L’âge des possibles, extrait de « L’élégance du hérisson » de Muriel Barbery

Salué par la critique et véritable succès d’édition, ce deuxième roman écrit par une prof de philo est une leçon de vie à deux voix que tout opposent, Renée, une concierge de 54 ans, « petite, laide, grassouillette, des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth », d’un immeuble chic parisien et Paloma 12 ans riche petite occupante de ce même immeuble aux tendances suicidaires. Démontant les clichés, ce roman démontre que la finesse d’esprit n’est pas toujours là où on l’attend. Emouvant, étonnant, bouleversant… Empli de petites sagesses qu’il fait bon de ré-entendre comme cet extrait choisi :

« Mme Michel, elle a l’élégance de l’hérisson : à l’extérieur, elle est bardée de piquants, une vraie forteresse, mais j’ai l’intuition qu’à l’intérieur, elle est aussi simplement raffinée que les hérissons, qui sont des petites bêtes faussement indolentes, farouchement solitaires et terriblement élégantes.« 

« Nous nous sommes rencontrés dans les amphis poussiéreux de la fac, étudiants bourgeois de parents pharmaciens ou médecins. Nous avons appris par cœur des cours que nous nous sommes empressés d’oublier après les examens. Nous avons ri, nous sommes partis en vacances ensemble, il y eut des histoires de cœur et de corps entre nous, des éloignements et des retrouvailles.

Nous n’avons pas vu les années passer, et ces années qu’ont-elles fait de nous ? Sommes nous encore à l’âge des possibles ou avons-nous atteint ce point culminant où toutes les possibilités d’échapper à ce que l’on est ont disparu ?

Nous sommes encore jeunes et beau, cela faisait longtemps que nous n’avions pas été réunis, ils sont là dans mon salon. L’un rêve d’Amérique et va partir pour une vie au soleil, d’autres ont fait un bébé sans rien perdre de leur grâce juvénile. L’un étrenne pour l’occasion sa énième « fiancée » potiche de salon, d’autres se sont trouvés et viennent d’emménager ensemble.

Brusquement tout est plongé dans le noir, la panne de courant qui balaie l’Europe vient de s’abattre sur nous et je repense aux pages que je viens de lire : « Il ne faut pas oublier que le corps dépérit, que les amis meurent, que tous vous oublient, que la fin est solitude, que le temps d’une vie est dérisoire, qu’on a vingt ans un jour et quatre-vingt le lendemain.

Il faut vivre avec cette certitude que nous vieillirons et que ce ne sera pas beau, pas bon, pas gai. Et se dire que c’est maintenant qui importe : construire, maintenant quelque chose, à tout prix, de toutes ses forces. Gravir pas à pas son Everest à soi et le faire de telle sorte que chaque pas soit un peu d’éternité.

Le futur ça sert à ça : à construire le présent avec des vrais projets de vivants ».

Le blog de Muriel Barbéry

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.