Camille de Peretti rend hommage à Anaïs Nin : « la dévoreuse d’intellectuels »

Dans le cadre de sa série d’été sur les « grandes amoureuses » du magazine Figaro Madame, Camille de Perretti analyse « Le journal de l’amour » d’Anaïs Nin:

« Il est très rare de croiser dans la vie – et encore plus dans la littérature – une femme qui soit à ce point libre en pensée et en action. Pas étonnant que les féministes aient un temps voulu récupérer Anaïs sous leurs drapeaux, mais comment concilier les thèses de ces dernières avec celle qui déclara à son amant que « les femmes sont fondamentalement des putains, elles veulent être traitées comme des putains » ? Libre et amorale. Du moins si l’on entend morale selon les codes bourgeois de l’époque (et qui n’ont guère changé).

S’il s’agit là d’une morale personnelle, elle n’en guide pas moins ses actions avec bonté. « Ma morale existe seulement lorsque je suis confrontée à la peine de quelqu’un. » Et c’est alors qu’elle décide, pour protéger ceux qu’elle aime, car elle les aime tous, d’une manière « surabondante, sur-attentionnée, sur-éloquente, surhumaine », de mentir.

Anaïs sait faire cela, sa voix est tour à tour calme, enjouée, rassurante. Le mensonge est une nécessité qu’elle assume. Anaïs Nin connaît la nature humaine, mais surtout se connaît elle-même. Elle évoque les doubles vies et les mensonges. Et en comparant la version de 1966, date de la première publication du journal, expurgé par Anaïs Nin elle-même, et celle de 1979, on comprend à quel point cette femme a passé sa vie à jongler entre mensonge et vérité. Tous ces mensonges n’ont de sens que si l’on comprend combien Anaïs Nin aimait l’amour. Les plus belles pages de son journal sont dédiées à la description du sentiment amoureux.

Quant à la sexualité, elle sait la vivre et l’écrire. L’érotisme est plus qu’un moteur pour son écriture, à une époque où aucune femme écrivain – à part Kate Chopin – n’avait osé se lancer dans ce champ de la littérature. « Henry me touche ; la vie est une poursuite de ses caresses. Il laisse l’empreinte de sa chair sur ma peau, dans mon ventre, et pendant des jours, je ne sens que mes jambes. Rien dans la tête… le monde entre les jambes… le monde sombre, humide, vivant. » Anaïs sait être amoureuse et suscite les passions les plus poétiques. Otto Rank lui confie un jour sur l’oreiller : « Avec toi, on s’éloigne tellement de la réalité qu’il est presque nécessaire d’acheter un billet de retour. »

À peine sortie d’une pareille nuit, Anaïs rentre chez elle et se précipite sur son journal. Anaïs la fidèle adultère, Anaïs l’incestueuse menteuse, Anaïs la putain amoureuse, Anaïs qui écrit : « Demain, demain commence une autre romance ! » »

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