« Bonjour paresse » de Corinne Maier croqué par Aurélia Aurita

Paru en 2004, « Bonjour paresse », petit pamphlet provocateur de l’ex-cadre (pas dynamique) Corinne Maier sur le monde kafkaïen de l’entreprise et des lourdeurs bureaucratiques avait connu un succès retentissant (traduit dans une vingtaine de langues, vendu à 300 000 exemplaires). 11 ans plus tard, elle tente de ré-exploiter le filon en l’adaptant sous forme graphique avec l’aide de la dessinatrice Aurélia Aurita, également auteur d’un best-seller « Fraise et chocolat ».

Petit rattrapage sur cet opus paru en septembre 2015 chez Casterman:

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Le point commun entre les deux auteurs aura été le point de départ à leur collaboration avec comme angle choisi: le phénomène de best-seller (rebaptisé « Ma vie est un best-seller » publié chez Casterman).
Maier le définit comme: « Le fait d’avoir un succès rapide sans s’y attendre et de traverser le monde des médias, des intellectuels, des cocktails… »
Aurita l’analyse, elle, comme la convergence « entre la volonté de l’auteur et celle de l’époque« .
Selon elle, il n’y a pas vraiment de « recette » et cela reste un hasard.

Il s’agit ici en effet d’une adaptation libre. Sous une forme rappelant le reportage/documentaire (forme qu’Aurita affectionne et qu’elle a aussi utilisé pour son album précédent, LAP ! qui témoigne de son travail d’observation dans le Lycée autogéré de Paris), la dessinatrice qui a eu carte blanche, reprend la satire -désormais devenue classique- de l’absurdité de la vie de bureau, de la réunionite au novlangue franglais en passant par l’hypocrisie des petits chefs, mais l’étend au monde de l’édition et des médias (en écho à son album « Buzz moi » sur les coulisses de sa propre surmédiatisation dont elle avait été particulièrement marquée voire traumatisée !). Elle retrace ainsi l’expérience de l’auteur/cadre supérieure après le succès de son essai, entre promotion médiatique et sanctions disciplinaires.

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Elle tisse ainsi un parallèle entre la vacuité du monde de l’entreprise et celui des médias audiovisuels avec ses animateurs narcissiques en particulier jusqu’au monde de l’édition tout autant motivé par l’appât du gain. « Un monde de requins et un monde de brutes« , peut-être d’autant plus violent lorsqu’on est une femme… Ce qui ne l’empêche pas d’y intégrer diverses séquences poétiques autour d’une feuille ou d’un cerf-volant symbolisant l’éphémérité de la gloire médiatique ou même d’une carrière, leur dimension « splendeur et misère », ou encore l’ajout de la couleur rouge qui peu à peu envahit la vie de l’héroïne à mesure qu’elle s’émancipe de sa vie monotone.
Des idées créatives saluées par Maier:
« Je trouve qu’elle a eu de très belles idées de représentations, comme celle de la feuille, au début de l’album, comme figure du destin du personnage et aussi cette idée de couleur pour pointer ce qui représente les espaces de liberté dans l’univers gris de l’entreprise. »

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Être dans le vent, c’est avoir un destin de feuille morte

Le livre apparaît ainsi davantage centré sur les conséquences et les difficultés à gérer une célébrité soudaine ainsi que le tourbillon médiatique (d’où le titre remanié). Elle met en particulier l’accent sur les foudres que s’est attirées Maier ou l’instrumentalisation dont elle a fait l’objet comme lors d’un épisode où elle est prise en otage entre la CGT et le patronnat.

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