24 secondes dans la vie de Stéphane Million, éditeur [BUZZ… littéraire Guest] #2

Dans le cadre de notre rubrique « BUZZ… littéraire Guest », notre invité Stéphane Million, jeune éditeur indépendant et fondateur de la revue littéraire « Bordel » vous donne rendez-vous mensuellement pour une tranche de vie express sur son nouveau métier et livre son regard de lecteur impénitent sur l’actualité littéraire.
Cette semaine il se prépare aux fêtes de Noël et jette un œil rétrospectif aux prix littéraires qui ont plu ces dernières semaines…

Les offices (les livraisons des distributeurs) chez les libraires sont plus lourds désormais : Plein de Beaux-Livres pour Noël. Plus trop de place pour les romans, sauf les primés. Même si j’ai paru cynique, moqueur ou aigri vis-à-vis de Là où les tigres sont chez eux de Jean-Marie Blas de Roblès, je suis avant tout heureux si ces prix reçus permettent à Zulma de passer une nouvelle année. Je l’espère, mais ça peut aussi se montrer très plombant, je m’explique. Un roman qui avait un lectorat de 500-1000 personnes (avec un tirage à 3000) se retrouve propulser en potentiel best-seller, c’est-à-dire devoir imprimer 20 000, 50 000, 100 000 exemplaires… ou encore plus. Ca fait une sacrée sortie de trésorerie ! Car l’éditeur touche de l’argent des livres facturés à 90 jours. Alors si au final, malgré les prix, le roman était destiné à 1000 lecteurs très littéraires, ou très vieux, ou les deux, mon général, ça fait un sacré fiasco au final, avec des allers-retours d’argent, des avances, et des retours… Un cauchemar.

Pour les livres à la gomme qui ont été lancés pour être des best-sellers mais qui ont été des calamités, le Angot, le Millet, un prix peut permettre de sauver les meubles. Bon, en même temps, pour rentabiliser un Angot, pff… Il faut en vendre des livres, je serais écrivain au Seuil, je l’aurais mauvaise. Son à-valoir, c’est euh… plus cher que ma maison de 180 m2 carré vendue à Touquin. Bien plus. Après bon, c’est aussi de la communication, ça a permis au Seuil de revenir « en avant » médiatiquement, un peu branché, faisant jaser dans les cocktails. Ça fait cher le petit four. Quand je pense que, moi, je ne donne pas d’à-valoir à mes excellents auteurs (Gallimard non plus, je crois, ni Le Dilettante, à vérifier). Grasset a cru un instant sauver sa rentrée piteuse, mais que nenni, Jean-Paul Enthoven (éditeur maison) n’a même pas eu le risible prix Interallié. Un auteur Lattès lui a soufflé, et vlam ! Grasset, c’est zéro pointé. Notons le premier roman d’Olivia Elkaim, que j’aime bien.

Le Flore, bref, j’ai pas d’avis définitif sur le lauréat, je l’ai entendu à la SGDL (Société des Gens De Lettres), il m’avait paru très rigolo, passionnant, un Normalien sympathique. A la Brasillach, Nizan, Maulnier, pardon. Son Après-guerre en quelque sorte. Les prix, c’est une arnaque. Ce sont, on le sait, on le dit, on le répète, des jeux de bouffes et de vieux déjà morts. J’ai été membre une fois d’un prix, celui de la bonne bouffe justement, un livre qui devait récompenser les arts de vivre. Un ami était en liste, David Foenkinos. Tout le monde pensait que David gagnerait. Le jour de la délibération, j’ai voté pour un autre, un roman, qui m’avait moins plu, certes, mais qui évoquait les arts de la table. Alors j’ai voté pour lui, en cohérence avec le prix. Suite à mon vote surprenant, les membres suivants ont voté aussi pour cet auteur (jamais relu depuis) et il a obtenu le prix. L’organisateur, un ami, m’avait placé, sur le plan de table, en face de David, pensant que… J’ai passé le reste du dîner à passer l’eau, le sel, à un Serge Joncour qui me surnommait « le traître ». Rien de méchant. David ne faisait pas trop la tête, mais je n’avais pas les codes « des prix ». Avec bonheur, David a eu le Nimier (alors qu’il n’est pas journaliste au Figaro). On a même pensé que j’avais voté pour ce roman, soudoyé par l’attachée de presse de l’auteur, elle même, petite-amie d’un ami (qui écrit au Figaro). Tout ça pour ça.
Le Décembre me paraît pas trop mal en tout cas, je doute que les gens du jury lisent, mais au moins, ils font l’effort de le donner à un auteur « intéressant ».

Le 20 novembre, 21h58.

Voir le précédent épisode : 24 secondes dans la vie de Stéphane Million, éditeur [BUZZ… littéraire Guest] #1

4 Commentaires

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  1. Top fun. Je kiffe ce millieu.

    QUESTION ANTI-SPAM :
    Quel est le nom de famille de Charles Bukowski ?

    • Alcor sur 10 décembre 2008 à 11 h 02 min
    • Répondre

    J’ai l’impression que les interventions de Stéphane Million sur ce site ne soulèvent pas plus que ça l’enthousiasme des foules…

  2. Ben c’est pas parce qu’on apprécie une note de blog qu’on doit mettre des coms non? Les coms c’est quand veut et doit réagir mais ici rien n’appelle à réaction non? si?

    a+

    yann

    • Alcor sur 11 décembre 2008 à 13 h 43 min
    • Répondre

    Moi j’aime bien, c’est juste que je m’attendais à ce que les commentateurs habituels du site affutent davantage leur plume (enfin leur clavier)… Tout simplement car Million est un personnage intéressant dans le paysage littéraire français.

    M’enfin je suis content d’avoir insufflé un peu de vie à ces commentaires (même si on est encore d’accord, lesdits commentaires n’attestent pas qu’un article soit bon ou mauvais).

    🙂

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