« Ce n’est qu’en écrivant que l’on va apprendre quel écrivain on est » (Philip Roth)

Considéré comme l’un des « géants de la littérature américaine », même si certains crient à la déception depuis « La tâche », Philip Roth qui vient de publier son 30e roman, « Le rabaissement », analyse son parcours d’écrivain prolifique marqué par la série des « Nathan Zuckerman » et notamment son obsession de la sexualité (et de son déclin) ou encore sa passion des « scènes d’expertise professionnelle » ; il livre même un (non-)conseil aux écrivains débutants en passant… :

A propos de l’écriture des scènes de sexe, l’auteur confie : « Elles restent difficiles car il ne faut pas qu’elles soient vulgaires mais pas non plus trop tendres ni trop belles. Au début, j’étais très circonspect : dans mes deux premiers livres, par exemple, « Goodbye, Colombus » (1959) et « Laisser courir » (1962), les scènes de sexe se déroulaient dans le noir. Avec le temps, je me suis laissé davantage de liberté, notamment dans « Portnoy et son complexe » (1969) car le livre se situe chez un psychanalyste, là où l’on ne censure pas son langage, où l’on ne s’embarrasse pas de la honte. Cela m’a donné la liberté d’être obscène, graphique dans mes descriptions. Je n’ai pas recommencé par la suite, sauf pour le Théâtre de Sabbath car ce livre m’en a donné la permission – encore une fois, ce n’est pas moi qui m’autorise, mais le sujet ou le personnage du livre qui légitime telle ou telle méthode. »

Parmi les scènes qu’il aime particulièrement écrire, il cite étonnamment les « scènes auxquelles personne ne fait attention. Comme dans « J’ai épousé un communiste » (1998) quand mon personnage va voir un taxidermiste. J’ai adoré en interroger un pour mon livre. En fait voilà : j’adore écrire les scènes d’expertise professionnelle. Dans « Indignation » (2008), le fils d’un boucher raconte à une fille la façon dont on livre la viande… Je crois que les gens passent beaucoup de temps à penser à des questions aussi quotidiennes. Dans « Un homme » (2006), le père a une bijouterie. J’ai adoré aller dans une bijouterie, prétendant que je voulais acheter une bague de fiançaille pour ma girlfriend. »
(la même passion du détail se retrouvait dans son livre phare « La pastorale américaine » dans l’univers de la ganterie)

Et pour tout conseil à un écrivain débutant, il livre un décourageant et provocateur : « Arrêtez d’écrire » !
Il se souvient aussi de ses propres débuts : « Ce n’est qu’en écrivant que l’on va apprendre quel écrivain on est. Par exemple, je ne savais pas que je pouvais être drôle par écrit dans mes trois premiers livres. J’étais un jeune-homme sérieux qui voulait être un écrivain sérieux. Ce n’est qu’avec Portnoy et son complexe que j’ai su que je pouvais ouvrir mon champ d’écriture à la comédie. »
Source : Les Inrockuptibles, nov.2011

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