VAMPIRES & LITTERATURE / La Bit lit’ : renouveau du genre littéraire des vampires ?

Après la chick lit’ (littérature de filles axée notamment sur le shopping et la romance), voici que l’on entend un peu partout l’expression de « bit-lit », un nouveau genre littéraire né de la contraction entre cette première et « bit », le prétérit de « bite », « mordre » en anglais. En résumé, la bit-lit correspondrait donc à une littérature mettant en scène de jeunes et belles héroïnes en prise avec des créatures qui mordent comme les vampires ou les loups-garous. Particularité : elles évoluent dans un quotidien réalité, mâtiné par intermittence de touches de fantastique (combat avec des vampires, etc). C’est le contraste de cette double-vie qui fait tout le succès de ces romans dont la série TV « Buffy contre les vampires » serait le précurseur. Ce genre est assimilé à de la fantasy urbaine (« urban Fantasy »).

Récemment, Stephenie Meyer qui apparaît désormais comme une sorte de reine de la bit lit’, remporte un succès phénoménal avec sa saga de vampires (rebaptisée entre temps, la « Saga du désir interdit ») made in Highschool dont le premier tome « Fascination » a été adapté récemment au cinéma (« Twilight », également titre original du roman). Stephenie Meyer illustre en effet parfaitement tous ses ingrédients : le cadre de l’intrigue est un lycée des plus normaux avec son bal de promo, les petites rivalités entre jeunes ou encore les contraintes parentales mais en parallèle l’héroïne tombera amoureuse d’un vampire et vivra, par son biais, quelques aventures surnaturelles.

Dans son sillage, de nombreux romans fleurissent aux éditions Bragelone (en particulier avec la série « Morsure » de Kelley Armstrong), Milady, la collection Wiz d’Albin Michel Jeunesse, Fleuve Noir ou encore la collection « Black Moon » d’Hachette (un site spécial sous forme de webzine « Lecture Academy, a été créé pour toucher et fidéliser les jeunes lecteurs/ices), visant avant tout un lectorat adolescent, même si de nombreux jeunes adultes (20-30 ans) en sont aussi adeptes. La Fnac a même créé une sous-rubrique Bit lit’ afin de présenter ces nouvelles collections.
Parmi les derniers titres surfant sur cette mouvance, citons « Le journal d’un vampire » de L.J. Smith, nouvelle variation de Fascination en milieu highschool ou encore la saga « Les vampires de Manhattan », sorte de « Gossip girls » sanguinolent. Enfin, étonnant croisement entre « Le Diable s’habille en Prada » et le vampire, « La mode est au rouge sang » de Valerie Stivers invente le vampire des rédactions de mode !
Les éditions Fleuve noir s’apprêtent à sortir en mai une nouvelle série en 3 tomes, dans la même veine : « Vamp’ n’ love » qui retrace les mésaventures d’une agence matrimoniale pour vampires, humains et garous esseulés

Bref l’imagination ne manque pas. Même si les fans de vampires crient au blasphème face à ces nouveaux avatars de vampires à l’eau de rose. Plus sexy voire romantiques que monstrueux, ils mordillent à l’occasion mais préfèrent surtout parler d’amour dans une jolie clairière ensoleillée…
Au fil des années, le vampire prédateur qui nous terrorisait à la nuit tombée, s’est progressivement mu en une créature élégante, raffinée au grand pouvoir de séduction, comme l’a introduit Anne Rice (avec sa saga débutée avec le célèbre « Entretien avec un vampire »).
Poppy Z Brite, a creusé également ce sillon avec des vampires sulfureux. Les scènes de meurtre sont d’ailleurs écrites chez ces deux auteurs comme des scènes d’amour.
La notion de « mal » a ainsi tendance à disparaître au fur et à mesure que le vampire s’humanise et tente de réfréner ses pulsions comme dans « Fascination » où les vampires sont « végétariens » (ils se nourrissent de sang des animaux). C’était déjà le cas chez Anne Rice où le narrateur, Louis, répugnait à tuer des mortels et en éprouvait une culpabilité maladive (contrairement à son mentor, Lestat), tandis que chez Poppy Z Brite, ils raffolent aussi des gâteaux au chocolat et cultivent leur âme d’enfant !
Chez ces deux auteurs, le vampire est aussi avant tout une figure métaphorique, servie par des styles très sensoriels, voire sensuels, notamment par les descriptions très détaillées des atmosphères.
L’analyse psychologique tient aussi une grande place.
Dans une interview accordée au site Maisonhantée.com en 2001, Jean Marigny, professeur d’anglais et spécialiste de la mythologie du vampire analysait en ces termes la fascination éternelle pour le vampire :« La littérature vampirique a tour à tour reflété le courant xénophobe de l’avant-guerre (peur des Allemands et des Russes), l’anticommunisme de la Guerre froide, puis plus récemment, le rejet de la société de consommation et des valeurs traditionnelles, la peur du Sida, de la drogue, de la violence urbaine, de la pollution industrielle, etc (…) Le vampire représente à la fois symboliquement la peur de la mort et le désir d’immortalité, la sexualité libérée et la peur du Sida, la domination d’autrui et la libération totale par rapport aux règles existantes. Il incarne donc toutes nos contradictions et c’est à ce titre qu’il nous fascine. »

Bref la « bit lit' » serait peut-être l’ère du vampire sensible ou…aseptisé ?

LE DOSSIER :
Les Précurseurs :
« Ames perdues » de Poppy Z. BRITE : Sang et stupre au lycée…

« Entretien avec un vampire » d’Anne Rice : La volupté du sang

Décryptage du phénomène « Fascination » de Stephenie Meyer :
Pourquoi Stephenie Meyer fascine-t-elle ?

Interview d’Adrien Party, fondateur du blog « Vampirisme.com » :
Le vampire en littérature, de Dracula à Stephenie Meyer…

4 Commentaires

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  1. A mon avis, il faut trouver un autre nom, car "bit’lit", ça risque de faire beaucoup de lecteurs(rices) déçus(es)!

  2. J’ai bêtement la réponse à ma question, en lisant ton article…

    Une utilisation des vampires, un peu différente encore, avec les Fils des ténèbres, de Dan Simmons ( si je me rappelle bien !)
    fr.wikipedia.org/wiki/Les…

    Oui, des vampires glamour en fait, un peu moins dandy encore ; bien à l’image de notre temps, non ?

    Des vampires qui ne sont que des copies du Vampire, une image-miroir, sans doute encore plus fascinante, un peu régressive… Ou, simplement : "ado". Et "ado" au sens large… (pas les 12-17 ans)

  3. Télérama lui consacre son dossier, cette semaine :
    http://www.telerama.fr/livre/twi...

    • Julien SORGUE sur 10 mars 2011 à 9 h 27 min
    • Répondre

    À lire en plein jour, avant que ne tombe la nuit, ce livre-vampire, hallucinant…:
    François DOMINIQUE
    "ROMULPHE"
    Le Mercure de France

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