Léonora Miano et Olivier Adam reviennent aux sources de leurs personnages (salon du livre 2010)

Dernier compte-rendu des conférences du Salon du livre de Paris 2010 avec le débat « En quête d’identité – Les personnages ont une vie propre » tenu le 30 mars 2010 avec Léonora Miano, Olivier Adam, et Patrick Rambaud. Les personnages romanesques ont souvent une vie qui leur est propre. Ils s’imposent à l’écrivain lui demandant de raconter leur histoire. Commence alors pour l’écrivain une longue quête pendant laquelle il découvre ses propres personnages… :


Léonora Miano confesse qu’elle parle exclusivement d’identité africaine tout simplement parce que cela la touche en particulier.

Olivier Adam explique pourquoi il est un écrivain dit de « l’absence ». Ses personnages se trouvent en permanence plongés dans des situations de fragilité . Il pense qu’il les pousse à lui, et que ces situations naissent près de lui. Il fait en sorte que cela apparaisse comme voulu pour le lecteur. Lorsqu’il entreprend les contours d’un personnage, il sait qu’il faut qu’il mène l’enquête sur lui, en le creusant, l’approfondissant, en lui offrant sa passion technique de l’écriture, car il veut découvrir ce qu’il a à lui dire. Ces personnages sont ainsi toujours dans des situations de manque mais au fond cette recherche mécanique est assez inconsciente. Il est l’écrivain du ressassement, il change parfois le paysage de ses romans mais le relief demeure, avec les même questionnements centraux.

Il se dit très inspiré et impressionné par le trio Modiano, Ernaux et Dubois car il possède les mêmes motifs, en somme, seul la façon d ‘évoquer le point de vue global change. Oui, il travaille beaucoup sur le manque, sur la fragilité, sur le défaut avec des personnages très forts et très fragiles à la fois, parce que cela lui correspond. Sa littérature passe sa vie à mettre en scène « des personnages à la ramasse », qui possèdent cet instinct de l’électrochoc, cette volonté aussi de ne pas se résigner. Ils font abstraction de concert du quotidien très ordinaire qui nous réduit à néant mais leur héroïsme s’avère, au fond, très modeste. Adam pense que la vie ne peut pas être que ça, il veut sortir des rails, il attend cette forme de transcendance qu’il espère toucher un jour, et dans sa quête, tente de reprendre les rennes, en voulant et en espérant écrire autre chose. Il comprend que les pérégrinations de ces écorchés vifs, peuvent être très étonnantes pour le lecteur, voire déstabilisantes. Les personnages masculins sont des doubles de Fante, les personnages féminins contiennent le masque idéal, c’est le mensonge qui dit la vérité, le mentir-vrai cher à Aragon. Adam se sent plus proche de la manière de ressentir par le féminin que par le masculin.

Léonora Miano cherche à présenter et représenter des personnages qui exercent la violence. Telle qu’elle s’exprime dans certaines parties d’Afrique et notamment en Afrique centrale. Pour autant, elle ne cherche pas à faire souffrir des personnages en travaillant la question de la violence sur des choses qui lui plairaient. Elle n’écrit pas forcément par rapport à une œuvre liée. Elle veut écrire sur ce qui fait de la peine, sur ce qui dérange, mine, morfond, et qui donne envie de cracher par terre. Avant tout, elle veille à ce que les personnages gardent leur cohérence.

Patrick Rambaud ne peut et ne veut rien changer à ses personnages. Ce serait un hiatus abominable que d’y songer et de les faire apparaître plus sympathiques.

Olivier Adam pense qu’en ce qui concerne la littérature enfantine, tout emploi de démagogie serait insultante. Il aime lire et souhaite faire lire aux enfants des livres qui tendent un miroir. Il tente aussi d’écrire pour l’adolescence une littérature de genre, par respect pour ce jeune lecteur. Il souhaite mettre autant d’ambition que pour les héros des autres romans qu’il travaille. Il essaye d’être à la hauteur, de l’accompagner, d’avoir la justesse du regard, il fait appel à son intuition, à ses observations, à sa mémoire. Il essaye de traduire cet état d’adolescence qui est un peu plus à fleur de peau que les autres, plus écorché, plus intransigeant. Il veut faire parler cet être qui « déverrouille » et dérouille, qui tient sa grandeur par ses colères, sa non-résignation. Il faut faire une place à la pureté, et particulièrement quand on écrit dans ces mêmes conditions. Pour Falaises, c’est un effet autobiographique qui a été perçu et rendu. Il a travaillé la voix et les coïncidences, d’où l’ impact du réel assez marqué. Adam pense que les personnages sont dotés d’une fatalité contre laquelle on ne peut rien.

Léonora Miano explique qu’une fois que son histoire est lancée, elle avance avec elle. Elle ne peut pas modifier le cours de l’histoire des personnages, elle veut au contraire les pousser en avant. Et partir avec eux. Lorsqu’elle écrit sur plusieurs identités distinctes, elle s’épargne de juger et de signifier qui a raison qui a tort. Son but est de mener chaque logique, chaque cours d’histoire à son terme, elle précise qu’elle ne juge pas, que chaque personnage doit avoir sa chance, qu’il faut surtout tout montrer : l’ombre et la lumière.

Patrick Rambaud monte ses personnages comme il monte une pièce de théâtre avec un avis très tranché. Tous ses personnages sont ignobles et il ne parvient pas à les rendre plus sympathiques. Il se remémore alors les « deux nigauds » de la Comtesse de Ségur, qui a marqué son enfance : tous les personnages – vous n’avez pas besoin de les regarder à la loupe – étaient odieux. [propos recueillis par Laurence Biava, photo d’Anne-Laure Bovéron]

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