Regard sur la littérature anglaise « nouvelle génération »

Le magazine littéraire trimestriel Transfuge publiait l’an passé un dossier sur la littérature anglaise « nouvelle génération ». Objectif : présenter les auteurs anglais de 25-30 ans représentant la littérature de demain. En se fondant sur la sélection Granta (un des magazines littéraires les plus prestigieux au monde, voir ci-dessous), ils se sont plus particulièrement intéressés à trois jeunes auteurs phare : Robert Mc Liam Wilson (Ripley Bogle, Eureka Street…), Adam Thirlwell et Toby Litt, au travers de deux entretiens fleuve.


« En plus de ces entretiens, comme en écho, le magazine offre quatre autres entrées sur la littérature britannique, une entrée XIXe siècle avec Thomas de Quincey, une entrée début XXeme siècle avec Virginia Woolf, une entrée contemporaine du côté de l’école de Glasgow, tenue par l’écrivain Alasdair Gray, et une autre du côté du maître de la science fiction anglaise, J.G Ballard », décrit son rédacteur en chef Vincent Jaury.

On y apprend notamment l’intérêt de Toby Litt (auteur entre autres, du drôlissime « Qui a peur de Victoria About ? » sorte de « Loft Story littéraire » satirique et qui vient de publier « Fantômes« , une fiction à la forme et au fond surnaturels centrée sur le thème de la hantise au sens propre comme au figuré) et d’Adam Thirlwell (auteur du subversif « Politique » sur le triolisme) pour les travaux de l’Oulipo (Ouvroire de Littérature Potentielle) à travers les œuvres de Queneau et de Perec qu’ils plébiscitent tous deux.

Tous deux parlent et lisent le français et connaissent bien notre littérature même si nos auteurs contemporains ne leur ont pas laissé un souvenir impérissable (« Le paysage littéraire français actuel me semble assez nihiliste et peuplé d’auteurs académiques (…)Houellebecq est un très mauvais écrivain », déclare Thirlwell !). Ils confient également leur approche et leur vision du travail d’écriture romanesque en évoquant l’importance de la poésie mais aussi la nécessité d’innover en allant par exemple puiser dans d’autres disciplines. Thirlwell explique par exemple qu’il aime « transplanter de nouvelles techniques dans le roman provenant des arts plastiques tels que la musique, les chanteurs d’opéra… »
Et enfin ils comparent la littérature anglais avec sa grande sœur américaine.

En partenariat, le magazine Remix avait à l’occasion demandé à des auteurs français (Gaëlle Obiegly, Arnaud Cathrine, Clémence Boulouque, Benjamin Berton, François Begaudeau, Faiza Guene, Hubert Prolongeau, Chloé Delaume, Benoit Reiss, Régis Clinquart.) de « remixer » ces auteurs anglais (Tobby Litt, AL Kennedy, Adam Thirlwell, et aussi Rachel Seffert et Dhan Rhodes)

Ce numéro 5 de Transfuge peut être commandé sur leur site
Le numéro de Remix peut être obtenu en cliquant ci-contre.

Le site du magazine d’Adam Thirlwell : « Areté »

Le site officiel de Toby Litt

Pour revenir à cette sélection Granta, dont la dernière édition date de 2003, signalons qu’elle intervient tous les 10 ans et dresse une liste des 20 meilleurs jeunes auteurs de « moins de 40 ans ». Trois listes ont pour l’instant été publiées (en 1983, 1993, et 2003).
Signe particulier ? Son engagement en faveur d’une littérature ouverte, cosmopolite en prise avec son temps. Elle se définit comme « the magazine of new writing ». « Granta n’obéit pas à un manifeste politique ou littéraire, mais croit dans le pouvoir et l’urgence de l’histoire, en fiction comme dans les récits non-fictionnels, et dans la suprême capacité de l’histoire à décrire, à illuminer, à rendre vrai. » décrit Ian Jack, l’éditeur de la revue.

Relancée en 1979 par quelques étudiants de troisième cycle, cette revue universitaire (de l’ancien nom de la Cam, la rivière qui traverse Cambridge) avait pour ambition de réveiller et d’agiter la littérature britannique ronronnante « qui n’étonne pas et offre des réconforts plutôt que des défis. » Granta privilégie alors la littérature américaine plus innovante et audacieuse avec des auteurs comme Joyce Carol Oates ou Donald Barthelme, encore méconnus outre-Atlantique. De grands noms de l’écriture sont ainsi passés dans ces colonnes tels que Raymond Carver, Richard Ford ou encore Bruce Chatwin (notamment dans le célèbre numéro Travel writing, consacré à la littérature de voyage).

Comment est établie cette sélection ?« Nous essayons d’ignorer la fanfare de marketing qui accompagne la sortie de certains livres », expliquait en préface Ian Jack. « Non parce que nous craignions que cela nous persuade de soutenir l’ouvrage, mais parce que cela risquait d’influencer notre jugement dans un sens défavorable. Il arrive parfois qu‘un livre soit à la hauteur de la publicité qui l’entoure. » Plus précisément, les textes sélectionnés doivent correspondre à la définition du « roman littéraire ». En sont exclus la littérature de gare (de type John Grisham ou Robert Harris) et les livres de genre (policier, fantastique, science-fiction).

Ceux-ci reflètent, ajoute Ian Jack, « le pays que la Grande-Bretagne est devenue. » Les participants doivent tous être citoyens du Royaume-Uni, et être âgé de moins de 40 ans.

La dernière sélection recense donc les auteurs de la génération née au cours des émeutes urbaines de l’ère Thatcher, une génération d’écrivains, plus ou moins trentenaires, souvent citadins et réellement provocateurs, bousculant les traditions.

Une vague « d’auteurs hypes qui s’y connaissent surtout en « sex,drug and rock’n’roll » sifflent certains.
Les heureux élus ? Monica Ali, Nicola Barker, Rachel Cusk, Peter Ho Davies, Susan Elderkin, Philip Hensher, A.L. Kennedy, Hari Kunzru, Toby Litt, David Mitchell, Andrew O’Hagan, David Peace, Dan Rhodes, Ben Rice, Rachel Seiffert, Zadie Smith, Adam Thirlwell, Alan Warner, Sarah Waters, Robert Mc Liam Wilson.

Au menu : une belle diversité composée d’histoires et de personnages reflétant le territoire multiculturel du Royaume Uni. Burlesques, mélancoliques, cyniques ou contemplatifs, ces textes multi-ethniques évoquent les relations homo et hétérosexuelles, les luttes politiques, de famille ou de névroses. Témoignant d’un dynamisme narratif et imaginatif qui manque peut-être en France…

Lamuselivre regrettait pourtant sur son blog (voir aussi sa rubrique « littérature anglo-saxonne » très riche, où elle fustige et encense les auteurs anglais, sans concession) que cette liste ait fait connaître, en 83 et 93 de très bons auteurs désormais archi-connus (Martin Amis, Will Self, Julian Barnes, Salman Rushdie, …) mais se soit limitée dans son dernier cru aux jeunes auteurs déjà connus et publiés internationalement, sans découverte de réel nouveau talent encore inconnu.
D’ailleurs, Hilary Mantel, l’une des jurés de Granta écrivait au président du jury « J’espère que nous saurons découvrir quelqu’un qui a travaillé dur dans le silence et l’obscurité, quelqu’un que personne, mis à part sa mère peut-être, n’attendait. » A noter toutefois que la débutante Monica Ali a fait partie de la liste de ses vingt espoirs de la décennie, alors même que son livre n’était pas encore publié…

Si vous avez lu certains de ces auteurs, n’hésitez pas à donner votre avis. Leur distinction est-elle méritée ou usurpée ? Des pronostics pour… la liste 2013 ?

1 Commentaire

  1. Je confirme cette revue est vraiment très intéressante. Je me délectée avec leur spécial littérature russe contemporaine. C’est une excellente idée que de consacrer un mag à la littérature étrangère.

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