Hommage au journaliste gonzo Hunter S. Thompson (et adaptation ciné)

Hunter S. Thompson (1937-2005) est devenu un mythe pour son talent à transformer le reportage en littérature avec un anticonformisme inédit. Partant du principe que « la fiction est une passerelle vers la vérité, que le journalisme ne peut atteindre », il se met en scène, saturé d’alcool et de drogues, dans des reportages épiques et férocement drôles, notamment pour le magazine Rolling Stone. Et invente une forme de « journalisme hors-la-loi » (dans les années 60): le Gonzo. Poussant sa logique d’ultra-subjectivité jusqu’au délire. Philippe Manoeuvre, notamment rédacteur en chef de Rock & Folk, signe la préface d’une biographie (de William McKeen) sur cette figure fascinante tandis que se prépare une nouvelle adaptation ciné d’un de ses livres :

En trois livres – le récit de sa vie avec un gang de motards (Hell’s Angels), une virée à Las Vegas à la poursuite du rêve américain (Las Vegas Parano) et son compte rendu au jour le jour de la réélection de Richard Nixon (Fear and Loathing: On the Campaign Trail ’72) – il a donné voix et sens à l’effondrement des idéaux de la jeunesse des années 60. Et marque de son influence les générations suivantes d’écrivains et de journalistes. Plus tard, retranché dans son ranch du Colorado, il a continué à bombarder inlassablement l’époque, les médias et ses nombreux correspondants de brûlots au style sauvage et percutant, jusqu’à son suicide par revolver le 20 février 2005.
Au delà de la légende sulfureuse et destroy autour de Thompson (qui écrivait par exemple une lettre de candidature à coup d’insultes et de menaces ou encore abandonnant sa femme après une fausse couche pour sillonner le pays ivre mort), cette bio révèle aussi son engagement politique fervent : sa « fear and loathing » (peur et dégoût), expression apparue lors de l’assassinat de Kennedy de 69 de voir s’effondrer le rêve américain. Qu’il s’agisse d’écrire sur les hippies, le LSD, le Vietnam, l’assassinat de Kennedy, les mouvements de revendication des Noirs, mais aussi des faits divers, du sport, Thompson n’a jamais hésité à s’immerger sur le terrain durant de longs mois quitte à prendre des risques. Pour beaucoup, ce nouveau journalisme représentait ainsi une sorte d’âge d’or où l’esprit critique rimait avec un style débridé. Dans une interview accordée aux Inrocks lors du salon du livre, Philippe Manœuvre commentait : « Il nous fait participer à sa quête, il nous raconte tout le processus, il dit aux gens « comment on fait la tambouille », loin des reporters serviles. Il surfe sur une vague incroyable, c’est la nouveauté, des mots qui viennent du blues, de l’argot noir des ghettos. C’est le rebelle en chef, l’exemple à ne pas suivre. Jamais on a retrouvé cette fantastique liberté. Hunter S. Thompson continue d’exercer une destructrice fascination sur sa descendance »

Aujourd’hui, le « mythe Hunter Thompson » est l’objet d’adaptations au cinéma : après Las Vegas Parano de Terry Gilliam avec Johnny Depp ce sera bientôt The Rum Diary (Rhum Express en français), toujours avec Johnny Depp qui devrait sortir sur grand écran en 2010 suite au tournage de 2009. Après des années de tentatives échouées, un réalisateur a enfin été engagé : il s’agit de Bruce Robinson (Jennifer 8, L’histoire d’Adèle H et La Déchirure). Johnny Depp a finalement signé pour incarner Paul Kemp, jeune journaliste et alter ego de l’auteur, qui, dans les années 50, atterrit sur l’île de Porto Rico. La capitale, San Juan, est alors prise entre les revendications nationalistes, la poussée castriste voisine et les affaires louches des promoteurs. Kemp travaille comme pigiste pour le San Juan Daily News, un quotidien local lancé par un ex-communiste, dont la majorité des journalistes passe son temps à boire ou à se battre. À force de petits rhums, Kemp ne tarde pas à avoir le cerveau aussi engourdi que ses collègues, seulement réveillé de temps à autre par un coup de folie dû à la chaleur suffocante. Dès lors, il assiste impuissant à la dérive d’un petit paradis miné par la corruption et les ambitions économiques américaines.

A lire aussi la chronique : « Las Vegas Parano » de Hunter S. Thompson, A la poursuite du rêve américain…

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