La bande-dessinée, nouveau terrain des jeunes écrivains ?

Depuis quelques temps, la bande dessinée semble être le nouveau terrain d’expression des jeunes auteurs qui viennent l’expérimenter le temps d’un ou deux albums entre deux romans, « comme une parenthèse ludique ». L’occasion aussi d’explorer les mécanismes scénaristiques en évitant la lourdeur d’un projet cinématographique. Sur des thèmes variés, parfois éloignés de leur registre habituel, ils livrent des créations originales plutôt tentantes :



Jacques Braunstein, critique littéraire (Elle…) et rédacteur en chef de l’émission « Culture club » sur France 4 signe avec Fanny Dalle-Rive un roman graphique intitulé « Les week-ends du père célibataire« . Un livre à la fois autobiographique (qui reflète la vie de ce père divorcé d’un petit garçon de 5 ans) et sociologico-sociétal. Sous couvert d’un reportage sur les papas solos trentenaires, il y raconte sa vie et ses dilemmes de papa branché qui sort la semaine en boîte et transforme le week-end, son dressing en chambre d’enfant.
D’anniversaires d’enfants aux jeux du square, il se demande : « Y a-t-il une corrélation entre la fréquentation des jardins publics et l’instabilité sentimentale ? », observant pères esseulés, mères dépassées, couples dont on ne sait s’ils sont ensemble ou pas. Et livre ainsi une chonique douce-amère de trentenaire mélancolique et lucide à l’heure des couples éphémères, non son rappeler « About a boy » de Nick Hornby avec un petit air de Kramer contre Kramer (pour les scènes de jardin entre parents divorcés) ou un autre trentenaire tout aussi nonchalant, le « Monsieur Jean » de Dupuy & Berbérian. Le tout illustrée des images délicates et tendres de Fanny Dalle-Rive.

Extrait : « A mesure que mon fils grandit, je régresse. On vit nos enfants comme une ex-croissance géniale de notre moi hypertrophié… Nos couples au contraire nous rendent circonspects… Avant on restait ensemble à cause des gosses, demain on se séparera en leur nom. »

Découvrez « Les week-ends du père célibataire » (Hachette Littératures, 92 p., 14 euros).

« Pourquoi tant d’amour ? » de David Foenkinos (Tome 1 et 2). Dans un New-York fantasmé presque fantastique, Manu est un jeune caïd latino. La star de son quartier. Jusqu’au jour où… il tombe amoureux ! Or, pour éviter que ça devienne trop sentimental, la mafia arrive dans cette histoire. Une mafia prête à vous casser la gueule si vous n’écoutez pas de la soul. On retrouve l’humour décalé propre à l’auteur dans ce vaudeville au graphisme hyper réaliste !

« Rester normal » de Frédéric Beigbeder raconte comment relever ce défi lorsqu’on s’appelle Junior Müller, qu’on est milliardaire en dollars, héritier d’un empire mafieux international, et qu’on décide de se reposer à Saint-Tropez. Ce charmant village n’est pas l’endroit idéal pour couper les ponts avec la drogue, les call-girls, les tueurs, l’argent et la célébrité. Philippe Bertrand et Frédéric Beigbeder ont choisi de décrire la capitale du stupre, de la luxure et du yachting mondain à travers une intrigue politique et policière mêlant kidnapping à Sao Paulo et champagne à la Voile Rouge : oui, la vérité de cette planète se situe quelque part entre Largo Winch et Austin Powers. Frédéric Beigbeder auteur du best-seller 2002, Windows of the world, et Philippe Bertrand, plus méchants et caustiques livrent une satire hilarante de la jet-set et du nombril du monde Saint-Tropez.

La Maison rectangulaire d’Héléna Villovitch, aux éditions de l’Estuaire (y est déjà passée Marie Desplechin et Eric Lambé pour « Le Sac à main »…), est un récit métaphorique et poétique sur le quotidien de « la fille de treize ans et demi », dans un pavillon de banlieue, fade, apathique et sans espoir (« Il lui arrive de ne croiser aucune personne vivante de toute la journée. Que des zombies »). Elle se débat entre un père buté et bruyant, une mère absente et un petit frère forcément « débile » et se cogne aux angles rectangulaires de cette maison semblable à des millions d’autres et définitivement trop étroite. Une esthétique des années 70-80 qui rappellera leur enfance aux trentenaires-quadragénaires (l’âge de l’écrivaine) d’aujourd’hui.

Eneco de de Jean-Charles de Castelbajac. Le créateur n’est pas écrivain mais s’offre, lui aussi, une parenthèse dans son univers habituel en imaginant le voyage d’Eneco, sorte de petit prince moderne (avec treillis et Sex pistols dans les oreilles via son iPod…). Il explore son monde d’enfant et tout ce qui fait sa mythologie. Un enfant passionné d’Histoire et de Led Zeppelin, entouré de personnages réels et merveilleux comme le chien Spad ou le chat Scipion, les serments d’amitié « dans la cabane en bois », jusqu’à son premier amour… Un conte punk pour adulte « autobio-fantastique », comme le résume l’auteur.

A venir : Philippe Jaenada sur un album illustré par le duo Dupuy et Berbérian

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