Françoise Sagan raconte sa « rehab » dans Toxique: parution d’un inédit

Toxique de Françoise Saganest un texte inédit que son fils, Denis Westhoff, a confié à Jean-Marc Roberts, le patron des éditions Stock, le soin d’éditer un texte inédit de l’écrivain qui sortira en octobre 2009.
Sous forme d’un journal à la fois intime, organique et littéraire, il raconte sa cure de désintoxication à la morphine (suite à un accident de voiture), le palfium plus exactement, qui se soldera par un échec. L’écrivain était devenue dépendante aux médicaments en 1957 après l’accident de voiture qui lui a causé de vives douleurs tout au long de sa vie. L’auteur de Bonjour tristesse y exprime notamment sa peur du déclin, de la souffrance physique et du spectre de la mort.

Je m’épie : je suis une bête qui épie une autre bête, au fond de moi.


Alors qu’elle séjourne dans une clinique spécialisée pour se soigner, elle observe, analyse, décrypte : « la souffrance me diminue », « il y avait longtemps que je n’avais pas vécu avec moi-même », « mon cœur bat trop fort ou pas assez », « l’esprit monte et descend entre deux crises ». Mal-être, solitude, angoisse, insomnie, ennui et folie rôdent autour d’elle alors qu’elle vit suspendue à la prochaine « ampoule » qui la délivrera du mal.

Dans cette épreuve, la littérature (une façon d’écrire, de lire, de vivre) la sauve. Sagan convoque Céline, Rimbaud, Proust, Michelet. Ils sont présents à ses côtés comme autant d’anges-gardiens et sont l’occasion de partager sa conception de la littérature et ses goûts:
« Je relis Proust, la passion de Swann avec bonheur. ; un réel bonheur, comme de coïncidence entre la vérité et la prose, chose rare. Je n’aime pas l’invention en littérature, c’est pourquoi Faulkner ne m’a jamais vraiment touchée. Ses monstres ne sont pas les miens… »

Elle tente aussi -vainement- de se remettre à l’écriture et rêve de s’échapper de son univers bourgeois parisien en pratiquant l’autodérision:
« J’aimerais écrire des choses qui se passent en Espagne, avec du sang et de l’acier, ou à Florence sous les Borgia (?) mais non. Mon domaine c’est apparemment « il a mis le café dans la tasse, il a mis le lait dans le café, il a mis du sucre, etc. » le quotidien triste, Prévert, Buffet, notre chère époque ? »

Ces fragments de douleur physique, de lutte, d’espoir fugace lors d’une courte rémission, et de fatalité sont restitués parfois abruptement parfois plus poétiquement (« la vitre opaque de pluie ensoleillée », ça pourrait un titre de ses romans !). Ils laissent une trace poignante de ce combat contre la douleur, contre le manque d’une femme qui expérimente ce qu’elle nomme « déchéance ».

Le corps se trouve ainsi logiquement omniprésent même si on regrettera parfois que le dessin focalise peut-être un peu trop sur la nudité sans phare, étalée, de façon pas forcément toujours relatée au texte…, sans pudibonderie aucune. Sagan elle même bien sûr est tout entière focalisée sur ses sensations corporelles mais aussi son aspect, car elle souhaite notamment retrouver sa santé, la force de sa jeunesse, « un corps bronzé et plat », se « refaire les muscles un par un, s’habiller », synonymes de vie normale, festive, insouciante et bien portante qui lui est si chère. L’amatrice de paradis artificiels et de sensations fortes se languit aussi de ses plaisirs qui lui sont désormais interdits, y compris la conduite d’une Aston Martin dont « elle s’ennuie à périr, après avoir failli périr par vous ».

Illustré de puissants dessins au graphisme brut de Bernard Buffet façon fusain noir et blanc, ces textes prennent d’autant plus de relief dramatique autour de ces natures mortes en ombre chinoise, zoom sur une fenêtre, une table de chevet couverte de médicaments, paysage minimaliste, ou la représentation du corps démuni, épuisé ou anéanti. Les jeux de typographie sont aussi très réussis artistiquement pour mettre en valeur certains mots clé ou phrases.

Neuf ouvrages de Françoise Sagan seront également être réédités chez Stock, dont la nouvelle Des yeux de soie paru en 1975 et le roman La Femme fardée paru en 1981, et à partir de 2011, Un peu de soleil dans l’eau froide, Un piano dans l’herbe, Le Lit défait…

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