Michel Houellebecq, star (mystère) de la rentrée littéraire ? (mise à jour: parution de « Ennemis publics, Correspondance de Michel Houellebecq et de Bernard-Henri Lévy »)

L’auteur de « La possibilité d’une île » fait l’objet de deux interviews fleuve dans les magazines GQ (où il est interviewé par Frédéric Beigbeder qui compte parmi ses fidèles soutiens et ami) et Technikart. Pourtant l’écrivain qui réside toujours en Irlande n’a – a priori- aucune actualité littéraire mais une ciné (l’adaptation de son livre « La possibilité d’une île » sort sur grand écran en octobre prochain.). Au premier, il s’exprime de façon plus large sur de nombreux sujets et n’hésite pas à reconnaître un certain reniement de certaines de ses « valeurs de jeunesse » (anti-libéralisme), au deuxième il revient sur toute l’aventure de la réalisation de son film et de l’accueil médiocre qui en a été fait. Autre occasion de faire encore parler de lui : l’adaptation, musicale cette fois, de son poème « La possibilité d’une île » par Carla Bruni (en écoute ci-dessous). En filigrane, court également une mystérieuse rumeur sur la possibilité d’un roman (confirmée entre les lignes à Technikart) à paraître chez Flammarion sous peu (mise à jour : parution le 8 octobre de « Ennemis publics, Correspondance de Michel Houellebecq et de Bernard-Henri Lévy »)… Notre Michel national serait-il la vraie star de la rentrée littéraire ?

Extraits choisis de l’interview de Michel Houellebecq donnée au magazine GQ, sept. 2008 :
Interrogé par Frédéric Beigbeder sur son expatriation en Irlande, l’écrivain a reconnu, sans langue de bois, être parti pour raison fiscale et évoque sa « droitisation » (renforcée par l’adaptation de ses textes par la première dame de France !) bien loin de ses premiers textes intitulés « Dernier rampart contre le libéralisme » ou encore « Je suis en système libéral comme un loup dans un terrain vague/ Je m’adapte relativement mal. » Frédéric Beigbeder lui demande alors s’il ne s’agit pas d’une grande trahison de ses idéaux de jeunesse, ce à quoi il répond en riant « Si total ! » Avant d’expliquer : « Il faut d’adapter aux mouvements de l’histoire. Ce qui apparaît de manière évidente, c’est que le capitalisme a gagné. Moi, j’ai toujours été conservateur. J’ai toujours été hostile aux changements, quels qu’ils soient.
(…) En gros un pessimiste conservateur comme moi n’essaie pas de maximiser les gains mais de minimiser les pertes. Je suis totalement comme ça. Par exemple en 1789, j’aurais été contre la Révolution, trop de complications ! En 1990, en Russie, j’aurais été pour le communisme parce qu’autant rester comme on est, c’est plus simple. Maintenant je constate que le capitalisme a gagné donc je suis pour le capitalisme. ce qui est important ce sont les histoires de vie personnelle, de sexualité, les choses comme ça. La politique c’est pas très important. » (…) Je n’ai jamais voulu changer le monde. S’il y a un type exempt de tout engagement gauchiste dans sa jeunesse c’est bien moi. Même Dantec est plus suspect que moi de ce point de vue là. »

FB lui rappelle également qu’à un moment il avait voulu écrire sur les Etats-Unis… Ce à quoi MH répond : « Vivre en Irlande ôte l’envie d’aller en Amérique. On se dit qu’on connaît déjà. Je m’intéressais à l’Amérique parce que c’est le rois du monde. »

Michel Houellebecq se prête ensuite au jeu de Frédéric Beigbeder consistant à reconnaître le titre du livre dont sont extraites quelques phrases mythiques choisies. Il lui cite notamment l’aphorisme : « N’ayez pas peur du bonheur, il n’existe pas. » qui serait très souvent repris par les jeunes sur Myspace (et que la chanteuse Berry a aussi réutilisé dans sa chanson « Le bonheur »), extraite de son recueil de poèmes « Rester vivant ». F.B commente : « C’est ton Staying alive des Bee gees Rester vivant… »
– « Oui. En étant vieux comme je suis, un avantage c’est qu’on a plus à faire son mec modeste comme un con. C’était une super bonne phrase. Tu peux la mettre sur des t-shirts partout. Ca déchire définitif. » ajoute MH.

FB lui confie ensuite une de ses propres phrases préférées car elle résume son style selon lui : « L’éternité de l’enfance est une éternité brève, mais il ne le sait pas encore, le paysage défile. » (extraite des Particules élémentaires).
MH commente : « Ca devient difficile de savoir pourquoi on est aussi content d’un truc. J’ai réussi un espèce d’effet. La beauté du truc réside dans le fait que « défile » est dans une position fixe d’éternité et en même temps dans le défilement possible d’un état perpétuel.
A ce petit palmarès, FB aurait pu rajouter cette autre phrase culte : « Tout peut arriver dans la vie, et surtout rien. » La liste est longue de toute façon… N’oublions pas que Michel Houellebecq est l’un des auteurs français les plus repris et cités dans d’autres ouvrages.

A noter dans Technikart, son insatisfaction sur « Plateforme » où il regrette d’avoir abusé du sujet sexuel au détriment de l’analyse économique du tourisme alors qu’il se montre plutôt content de « La possibilité d’une île », plus abouti selon lui.

Courant août est sorti le fameux album de Carla Bruni (« Comme si de rien n’était ») contenant entre autre son adaptation musicale du poème « La possibilité d’une île » (poème envoyé avant son suicide par Daniel 1 à Esther, la femme qu’il aime et qui lui échappe dans le roman éponyme). Et c’est un plaisir de découvrir les vers de ce poème particulièrement poignants :
« Ma vie, ma vie, ma très ancienne
Mon premier voeu mal refermé
Mon premier amour infirmé,
Il a fallu que tu reviennes
 »

Carla Bruni a choisi d’en livrer un slow langoureux électro-jazz qui peut rappeler les mélodies planantes du groupe Air ou encore celle d’Ed Harcourt.
Une version vraiment réussie qui restitue bien l’intensité et le sensibilité de ce poème. Même Michel Houellebecq, pourtant réputé exigeant, approuve :
 » (…) C’est surtout le premier vers, je me souviens, qui l’impressionnait : « Ma vie, ma vie, ma très ancienne…»
Je sais bien que je suis l’auteur, mais en poésie on a toujours un peu moins l’impression de l’être – il ne m’a jamais paru invraisemblable que deux personnes, à deux moments différents de l’Histoire, écrivent par hasard le même poème. On se sent plutôt comme le découvreur (en termes juridiques, l’« inventeur » ) d’un trésor. Ou comme ces explorateurs qui, après plusieurs semaines de marche dans la jungle, tombent sur les ruines d’une cité disparue.
la chanson était presque finie. J’étais content. C’est un slow, un slow-rock plutôt. Des gens, je le sais, vont s’aimer sur cette chanson, des gens plus jeunes qu’elle et que moi. C’est un sentiment ambigu, un peu poignant, agréable finalement
. » a-t-il déclaré à son sujet.


Découvrez Carla Bruni!

Enfin last but not least, un bruit court sur la publication imminente d’un prochain ouvrage de l’auteur (tiré à 150000 exemplaires à parution) chez Flammarion qui aurait été écrit après le tournage de son film. Térésa Cremisi, présidente du groupe a annoncé « un livre à deux voix ». A paraître, le 8 octobre, il est confirmé désormais et se présente sous la forme d’une correspondance avec Bernard-Henri Lévy intitulée : Ennemis publics, Correspondance de Michel Houellebecq et de Bernard-Henri Lévy. Ils y parlent de la littérature, de l’intime, de l’humour, de leurs parents, de l’amour, de leur réputation. Michel Houellebecq y rend hommage à Blaise Pascal. Ils évoquent aussi ceux qu’ils aiment et ceux qu’ils n’aiment pas, a indiqué le JDD. En attendant il est le héros involontaire (et pas très glorieux) du dernier roman « Arkansas » de Pierre Mérot (basse vengeance ?)…

A lire aussi : Ecrivains-réalisateurs : Les écrivains sont-ils les mieux placés pour adapter leur roman (de Houellebecq à Yann Moix…) ?

5 Commentaires

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    • folantin sur 3 septembre 2008 à 22 h 04 min
    • Répondre

    Le houellebecq de la rentrée : "De la rupture tranquille…"

    (désolé)

  1. Le vrai-faux texte de Houellebecq dans le nouvel Obs était pas mal

  2. (good slogan !)Oui je crois qu’il va falloir offrir "De la rupture" à Michel, ça s’impose !

    Joest, quel est donc ce vrai-faux texte, j’ai pas vu passer… ?

    Que pensez-vous sinon de l’adaptation musicale de Carla Bruni ? je serai curieuse d’avoir vos avis (négatifs j’imagine bien !)

    • folantin sur 4 septembre 2008 à 13 h 05 min
    • Répondre

    au contraire c’est très bien, top raccord avec son personnage de vieux comique en fin de parcours. Ce type a un sens inné de son image ; une manière d’aller toujours au devant du ridicule, de l’humiliation, qui lui permet de toujours passer au travers (au moins médiatiquement parlant).

    sinon dans la série des télescopages quantiques, je viens de cracher ma salade en découvrant la missive enflamée d’une de ses groupies :

    forum.technikart.com/view…

    (je précise que c’est pas un fake à moi – et réciproquement – même si parfois j’ai des doutes)

    Réponse : Toujours délicat l’exercice de l’interview. Comme je le dis souvent, il vaudrait mieux que les écrivains gardent leurs opinions politiques pour eux… Bizarre sinon ce lien sur le forum de Technikart, j’ai pas tout compris… Alexandra/Buzz littéraire

  3. Le pastiche de Houellebecq dans le Nouvel Obs:
    didier-jacob.blogs.nouvel…

    Réponse : Merci de ce lien ! Alexandra/Buzz littéraire

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