De Gervaise Macquart à Mallaury Nataf : même combat ?

J’ai eu le plaisir de redécouvrir récemment l’un des plus célèbres tomes de la saga des Rougon-Macquart d’Emile Zola : l’Assommoir. J’avais gardé le très mauvais souvenir scolaire d’une œuvre misérabiliste et plombante mais j’ai retrouvé un roman foisonnant, plein de vie et même d’une effervescence joyeuse souvent, même si la fatalité finira par abattre froidement son héroïne.

Cette héroïne, parlons-en justement : Gervaise Macquard, jeune blanchisseuse montée à Paris de son Plassans natal (ville imaginaire du Sud de la France) avec son escroc de compagnon, Lantier, accessoirement père de ses deux enfants (qu’il laissera bien vite tomber). Au-delà des problématiques ouvrières et de l’alcoolisme, le roman dessine un magistral portrait de cette femme qui m’a beaucoup touchée.

Autant Emma Bovary, être superficielle, calculatrice, lâche et matérialiste (absolument pas « rêveuse romanesque » comme le veut sa réputation) m’a profondément agacée et ennuyée, autant Gervaise (parfois considérée comme « sa petite sœur prolétaire »), agneau qui fait entrer trop de loups dans sa bergerie jusqu’à être dévorée, m’a émue et restera dans mon cœur. Il est fort dommage que Gervaise jouisse pourtant d’une célébrité posthume moindre que son « aînée » Bovary.

C’est plus particulièrement la lutte pour sa survie qui m’a interpellée dans ce roman, cette constante course après « quatre sous », compter âprement pour pouvoir acheter du pain, payer le terme de son logement, éviter l’expulsion qui menace à tout instant, le froid et surtout la terrible faim qui vous terrasse comme un animal. Gervaise n’est pourtant pas fainéante, une vraie « bête de somme » bien au contraire. Mais pourtant cela ne suffit pas, elle aura beau s’épuiser à la tâche, parvenant même un temps à connaître une certaine prospérité avec le succès de sa blanchisserie, elle finira ruinée et mourra, comme un chien, abandonnée (et méprisée) de tous.

Tout au long du roman, Gervaise ne cesse de répéter que son unique ambition est de « travailler, manger du pain, avoir un trou à soi, élever ses enfants, ne pas être battue, mourir dans son lit. » C’était au XIXe siècle, sous le second empire, mais aujourd’hui en 2012, j’ai l’impression que la situation n’a finalement pas tellement évolué, malgré tous les acquis sociaux.

L’ angoisse primaire d’avoir faim et froid sont toujours d’actualité. On ne se sent pas davantage en sécurité quelque soit son statut. La sécurité n’est jamais « acquise » pour de bon et tout peut toujours basculer, à une vitesse effrayante, sous l’effet du chômage, de la maladie, de la perte d’un conjoint… Un récent sondage (CSA pour Emmaus – nov 2009) révélait que plus d’un français sur deux (56%) craignaient de devenir SDF, la précarité menaçant de toute part…

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Récemment, une ancienne starlette à succès de sitcom, est venue nous le rappeler, faisant la Une des médias, pour être devenue SDF. Et de susciter l’émoi et la stupéfaction (et suspicion/accusation au passage) du public : comment a-t-elle pu tomber aussi bas après avoir gagné autant ? Mallaury Nataf, puisque c’est d’elle dont il s’agit, ex « ouvrière VIP » des productions AB, a peut-être laissé trop de loups entrer dans sa vie, à l’instar de Gervaise, je ne sais pas… Toujours est-il qu’aujourd’hui elle n’a plus rien, si ce n’est un restant de célébrité qui lui permettra peut-être de ne pas finir comme Gervaise (je lui souhaite !). [Alexandra]

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3 Commentaires

    • Joe sur 26 février 2012 à 8 h 55 min
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    Concernant M. Nataf, je pense qu’il s’agit davantage d’actes et de choix inconsidéré.
    J’ai également re-découvert Zola à l’âge adulte, mais quel dommage d’avoir dévoilé la fin de cet ouvrage 🙁

  1. oui gervaise aussi a fait pas mal de « choix inconsidérés »… 🙂

    concernant la fin de l’ouvrage, je pense que c’est assez connu… et annoncé sur la 4e de couv’ (« la déchéance d’une famille ouvrière », etc)

    • isabelle sur 22 mars 2012 à 22 h 32 min
    • Répondre

    Gervaise, mon héroïne. L’assomoir, est je crois, mon roman préféré. L’écriture de Zola est magnifique de part cette fluidité, cette simplicité à nous transposer au sein de cet univers qu’il avait côtoyé pour mieux le comprendre. Cette lutte acharnée pour simplement vivre sera malheureusement toujours d’actualité, c’est l’histoire de l’humanité.

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