Interview d’Adrien Party, fondateur du blog « Vampirisme » : Le vampire en littérature, de Dracula à Stephenie Meyer…

Adrien Party est un jeune blogueur « mordu » (ah ah) de vampires depuis l’enfance. Depuis 2006, il anime un blog « Vampirisme » sous forme d’un « véritable webzine culturel sur le vampire » selon son expression. Objectif ? Présenter le mythe du vampire à travers la culture littéraire mais aussi cinématographique, aussi bien à travers les classiques que les œuvres méconnues sur les vampires. Ce véritable « vampirologue » nous raconte les origines de cette figure mythique qui hante les œuvres d’hier et revient en force de nos jours avec l’explosion de la bit lit’. Il nous donne aussi son avis sur ces derniers avatars et plus particulièrement sur le phénomène Stephenie Meyer. Entretien avec un (adorateur de) vampire :

Pouvez-vous svp nous retracer, dans ses grandes lignes, les origines et les caractéristiques de la littérature dite de vampires (« vampirisme ») ?
Deux traités sont considérés comme les premiers ouvrages à donner corps au mythe du vampire : le De masticatione mortuorum in tumulis de Mickaël Ranft (1726) et le Traité sur les apparitions, des esprits et sur les vampires de Dom Calmet (1751) Il faut attendre encore un demi-siècle pour le voir entrer en littérature, dans un poème de Goethe : la fiancée de Corinthe (1797). Il sera suivi du Vampire de Polidori (1819), du Carmilla de Le Fanu (1871) et plus tard du Dracula de Bram Stoker (1897). Ces ouvrages sont les fondateurs de la littérature vampirique, et vont établir des caractéristiques qui vont perdurer jusqu’à nos jours. C’est donc le XIXe siècle qui voit le mythe apparaître en littérature, mais c’est réellement le XXe siècle qui va en faire un incontournable du fantastique. Au fur et à mesure des années, le mythe va être repris à travers tous les genres de la littérature, de la SF (Shambleau de Moore en 1933) au polar (La vierge de glace de Marc Behm en 1982), ou encore l’anticipation (Je suis une légende de Matheson en 1954). Nombreux sont aussi les auteurs à s’essayer à poursuivre le travail de Bram Stoker (Les confessions de Dracula de Saberhagen en 1975). Dans les années 90, Anne Rice va relancer considérablement le vampire à travers sa série inaugurée par Entretien avec un Vampire. Aujourd’hui, il ne se passe pas un mois sans que sorte au moins un livre mettant en scène le mythe du vampire.

Les caractéristiques de base de la littérature vampirique sont celles qu’a popularisé Bram Stoker dans son Dracula. Le vampire y apparaît ainsi comme un mort-vivant ne se déplaçant au grand jour qu’à la nuit tombée. Le jour, il dort dans un cercueil rempli de sa terre natale. Il doit régulièrement s’abreuver de sang pour survivre, et craint l’ail, les crucifix et l’eau bénite. Ces caractéristiques ne sont pas exhaustives, et ont beaucoup évolué, notamment au niveau des moyens de lutter contre les vampires ou de la méthode employée par ceux-ci pour se reproduire. Par ailleurs, certains ouvrages mettent en scène des vampires extra-terrestres, ou psychiques (comme le Horla).

Quelle est la différence avec le roman gothique ?
La littérature vampirique partage certains aspects du roman gothique, popularisé par des ouvrages comme Le Moine de Lewis ou Les mystères d’Udolphe d’Ann Raddclif. Les atmosphères oppressantes, la présence de vieux châteaux vont en effet se retrouver dans les romans vampiriques du XIXe, de Carmilla à Dracula. Néanmoins le roman gothique concerne essentiellement une période donnée de l’histoire littéraire, tandis que le roman vampirique, qu’on peut difficilement assimiler à un genre mais plus à un mythe littéraire, avait déjà des antécédents à cette époque et a perduré jusqu’à aujourd’hui.

Récemment, on entend beaucoup parler d’un nouveau courant dénommé « bit’ lit ». Qu’est ce que cela recouvre et qu’en pensez-vous ?
La bit’ Lit’ est née d’une féminisation des littératures de l’imaginaire, autant au niveau du lectorat que des auteurs ou des personnages. Le succès de Buffy contre les vampires a ainsi été le point de départ de nombreuses séries calquées sur le modèle de la tueuse de Sunnydale. Des univers où se mêlent fantastique et amour, sur fond de mélange des mythes fantastiques (la plupart des œuvres bit’ lit’ mélange les créatures en présence, des vampires au garou en passant par les démons, les sorciers, etc.). Pour ce que j’en ai lu jusque-là, il y a du bon et du moins bon. Le gros souci a trait à la réutilisation de codes et de scènes qu’on sent venir à des kilomètres, voire de grosses ficelles (notamment les relations amoureuses entre vampires et garous) qui permettent de fédérer un certain public. Laurel K. Hamilton, pionnière dans le genre avec sa série Anita Blake, a ainsi, à mon sens fait sombrer ses récits dans un trop-plein d’érotisme qui finit par phagocyter l’univers et les personnages. A trop tirer sur la corde et à trop forcer dans le convenu et le déjà vu, il y a fort à parier qu’une partie de ces séries ne finisse par s’essouffler.

Que pensez-vous du phénomène « Stephenie Meyer », un best-seller « bit lit' » qui truste les meilleures ventes depuis des mois ? Comment expliquez-vous les raisons de ce succès ?
J’ai découvert le phénomène Twilight quelque temps avant qu’il ne prenne son ampleur actuelle. Mais j’ai pour ma part décroché lors de la lecture du second volume, que j’ai fini avec difficulté. Il n’y a selon moi pas grand chose de très original là-dedans, pour qui recherche le renouveau du genre vampirique. Twilight est avant tout un incroyable produit d’appel, un peu comme Harry Potter il y a quelques années. Il y a beaucoup de jeunes qui ne s’y arrêtent pas et se mettent à lire d’autres ouvrages, pour peu à peu se faire une réelle culture du roman vampirique. Et la franchise cinématographique qui a suivi risque fort de prolonger cet état de fait. Les éditeurs et les gros libraires ont surfé sur la vague initiée par Harry Potter en lui trouvant en successeur en termes de ventes et de succès populaire (pas de qualité littéraire d’après moi). Le livre parle d’amour dans un contexte qui ne peut que toucher les ados, ce qui explique sans doute en partie le succès de la série auprès des jeunes filles. Ca et la bit-lit ont également engendré une très bonne chose : la réédition de séries épuisées depuis des années (Nécroscope de Lumley, Anita Blake de Hamilton, Vampires de L. J. Smith), une vraie aubaine pour les amateurs du genre.

Pouvez-vous nous parler de votre blog : sa genèse et sa vocation ? Quels sont vos auteurs favoris à titre personnel et pourquoi ?
Vampirisme.com existe maintenant depuis 2006. C’est à la suite d’un voyage en Transylvanie, dans les pas du Dracula historique que j’ai décidé de créer un site pour mettre en ligne les notes que j’avais prises au jour le jour, ainsi que les nombreuses photos prises au cours du voyage. Une trentaine de billets plus tard, j’ai eu envie de faire de ce blog un vrai webzine culturel sur le vampire. Au fil des mois, six rédacteurs m’ont rejoint, et ajoutent chaque semaine de nouvelles chroniques détaillées de livres et films sur les vampires.

Les titres qui m’ont le plus marqué sur le sujet sont Anno Dracula de Kim Newman (une utopie bourrée de clin d’oeils à la littérature XIXe), Le fils des ténèbres de Dan Simmons (un thriller médical qui revient sur les origines du vampirisme) et la série de l’Opéra de sang de Tanith Lee (une saga aussi sombre qu’ambiguë, où le mot vampire n’est jamais utilisé). Et mon dernier coup de cœur serait La chronique des immortels, de Wolfgang Hohlbein, qui mélange dark-fantasy et roman historique. Un incroyable récit épique aux personnages psychologiquement très travaillés.

Comment expliquez-vous votre passion/fascination pour les vampires ? D’où cela vous vient-il ?
Depuis mon enfance, j’ai toujours été un lecteur compulsif, et ai été attiré par les littératures de l’imaginaire dès ma découverte des aventures des chevaliers de la table ronde, et l’adaptation qu’en a fait Boorman avec Excalibur. Ma découverte du mythe du vampire en littérature remonte à la série de bande dessinée Le Prince de la Nuit, de Yves Swolfs. J’ai été très vite captivé par le vampire mis en scène dans cette série, un avatar de Dracula dans une ambiance très littérature fin XIXe. L’intérêt de cette série est également de mettre en parallèle le vampire avec différentes époques de l’histoire, et la manière dont il se fond dans chacune d’elles. Le vampire m’est apparu à ce moment là comme une personnification du mal absolu, même si mes lectures suivantes ont pas mal remis en cause cet a priori. Le vampire est captivant pour moi de par son côté pluri-culturel. Chaque peuple, chaque mythologie a ainsi sa version d’une créature buveuse de sang, voire de force physique, laquelle cristallise la plupart du temps bon nombre de tabous (le sang, le sexe, la mort pour les citer). Je suis littéralement captivé par cette manière qu’a l’homme de donner vie aux interdits, sans doute pour mieux pouvoir les « affronter ».

Et pour finir qu’en est-il de la reconnaissance de ce genre littéraire « vampirique » ?
Le mythe du vampire n’est pas, comme je l’ai dit précédemment, un genre littéraire à proprement parler. De ce fait, il y a autant d’œuvres reconnues traitant du mythe (Dracula en tête) que d’œuvres inconnues ou sous-estimées. De nombreux auteurs français sortent chaque année des nouvelles ou romans sur le sujet dans un certain anonymat (sauf pour les lecteurs amateurs). Ambre Dubois, Nathalie Suteau, Estelle Valls de Gomis ou encore Charlotte Bousquet font ainsi parti de ces auteurs intéressants qui mériteraient plus de visibilité. Mais la littérature de genre a toujours eu du mal à se vendre auprès des éditeurs, sauf quelques cas isolés, ce qui explique sans doute que ces auteurs sont publiés par de petites maisons d’éditions, certes spécialisées et motivées, mais ayant peu de moyens.

Découvrez le blog : « Vampirisme »
A lire aussi : VAMPIRES & LITTERATURE / La Bit lit’ : renouveau du genre littéraire des vampires ?

5 Commentaires

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  1. Le lien ne marche pas…

  2. L’adresse est en fait blog.vampirisme.com/vampi… Je pense que ça sera vite corrigé 🙂

  3. Oui, je l’ai trouvé tout seul ! J’avais pensé l’indiquer et puis je me suis dit :
    "A tout "saigneur", tout honneur…"
    Vous êtes venu ensuite…

    • Philippe sur 14 mai 2009 à 11 h 44 min
    • Répondre

    C’est le buzz vampirique dorénavant, ici ? 🙂 Qu’est-ce qui explique cette passion soudaine pour les buveurs de sang ?

  4. Impeccable ! Enfin des propos sensés! Y en a marre de la colonisation du Fantastique par les hordes d’écrivains anglo-saxons ! Nous, écrivains de langue française, n’avons rien à leur envier ! La preuve :
    wolframmanteufel.skynetbl…

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