dit bien plus long sur la cruauté de la relation amoureuse que n’importe quelle tergiversation ou focalisation intérieure.

Le complexe de Ben

A aucun moment Tomine ne donnera à lire les pensées de son (anti) héros si peu sincère. Il faudra deviner, ou douter même, de ce type dont l’humour – est-ce vraiment de l’humour ? – laisse souvent à désirer. Au bras de sa nouvelle petite copine, Ben se met par exemple à évoquer un signe de reconnaissance que se feraient entre eux des hommes asiatiques sortant avec des femmes blanches… De quoi se demander si le complexe de Ben n’est pas plus grave qu’on ne l’avait pensé.

Cependant, Ben n’est pas le seul de l’histoire à ne pas être parfait. Au fil des cases, les autres personnages révèlent eux aussi leur faiblesse, leurs névroses – leur ridicule parfois. La jeune punkette Autumn, « artiste performeuse » qui pense faire « une super installation » avec des photos de ses urines, s’avère un peu trop maniaque. Alice la copine lesbienne, qui à trente ans ne parvient pas à lâcher la fac (les « premières années » sont bien trop sexy), n’en peut plus de cacher son homosexualité à ses parents trop traditionnels.

Habile observateur, comme il l’avait déjà montré dans le recueil Blonde platine, Adrian Tomine saisit ici les angoisses les plus profondes d’une génération désoeuvrée, pour les retranscrire sans jamais les simplifier. Sa ligne claire et élégante sert une narration réaliste, où chaque expression de visage fait sens : il ne manquerait qu’un vrai battement de paupières.

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