La bibliothèque idéale de Chloé Delaume version poche et auteurs contemporains français

Sur son blog, Cholé Delaume relate ses états d’âme et dilemmes quand il s’agit de se livrer à l’exercice de la bibliothèque idéale, en se restreignant aux livres poches d’écrivains contemporains français !

La bibliothèque idéale… J’ai gambergé des heures, au final j’en avais un de trop, alors j’ai sacrifié Racine. Je me suis dit Racine c’est les œuvres complètes, pas juste une pièce, alors je saute. Cette fois-ci, c’est un peu différent. Le concept c’est dix poches. Le fait que ce soit des poches, ça modifie la donne. Mine de rien. Par exemple, Rose poussière, il n’existe pas en poche. Connaissant l’auteur je suis sûre que c’est un choix personnel, une question de format. Jean-Jacques Schuhl est le premier a m’avoir donné un vrai argument contre les textes en format numérique : la ligne compte moins de mots que sur un livre papier, ça modifie le rythme de la lecture, et inexorablement la musique. Donc j’en déduis que pour les poches, il a le même problème. Il n’aime pas ça, la page réduite. D’autant que dans celui-là il y a des installations textuelles. N’empêche que de fait, je ne peux pas citer Rose poussière. Je vais mettre Ingrid Caven, c’est pas si grave.

Je vais plutôt choisir des textes contemporains que j’aime faire circuler, histoire que ce soit une bibliothèque idéale constituée par moi mais pour des lecteurs. Le livre à mettre en avant sur quinze lignes, ça ne sera pas Ingrid Caven. Pas parce que je l’aime moins que Rose poussière, ils ne sont pas comparables, pas hiérarchisation possible. Juste parce qu’il a eu le Prix Goncourt, et qu’il doit être déjà très connu. Peut-être que c’est idiot de raisonner comme ça. Peut-être que les jeunes gens qui ont loupé ce livre, le Goncourt tombé y a neuf ans. C’est possible. Ça me contrarie beaucoup, l’idée que des jeunes gens aient pu passé à côté d’Ingrid Caven, que je puisse y faire quelque chose, et que je ne le fasse pas. Je prends mon rôle de passeuse très au sérieux, beaucoup plus que mon travail d’écrivain. A fortiori, Ingrid Caven a quand même beaucoup circulé, je le mettrai dans ma liste, sans faire quinze lignes dessus. Si je passe outre l’oeuvre de Schuhl, ça se trouve vite, le poche à mettre en exergue. Vivre de Pierre Guyotat. Celui là, je ne trouve même pas de lien qui en parle, juste des sites où l’acheter. Pourtant, c’est un recueil sublime. Là j’en ai deux. Voix de Linda Lê, et de trois. La compagnie des spectres de Lydie Salvayre, aussi. Quatre. Un blanc. Réfléchir et rester de bonne foi. J’ai dit cette fois pas de classiques. Regarder sur les rayonnages. J’ai quand même beaucoup de grands formats. Vu du ciel de Christine Angot. Cinq. Là je ne triche pas, ce sont vraiment les livres que je donne le plus. Il faut lire Vu du ciel avant de se permettre de cracher sur Angot. Parce qu’après on ne peut plus, cousue la bouche, définitivement cousue.

Anchise de Maryline Desbiolles, j’ai hésité avec La Seiche, mais je crois que je préfère Anchise, c’est dire s’il faut le lire, celui-là. Six. Ensuite. Qu’est-ce que j’oublie. Qui je fais lire quand on vient chez moi en me disant je ne connais pas la littérature contemporaine. Qu’est-ce qui tient déjà lieu de classique, pour moi. Jauffret, évidemment. Disons Microfictions, à cause du dispositif.

Sept. Il en reste trois. Est-ce que je glisse un très mort ou un corps encore tiède, pour que ça passe discrètement. Non. En fait, non. Les poches ça doit aussi être l’occasion de découvrir des textes contemporains, point à la ligne. Il en reste donc trois. C’est le moment où je me dis un Vian, un Queneau, un Pérec et l’affaire est classée. Mais non, tenir bon. Les grands vivants, pour moi, c’est qui. En France, parce que sinon c’est trop facile, trois Jelinek et c’est gagné. En même temps, on ne m’interdit en rien Jelinek, cette contrainte qui se durcit je me l’impose toute seule, c’est complètement débile. Marcel Moreau n’est pas en poche, je viens de faire une recherche et je suis atterrée. Voire franchement en colère. Cadiot, tiens, je vais prendre un Cadiot. ils ne sont pas tous en poche, tant pis, je prends Retour définitif et durable de l’être aimé. J’aurais préféré L’art poétic, mais bon, l’important c’est qu’il y ait Cadiot, parce que, justement, Cadiot c’est important. Huit. Là il ne faut pas faire de conneries. Est-ce que je zappe vraiment Duras sous prétexte qu’elle est enterrée, c’est quand même abuser. Hiroshima mon amour, puisque Tout vu. Rien inventé. Je me sens quand même mieux. Il en reste un. Je garde la place au chaud. Je vais bien réfléchir. Dix poches, contemporains, en France. J’entends d’ici les noms, alors je vous rassure : oui, j’ai bien fait exprès de ne pas citer Michel Houellebecq.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.