Cormac McCarthy et Dostoïevski vus par Jérôme Attal

Dans son (toujours aussi) passionnant journal en ligne, l’écrivain et musicien Jérôme Attal (qui vient de publier « Le garçon qui dessinait des soleils noirs » aux éditions Stéphane Million) confie ses impressions de lecture sur le dernier roman apocalyptique, « La route », du géant des lettres américaines, Cormac McCarthy, prix Pulitzer 2007 et acclamé de toute part. Il tisse un parallèle avec la situation actuelle au Congo et Dostoïevski :

« La route – poignant, pur, brutal, droit au cœur – coïncide avec les reportages sur la guerre au Congo, qu’on voit dans le deuxième quart d’heure des actualités. Ces femmes prises en guerre sauvage et dans la barbarie ; ces rescapées des forêts qui racontent avoir été des « otages sexuelles », livrées sans merci aux barbares, semblent sortir de la fiction post-apocalyptique imaginée par Cormac McCarthy. C’est là, de tout temps, la barbarie ; demain, hier, et au Congo aujourd’hui. Bien chevillée à l’homme. Il y a ce problème, toujours, de la conscience. C’est quelque chose qui a tourmenté Dostoïevski dans ses romans par exemple, et dont se préoccupe aujourd’hui Cormac McCarthy : Pourquoi y a-t-il des êtres qui ont une conscience, une intelligence humaine et morale, un sens de la limite, de la douceur et de la bonté, et d’autres non. Des hordes d’individus qui vivent dans l’insouciance de leurs atteintes et de leurs crimes ? Qui se vautrent, sans être en mesure de se juger d’abord eux-mêmes ? Je pense que vis-à-vis de ces questions, Dostoïveski est fondamentalement pessimiste ; contre les brutes et les escrocs, il se réfugie dans deux illusions qui sont celles de l’angélisme et du romanesque. »

Billet complet à lire ici : http://pagesperso-orange.fr/jerome.attal/18.11.08.html

4 Commentaires

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  1. "Pourquoi y a-t-il des êtres qui ont une conscience, une intelligence humaine et morale, un sens de la limite, de la douceur et de la bonté, et d’autres non. ". Bon on va dire que je radote mais si je puis me permettre, c’est une dichotomie simpliste de petit bourgeois (on est pas loin des bons et des méchants)… et qui ne fait vraiment pas honneur à la grande intelligence de Dostoievski (l’Europe produira t-il jamais un écrivain aussi fabuleux que celui-ci ?)

    Sinon concernant la situation au Congo – et cette sale guerre, la plus meurtrière que l’Afrique ait jamais connue – il faudrait voir beaucoup plus loin que l’analyse psychologique des acteurs… Il faut remonter bien plus haut : au politique, au pouvoir, à l’échec de la décolonisation, pour comprendre le drame congolais et par extension tout le drame africain… Ce n’est pas une question de manque d’intelligence humaine chez ces meurtriers. D’ailleurs leur barbarie n’est jamais une fin en soit, mais une méthode féroce pour gagner cette guerre… On a tous des facultés, tous une sensibilité. La question n’est pas là. On peut tout faire faire à un homme (on l’a vu avec les Nazis, la traite negriere et la colonisation europeenne,etc) , alors la question qui se pose est la suivante : comment et pourquoi le Pouvoir conditionne t-il ses sujets à realiser les pires choses, et les sacrifie t-il, au nom d’enjeux stratégiques, qui souvent même le dépassent ? en tous cas, pour ce qui est des elites africaines…

    Voilà, c’est pas pour politiser ce blog strictement littéraire, mais la situation congolaise est matière à réflexion sans que nous en tirions pour autant des conclusions hautaines qui ne font que nous grandir humainement, dans nos beaux logis…

  2. "l’Europe produira t-il jamais" produira t-elle…

  3. Ok merci, les auteurs sont toujours aussi bien defendus à ce que je vois lol.

    Je vais mettre American Darling dans ma liste de bouquins à lire. Ainsi que le roman de McCarthy, puisque tout le monde en parle..

  4. Ah une africaine qui écrit sur l’Afrique, voilà qqch d’intéressant. En plus , j’ai besoin d’un bon cours sur ce que fut la guerre du Biafra. Merci !

    Et à mon tour, si je peux conseiller un livre africain , à lire, mon roman préféré : Aventure Ambigue de Cheikh Amidou Kane. Court. Et vraiment splendide. C’est sur le déchirant "dilemme" africain moderne : "Si je leur dis d’aller à l’école nouvelle (…) ce qu’ils apprendront vaut-il ce qu’ils oublieront ?" … c’est très philosophique, mais sans certitudes, d’où l’ambiguité (plutôt un roman sur le Questionnement), mais très visionnaire en même temps, et la prose est magnifique, d’une grande poésie.
    c’est disons… l’anti senghor… pour mon plus grand plaisir 😉
    A part lui, en littérature ouest africaine (c’est ma region dc je suis experte lol), on a d’autres génies, mais avant faudrait déjà lire le diasporien par excellence : Césaire, le sublime Césaire, le divin Césaire !
    (Et tout ça est mieux que Beigbeder evidemment : de VRAIS écrivains quoi :D)

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