Martin Eden de Jack London connaît une nouvelle vie en BD

Paru en 1909, le roman culte Martin Eden a été adapté avec poésie par la peintre et illustratrice, Aude Samama, déjà auteur des biographies illustrées sur Amalia Rodriguez, Rachmaninov ou Pasteur sur un scénario de Denis Lapière. Elle incarne, dans des couleurs chaudes à la gouache et un trait artistique inspiré de l’expressionisme allemand, l’apprentissage du célèbre marin devenu écrivain pour conquérir sa belle jusqu’à sa fin tragique.

Je n’ai nul besoin de me saouler, je suis perpétuellement ivre. Ivre de lecture, ivre de passions et de désirs.

Souvent présenté comme la bible des aspirants écrivains, Martin Eden est un roman riche qui brasse de nombreux thèmes, à commencer par les difficultés de l’accès à l’éducation, au monde des belles lettres quand on a pas eu la « chance » (chance que questionne aussi l’auteur à travers sa critique du milieu mais aussi du monde intellectuel qui isole) de naître dans un milieu favorisé. Il traite aussi de la naissance d’un écrivain, de la création d’une œuvre, de l’inspiration, la foi dans le travail acharné, de la passion pour la littérature, sans oublier ensuite les galères pour parvenir à se faire publier, à accepter les lettres de refus des éditeurs jusqu’à la joie enfin d’être accepté et de connaître le succès qui garde malgré tout un goût amer… A cela s’ajoutent bien sûr la critique de l’hypocrisie sociale, le clivage des classes sociales, la question de la mobilité sociale, l’engagement politique socialiste, ou encore les affres de la passion et les désillusions d’un idéal romantique.

martin-eden-jack-london-adaptation-bd2

Le format illustré ne peut toutefois malheureusement pas restituer l’ensemble de ses réflexions philosophiques, dilemmes psychologiques et autres introspections. Les adeptes du roman pourront aussi se trouvés frustrés comme avec tout passage à l’image de ne pas retrouver l’intensité et la complexité des personnages, en particulier leurs dilemmes, leur fragilité et incertitudes… L’ouvrage pourra néanmoins constituer un complément intéressant pour avoir un autre regard, mais ne remplacera bien sûr jamais les mots de l’auteur.

Denis Lapière parvient à retranscrire sa densité à travers une succession de tableaux retraçant le parcours du combattant de Martin Eden vers la gloire littéraire et sa détermination autodidacte à acquérir cette culture élitiste qui le fascine avant de se rendre compte trop tard qu’elle ne le rend pas heureux malgré son enthousiasme initial. Diverses planches restituent notamment avec inventivité le travail de forçat du personnage comme lorsque s’épuisant dans un travail dans une blanchisserie, il s’efforce de poursuivre ses lectures, par une juxtaposition des gestes manuels avec les pages des livres.

Aude Samama s’est inspiré des portraits photographiques de Jack London pour représenter Eden, d’inspiration autobiographique et sait capter par son découpage étudié et très graphique, sa gamme chromatique variée, ses cadrages serrés qu’elle dit affectionner, ainsi que son attention au détail l’atmosphère et les non dits du roman. Il a pu lui être reproché toutefois l’aspect un peu « figé » de ses visages.
Elle a expliqué dans une interview avoir choisi de centrer la narration sur l’histoire d’amour avec son scénariste.

A lire aussi:
L’analyse critique de Martin Eden de Jack London martin_eden-jack-london-adaptation-bd

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.