« Une simple mélodie » d’Arthur Philips, publié en France en février 2012, après deux précédentes traductions (Angelica, L’Egyptologue), « The song is you » en VO, inspiré de la chanson éponyme interprétée notamment par Franck Sinatra, est signée d’un jeune auteur new-yorkais ex d’Harvard. Ce qui attire immédiatement l’attention sur ce roman c’est son accroche marketing « élu meilleur roman de l’année par le New York Times » (après vérification, il s’agit d’une mention dans les 100 livres « notables » de 2009). En France, Les Inrocks considère que Phillips « tire le roman “rock” vers le haut : sur fond de BO impec, il épingle les cruautés de la vie artistique new-yorkaise avec une ironie tranchante. » De son côté Le Figaro y voit « un bel hommage à la manière dont la musique accompagne nos pulsations intimes. Vif, enlevé et rythmique en diable… » Pour couronner le tout, le livre est présenté comme « le premier grand roman d’amour de la génération iPod » tandis que l’auteur est comparé à Nick Hornby ou Jonathan Coe. Alors que l’on tergiverse beaucoup ces derniers temps sur la génération Y et l’irruption d’Internet dans le roman, cela ne peut donc qu’éveiller la curiosité :
Dans ce roman, l’auteur nous entraîne dans la vie de Julian Donoghue, new-yorkais branché, directeur artistique dans la publicité dont le job est de « bourrer les ondes de télévision de mythes comme l’idée que la joie et l’amour se trouvaient au fond d’un pot de yaourt et dans un gel capillaire. » écrit-il façon 99 francs. Nous sommes à un moment de bascule, à un tournant de l’homme, notoirement infidèle qui se trouve en instance de divorce. On apprendra de plus qu’un drame personnel à contribuer également à détruire son couple pourtant extérieurement parfait. Alors qu’il vient de franchir le cap de la quarantaine, il se sent aussi en proie à une crise de nostalgie pour sa jeunesse qui s’enfuit. C’est dans ce contexte de dérive qu’il s’amourache d’une jeune chanteuse irlandaise, Cait O’Dwyer, égérie adolescente. Une passion en commun entre ces deux générations X et Y : la musique qui va les relier par le fil invisible de leur iPod…
Première remarque sur l’intrigue à proprement parler : Philips a voulu intégrer bon nombre d’ingrédients dans son roman, ce qui finit par lui donner un aspect bancal puisqu’il n’arrive pas à développer toutes les pistes narratives qu’il lance. Le divorce d’avec sa femme (et le deuil qui apparaît en filigrane) ainsi que l’intégration d’un autre personnage secondaire, son iconoclaste grand frère champion de Jeopardy un brin maniaque (i.e le-loufoque-de-lhistoire censé être drôle, un peu à la façon d’un Ignatus Reillly) apparaissent comme des pièces rapportées qui ont bien du mal à se fondre avec l’intrigue principale : l’obsession de Julian pour Cait et le jeu de cache-cache amoureux qui s’instaure entre eux.
L’autre problème du roman repose sur sa crédibilité. L’auteur qui probablement s’assimile à son héros, en fait une sorte de tombeur irrésistible, qui n’a qu’à laisser quelques mots au dos d’un sous-bock pour que la jeune star du moment soit émerveillée et séduite et n’ait plus d’yeux (façon de parler puisqu’elle ne le voit pas) que pour lui, malgré la foule de ces jeunes courtisans. Pétri d’arrogance, façon vieux loup blasé, le personnage s’arroge aussi le rôle de mentor qui vient donner des « leçons » de musique à la jeune-femme (bien évidemment admirative) et l’inspire dans sa création. La jeune femme semble aussi ravie d’être poursuivie et de laisser par exemple l’homme ayant le double de son âge l’espionner ou rentrer chez elle par effraction… Après tout pourquoi pas…, cela devient un jeu de séduction entre eux, mi-pervers mi-ludique, à la frontière du malsain. On a surtout l’impression d’une histoire cousue de fil blanc qui sonne comme ces comédies romantiques ou pseudo thrillers de base à la mécanique téléphonée. Il fait d’ailleurs référence au genre à plusieurs reprises (et cite « Vous avez un message » qui effectivement est sur le même principe) comme pour mieux s’en défendre : « Quelle chanson aurait pu expliquer quoique ce soit ? Ce besoin de compilation de la citation de circonstance, la chanson qui frapperait la note juste et exprimerait ce qu’il ne pouvait exprimer ; c’était le mythe de la comédie romantique. »
Il lui manque néanmoins le côté attachant sous l’effet notamment du complexe de supériorité omniprésent du personnage principal assez agaçant (et même pas second degré). Un homme qui préfère laisser tomber sa femme en souffrance (mais sans doute devenue trop vieille pour lui) pour courir après une jeunette donc, sa fontaine de jouvence.
Hormis ces défauts qui gâchent tout de même sensiblement la lecture en nous empêchant de nous attacher à un quelconque personnage, par trop caricatural, Philips tente de livrer une réflexion sur le pouvoir de la musique sur nos vies. Outre le fait que le livre se déroule dans le milieu musical, nous avons aussi bien sûr droit à la désormais classique playlist rock – des Smiths et Stones, Billie Holiday, rock indé et jazz, pop et bossa- censée rythmer les pages, et retranscrite en annexe.
Même si ce qu’il dit n’a rien de très original ou de nouveau, cela reste relativement intéressant et souvent juste. Comme dans ce passage où il exprime le pouvoir de la musique pour amplifier nos vies en faisant résonance ou en leur donnant plus d’intensité : « Julian connecta son iPod sur la console du studio et éprouva un soulagement physique quand l’inanité de la journée céda la place à quelque chose qui parut avoir un se