« Fraise et chocolat 2 » d’Aurélia Aurita, un tome 2 au goût sucré-salé… (+ Interview d’Aurélia Aurita)

Après le succès de « Fraise et chocolat« , son roman graphique érotico-nippon d’initiation amoureuse, vendu à plus de 20.000 ouvrages, la jeune Aurélia Aurita désormais âgée de 27 ans nous offre la suite de ses aventures. Son appétit et sa curiosité érotiques n’ont rien perdu de leur énergie ni de leur charme même si ses pages font aussi la place à des sujets plus graves sur son identité métissée de « française aux yeux bridés », des ennuis de santé de son amour ou encore ses doutes sur sa fidélité et son engagement… Si l’ensemble peut laisser une impression moins enthousiaste que son précédent opus (qui présentait l’avantage de la nouveauté), le charme continue d’opérer car l’auteur possède une qualité supérieure à toutes les autres : sa fragilité touchante même (et cela relève de l’exploit) dans les scènes les plus crues !

Chronologiquement l’histoire de « Fraise et chocolat 2 » se situe pendant la période d’écriture de « Fraise et chocolat 1 » (qui lui-même racontait la rencontre entre Frédéric et Chenda) : la jeune femme est alors encore une jeune auteure inconnue qui suit son pygmalion d’amant-dessinateur à travers l’Europe pour son travail de promotion : de dédicace en conférence à Paris, Angoulême, Strasbourg, Bruxelles…

Chambres d’hôtel propices aux ébats mais également librairies, balades dans les rues typiques des capitales européennes, entre petits bistrots et dîners romantiques (la nourriture joue un très grand rôle tout aussi sensuel dans le couple qui montre toujours dans ces scènes une belle voracité !) : après nous avoir montré un « couple d’appartement » très fusionnel, Chenda l’alter égo de l’auteur dans les pages de « Fraise et chocolat » nous ouvre la porte sur le monde exérieur même si celui-ci n’est qu’un décor à son introspection et à l’amour passioné qu’elle voue à Frédéric.

Elle raconte tout de même quelques-unes de ses rencontres : une serveuse d’un café parisien qui lui parle de lettres et qu’elle séduit à son insu, une amie dessinatrice japonaise proche du couple et membre du « Easy pussy club » ! (le thème de l’ambiguité amoureuse et de la relation à 3 plane sur l’album), un voisin raciste mais aussi le quotidien et ses contraintes, les petites disputes, les superstitions de l’héroïne pour chasser ses démons…
C’est aussi l’âge du doute amoureux, des questionnements sur son avenir (professionnel et sentimental) et de la jalousie face aux (nombreuses et entreprenantes) fans de son compagnon (aujourd’hui l’auteur a d’ailleurs tout autant de fans sinon plus si l’on en juge par le succès de ses dédicaces !). L’insouciance des premiers mois fait donc place à une plus grande gravité.

Parmi les scènes les plus réussies, il y a cette confrontation poignante avec ce voisin japonais hystérique qui vient se plaindre du bruit et lui lance au détour de sa vindicte qu' »elle n’est pas française« , la replongeant alors dans de douloureux souvenirs d’enfance où elle était victime du racisme cruel de ses petits camarades…
Le trouble qu’elle peut ressentir quant à ses origines ainsi que les préjugés raciaux hante à plusieurs reprises cet album.

Plus léger et sensuel : ses ébats où elle fait preuve comme elle le dit d’une « créativité » indéniable. Le chapitre des « Sexplorateurs » est à ce titre drôlatique. On connaissait son goût des nouvelles expériences mais là elle dépasse toutes les limites, entre sculpture méticuleuse de concombre et de navet à des fins toutes concupiscentes, effets aphrodisiaques inattendus du glucose (après l’hospitalisation de Frédéric), ses photos érotiques et les rapports devant les vidéos X d’Internet jusqu’à son défi ultime qu’elle se lance comme preuve d’amour ultime : le fist-fucking (le romantisme version Aurélia Aurita !).

On retrouve ici l’enfant joyeuse prête à tout pour satisfaire ses envies et fantasmes ainsi que ceux de son amant. On oscille souvent entre l’éclat de rire, l’incrédulité et l’émotion quand on lit ses petites histoires et ses tourments qu’elle sait communiquer avec une fraîcheur et un naturel étonnants. Le tout servi par son dessin qui conserve toute sa rondeur mignonne (« kawaï ») et son humour. Aurélia Aurita est tout simplement adorable et désarmante quand elle se pelotonne comme un petit chat sur les genoux de son amoureux ou quand elle lui déclame son amour et sa peur qu’il l’abandonne. Ce deuxième tome est donc, dans l’absolu, assez réussi et se lit avec plaisir. Il demeure cependant moins « grisant » que le premier tome où tout son univers était entièrement neuf. Il manque donc peut-être un véritable renouveau pour susciter le même enthousiasme que son précédent. On sera quand même là pour le prochain album ! [Alexandra Galakof]

3 (+1) QUESTIONS A AURELIA AURITA : (photo, 60e journée Dédicaces Science po Paris, dec.07)
Aurélia, vous achevez tout juste un circuit de dédicaces pour la sortie de Fraise et Chocolat 2 où les fans se pressent pour vous voir. Qui sont vos lecteurs/lectrices (plus d’hommes que de femmes ?), quelles sont leurs réactions ?
« C’est lors de cette tournée que j’ai réellement pris conscience de la diversité de mes lecteurs. Des femmes, des hommes, des couples, de tous âges et toutes professions… La plupart avaient une anecdote personnelle à me raconter sur la façon dont ils avaient découvert Fraise et chocolat. Ils étaient nombreux à me citer le bouche à oreille… »

Comment appréhendez-vous ce succès ? N’est-ce pas gênant de se trouver « à nue » (votre intimité étant dévoilée dans vos ouvrages) devant tous ces lecteurs parfois ?
« Avec mes livres, je me suis mise une fois pour toutes, sciemment, en situation de vulnérabilité. Pour me protéger, je dois constamment rappeler que mon travail n’est pas ma vie personnelle. Beaucoup de journalistes semblent l’oublier… En général, je ne réponds pas aux questions trop intrusives, elles m’usent beaucoup… C’est d’ailleurs pour m’éviter cette fatigue que je refuse un grand nombre d’entretiens, et la quasi totalité des télés (j’ai reçu beaucoup de demandes depuis la parution du premier Fraise et chocolat, mais n’ai accepté que Le Grand Journal de Canal + et récemment deux courtes émissions culturelles en Belgique et en Espagne). A l’inverse, la majorité des lecteurs que j’ai rencontrés ont compris cette distinction et restent très respectueux. Ce sont parfois eux qui éprouvent le besoin de me parler de leur intimité, tout en gardant à l’esprit le contexte un peu particulier de cet échange. J’ai été très émue par certains témoignages… « 

Pourquoi avez-vous eu envie de donner une suite à Fraise et chocolat (considérez-vous qu’il marque une sorte d' »âge de raison » ?) ? (et y’aura t’il un tome 3)
« En réalisant le premier Fraise et chocolat, je ne savais pas que j’allais en écrire un deuxième. L’envie s’est construite au fil du temps, des événements qui m’ont touchée et que j’avais à cœur de transposer en histoire. J’ai actuellement plusieurs projets en tête, dont certains sans rapport direct avec Fraise et chocolat. Tout ce que je peux dire pour l’instant, c’est qu’aucun ne s’appelle Fraise et chocolat 3… »

Les personnages féminins occupent une plus grande place dans ce deuxième tome. Est-ce une volonté délibérée et si oui pourquoi ? (la tentation de l’aventure homosexuelle semble aussi se dessiner en filigrane non ?)
« J’ai voulu parler de personnes qui m’avaient marquée, des femmes comme des hommes. Je n’ai pas le sentiment que les femmes occupent une plus grande place…« 

1 Commentaire

  1. J’ai préféré ce deuxième opus au premier. Comme vous le soulignez, on passe d’un "couple d’appartement" à une vraie histoire, avec quelques anecdotes crues (comme le "voisin Yamada".)

    Je le recommande aux lecteurs!

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