La sexualité féminine selon Despentes, Laurens, Delaume, Angot, Darrieussecq, Nothomb… et une journaliste de presse féminine overdosée…

Mantes religieuses ou castratrices, les femmes et leurs corps sont, selon les deux chercheuses Christine Détrez et Anne Simon, encore victimes de représentations régressives. Et les nouvelles plumes féminines n’arrangent pas la situation, déplorent-elles… Dans leur essai intitulé « A leur corps défendant », aux éditions du Seuil, elles passent au crible leus écrits pour y débusquer les clichés sur la féminité et dénoncer l’appauvrissement du discours sur la femme. Un diagnostic un peu dur, passablement réac voire exagéré, mais non dénué d’intérêt… De son côté Anne Steiger, ex « Madame sexo » pour Cosmo, Marie-Claire et consorts, relate avec un humour désabusé ses tribulations au pays de la libido version presse féminine où la surenchère aura fini par lui donner la nausée… On craint le racolage mais cela s’avère drôle, sincère…et instructif !


Le corps féminin sature l’espace public et les discours. La littérature n’échappe pas à la régle.

De Despentes à Angot en passant par Anna Rozen, Chloé Delaume, Catherine Cusset ou encore Camille Laurens, toutes nos auteures (avec un e) contemporaines ont exprimé leur vision du corps féminin (sujet récurrent voire obsessionnel de la littérature féminine des années 90) à travers leurs romans. Avec plus ou moins de bonheur… Et sans jamais vraiment s’affranchir des normes socialement dominantes, globalement défavorables aux femmes.

C’est en tout cas l’avis de Christine Détrez et Anne Simon. Dans leur essai « A leur corps défendant : Les femmes à l’épreuve du nouvel ordre moral« , les deux chercheuses au CNRS ont décortiqué leur oeuvre pour en extraire des morceaux choisis dont elles analysent les messages sous-jaçents.

Leurs chefs d’accusation ? Les clichés et l’entretien des préjugés qui réduisent la femme au domaine « de l’intime et de la liquidité » ou la cantonnent « au corps, au ventre et au sexe ».

Sur un ton très clinique, limite cynique (bien qu’elles espèrent à la fin de l’essai avoir fait preuve d’humour : c’est raté !), elles enchaînent les fragments de textes issus des romans : de Baise-moi (V.Despentes) à Méfie toi des fruits (A.Rozen) en passant par Jouir de C.Cusset ou L’amour, roman de C.Laurens, pour démontrer tout le ridicule de leur prose, esclave « du charme discret des anciens stéréotypes ». Une technique quelque peu contestable : en effet l’accumulation de ces fragments, sortis de leur contexte, n’est pas toujours très significative…
Parmi ces stéréotypes elles citent : « l’opposition mère-putain » encore très vivace (la dichotomie Lilith/Eve) ou encore « l’homme prédateur » qui est fustigé, tel que le représente par exemple Alice Ferney dans La conversation amoureuse (« Tes mains sculptaient mon corps à la recherche d’une beauté qu’il n’avait pas et qu’il lui fallait donner »).

Dans un petit « kamasutra littéraire », elles constatent que « les expressions employées pour décrire les actes sexuels sont empreintes d’une préciosité et d’un euphémisme aux antipodes des réalités (…) Certaines auteures peinent à trouver des « mots de femmes », tant recherchés et écrivent selon une tradition métaphorique de bon ton. Et d’illustrer avec le texte acidulé de Bénédicte Martin (Warm-up) : « Ma vulve couleur de quetshe l’a fait sourire. Il l’a mangée pour le dessert. »

Et d’ajouter que les rapports érotiques décrits semblent parfois « un simple décalque, au féminin, des clichés masculins les plus éculés« . Et recourent au bon vieux mélange « Eros et Thanatos« .
Pour l’illustrer elle cite Virginie Despentes : « Ce qui convient à la main c’est le flingue, la bouteille et la queue (…) Je finirai par me branler avec ce flingue. Du bout des doigts elle branle le canon, caresse le métal comme pour le faire durcir et se tendre, qu’il se décharge dans sa bouche comme du foutre de plomb. » (photo ci-contre extraite du film « Baise-moi »)
Ou se moque d’Alina Reyes qui écrivait : « Ca tire et pousse entre mes cuisses, mon clitoris puisse t’il pousser lisse comme un serpent rapide entre mes doigts, glisse, clitopéris, endure, verge dure, la pure épice de ma paume qui suce mon phallus. »

Un article des Inrocks louait cet essai qui selon l’auteur de l’article, a le mérite de nous rappeler que « le corps ne doit pas être une histoire de bonnes femmes mais une question politique ». Et l’auteur de cet article dythirambique s’appelle… Joy Sorman. Tout s’éclaire ! Certes ce n’est pas toujours du Georges Bataille, mais ces auteures ont le mérite de dédramatiser certaines situations et de mettre en scène leur désir même si ce n’est pas toujours « politiquement correct » !

Outre les textes des romancières, elles ont également étudié les injonctions de la presse féminine.
Un domaine que connait sur le bout des doigts (sans mauvais jeu de mot) Anne Steiger, ex « Madame sexo » de la presse féminine de Cosmo à Marie Claire en passant par quelques incursions dans la presse de charme (FHM, Newlook…). Cette trentenaire, journaliste indépendante a épuisé sa plume sur tous les sujets salaces dont la presse féminine est friande.

Avec le regard désabusé de celle revenue de tout, elle conte, dans son ouvrage « La vie sexuelle des magazines », par le menu ses mésaventures, souvent cocasses, pour rédiger des articles tels que « J’apprends le sexe en cours du soir » où elle a dû « se goûter » afin d’accepter les cunis de son partenaire ou « Quel phallus choisir ? » avec casting de pénis à la clé…

Elle « révèle » (même si ce n’est pas un scoop) surtout le système infernal sur lequel tourne la presse : la création de tendances (souvent de toutes pièces). Ce qui appliqué au domaine sexuel relève du challenge car comme elle le note : « Sexuellement, l’humanité n’a pas beaucoup innové depuis la rédaction du Kama-Sutra »…

Nombre de ses anedotes font sourire comme celle où le rédac chef de Newlook l’appelle en catastrophe pour lui commander « 3 feuillets sur un show érotique à Barcelone ». Et voilà notre journaliste qui doit s’immerger dans cette atmosphère torride depuis son appartement du 18e arrondissement où elle grelotte et faire « comme si elle y était » ou encore dégotter « un mec qui s’excite sur une paire de souliers » pour sa rubrique « Fantasmes » ou plus trash une fan de burkkabe (douche de sperme)… Ce faisant, elle témoigne aussi sur sa condition d’intellectuelle précaire qui « a besoin de manger ».

Pour certains, cela se lit comme un bon roman de chick lit façon « Le diable s’habille en Prada ». Souhaitons lui autant de ventes car elle risque de ne plus travailler beaucoup auprès de ses anciens patrons après cette trahison en régle des dessous et petits bidonnages des rubriques « sexo »…

Procurez vous : A leur corps défendant : Les femmes à l’épreuve du nouvel ordre moral
et La vie sexuelle des magazines : Comment la presse manipule notre libido et celle des ados
A lire aussi : La sexualité des femmes n’est pas celle des magazines

3 Commentaires

    • lizzie sur 6 juillet 2006 à 9 h 25 min
    • Répondre

    j’ai trouvé la fin pathétique, pas vraiment crédible.

  1. Liziz, de quel livre parles-lu : A leur corps défendant ou La vie sexuelle des magazines ?

    • lolitta pill sur 30 novembre 2006 à 12 h 05 min
    • Répondre

    Virginie Despentes est donc « Anodine et pathétique, comme interdite de pensée »

    « Ce que les femmes ont traversé, c’est non seulement l’histoire des hommes, comme les hommes, mais encore leur oppression spécifique. D’une violence inouïe. D’ou cette proposition simple : allez tous vous faire enculer, avec votre condescendance à notre endroit, vos singeries de force garantie par le collectif de protection ponctuelle ou vos manipulations de victimes, pour qui l’émancipation féminine serait difficile à supporter. Ce qui est difficile, c’est encore d’être une femme, et d’endurer toutes vos conneries. » Virginie Despentes

    La guerre sexuelle n’aura pas lieu
    Par Patric Kéchichian

    Art Press Décembre 2006

    « Il y a dans ces lignes, et dans d’autres pages du livre, une tentative pour ranimer un féminisme agressif et inconsistant, privé de toute capacité de recul, de réflexion et d’ironie sur soi. C’est comme si la violence du propos cherchait à faire exister l’objet sur lequel elle avait choisi de s’acharner : ce « vous » collectif qui désigne une entité masculine abstraite exclusivement identifiée à son sexe. Et par ce mot, il faut moins entendre l désignation d’un genre que celle d’un organe – alors même que Lacan disait bien que les hommes, pas plus que les femmes, ne possèdent de phallus. Anodine et pathétique, comme interdite de pensée, cette brutalité verbale incarne-t-elle ce « nouveau féminisme » dont l’éditeur nous promettait le manifeste. » Patric Kéchichian in Art Press 329

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