Les « mecs », ces rivaux insupportables (extrait d’Anissa Corto de Yann Moix)

Voici un petit extrait tragicomique du superbe troisième roman de Yann Moix, Anissa Corto: le portrait poignant d’un trentenaire victime de ses obsessions amoureuses et du monde de souvenirs et d’illusions dans lequel il s’enferme. Au cours d’un des chapitres laissant libre cours à ses monologues et pensées, il livre sa vision des « mecs » alors qu’il craint qu’Anissa Corto, la femme qu’il convoite en secret, soit pourvue de l’un des représentants de cette « caste » qui lui sont si douloureux. Un moment savoureux d’humour noir et caustique dans ce roman tragique (à noter qu’il reprend cette diatribe dans son 4e roman « Podium ») :

« Je ne vécus bientôt que dans la seule obsession de savoir si elle avait ce qu’on nomme trivialement un mec et qui fait beaucoup souffrir les névropathes comme moi. Un mec. C’est qu’il faut voir les conséquences de ce mot mec dans un esprit que la jalousie, en un tour de main, peut pousser aux décisions les plus extrêmes.
La sonorité même poussait au crime: mec. « Mon mec« , « j’ai un mec« , « je crois qu’elle a un mec« , « c’est son mec« , « je l’ai vue: elle était avec son mec« . C’était sur ce mot-là que, plusieurs fois, j’avais senti la nécessité de sauter du haut d’un pont, ou d’accoler sur ma tempe en sueur le métal froid d’un pistolet. Toutes les filles de la terre avaient un mec. On ne savait jamais comment elles l’avaient rencontré, si bien qu’on avait le sentiment qu’elles étaient nées aux côtés de leur mec, qu’elles le connaissaient depuis toujours, qu’il avait toujours été là, comme la neige, l’automne, la pluie et le soleil.
Je voulais savoir si Anissa Corto avait le sien – ce n’était qu’une curiosité théorique : il était évident qu’elle était nantie d’un représentant de cette caste sordide et mécanique qui fait les suicidés, les aigris et les criminels. (…) Dans la perpétuelle recherche d’un amour heureux, il y a toujours le pied d’un mec dans l’encoignure de la porte. Nous avons presque séduit Véronique, Laëtitia et Raïssa, mais Véronique, Laëtitia et Raïssa promènent dans leur petit bagage en forme de coeur gros comme ça un être humain constitué de testicules, de poils sur sa poitrine et de jeunes bourrelets dénonçant la trentaine : le mec.

> Lire la chronique d’Anissa Corto de Yann Moix

A lire aussi:
– la critique de : « Jubilations vers le ciel » de Yann Moix.
– la critique de « Les cimetières sont des champs de fleurs » de Yann Moix.
– la critique d’ « Anissa Corto » de Yann Moix.

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