Agnès Martin-Lugand, auteur à succès ex auto-éditée, dévoile la méthode d’écriture de ses best-sellers : « Un regard extérieur est indispensable »

Agnès Martin-Lugand, auteur d’une kyrielle de best-sellers* depuis son succès de 2013 Les Gens heureux lisent et boivent du café, venue de l’auto-édition (Amazon Publishing) et récupérée par les éditions Michel Lafon, lève la voile sur la routine d’écriture de ses romans qui « font du bien » sur « les gens de tous les jours » selon sa prédilection revendiquée. La reine du « feel good » comme l’a baptisé la presse, ancienne psychologue, ne chôme pas et publie un livre par an, régulièrement en tête des ventes en France jusque de l’autre côté de l’Atlantique (plus de 2 millions d’exemplaires vendus à date).

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Basée à Rouen, cette mère de deux garçons aime se mettre à l’oeuvre au petit jour,vers 5h30 du matin, avant que la maisonnée ne s’éveille.
Premier geste de sa routine d’écriture (outre son duo café -qu’elle boit « brut, amer et corsé »-/cigarettes !) : relire ses écrits de la veille pour réactiver le moteur avant de plonger dans sa « bulle d’écriture ». Cette plongée dans son roman, sans transition ou parasitage, au saut du lit, lui permet de « faire corps immédiatement avec son histoire, sans temps d’adaptation« . Elle peut ensuite écrire une très grande partie de la journée, jusqu’au retour de ses enfants de l’école.

L’importance d’un regard critique extérieur sur son travail d’écriture

Lors de la phase d’écriture de son nouveau roman, elle aime cultiver le secret et n’en parle même pas à son éditrice, tout juste son mari qui est son premier lecteur.
Elle insiste d’ailleurs sur l’importance d’avoir un oeil extérieur capable de vous relire, sans langue de bois, et qui n’hésite pas à pointer ce qui ne va pas. « Il n’est pas tendre et c’est très bien comme ça. » apprécie-t-elle. A noter que l’auteur avait d’ailleurs fait appel aux services d’un conseiller littéraire pour ses deux premiers romans.

Son éditrice le découvre une fois totalement achevé. Un nouvel échange s’ensuit avec de nouvelles révision. Ici encore elle insiste sur les bienfaits de cet avis externe : « em>Elle appuie là où il faut, me pousse dans mes retranchements et je le retravaille. Ce regard extérieur est indispensable. »

Si on entend souvent qu’il faut avant tout « écrire pour soi » sans se préoccuper de son lectorat, ce n’est pas vraiment la vision de la romancière qui recherche et a besoin du jugement d’autrui malgré le challenge que cela peut représenter :
« Quand on sent qu’on doit s’épuiser en arguments pour justifier ce qu’on a fait, c’est qu’il y a une erreur quelque part… Ce n’est pas toujours facile de se dire : « J’efface dix pages et je recommence. » C’est très violent, c’est compliqué, mais c’est nécessaire. »

Une attention particulièrement forte portée aux réactions du lecteur qu’elle a sans doute héritée de son expérience de l’auto-publication où les auteurs ajustent et affinent souvent leur récit au fil des commentaires reçus sur les plateformes de publication en ligne.

Construire son histoire à travers ses personnages

Côté construction du récit, elle explique son cheminement créatif qui se fait en plusieurs phases : tout d’abord une réflexion où elle prend des notes dans un petit carnet. Elle cogite beaucoup en voiture notamment. L’accent est mis sur les personnages qu’elle s’applique à bien connaître : « leur vie, leurs goûts, leurs mots fétiches, leurs tics« .
Si elle ne prépare pas un plan détaillé complet de son intrigue, elle sait néanmoins à l’avance « où elle va » jusqu’au point final. Elle peut aussi préparer une trame avec un certain nombre de scènes (surtout pour ses premiers romans). Toutefois l’itinéraire exact pour parvenir du début à la fin lui reste à découvrir au fil de l’écriture en « faisant fusion avec son personnage principal« , une identification qui lui est fondamentale. L’écriture du roman lui vient ainsi en se fondant totalement dans sa peau, en ressentant ce qu’il ou elle vit : « Il faut que j’aie la boule au ventre. Je pleure, je ris en écrivant, je peux avoir des nausées. Il y a un côté schizophrénique. J’écris à la première personne du singulier et je m’efface. »
Avec l’expérience, elle aime aussi de plus en plus à se laisser porter et surprendre en particulier par les personnages secondaires.

L’inspiration de ses livres lui vient aujourd’hui ainsi prioritairement de ses personnages qui l’amènent ensuite vers l’histoire. Elle se demande avec qui elle a « envie de passer du temps pendant un an« . Elle cite l’exemple de son roman J’ai toujours cette musique dans la tête où c’est d’abord le couple de Yanis et Véra qui lui est apparu avant qu’elle ne songe à ce qu’elle souhaitait leur faire vivre.
Auparavant, elle avait tendance à faire l’inverse en se basant sur une question générale (la réaction face au deuil, changement de carrière professionnelle,rapport au travail, à la famille, aux enfants, à l’amour…) puis à créer les personnages dans un deuxième temps.
Apparemment les deux méthodes lui sont fructueuses !

Ecrire des dialogues qui sonnent juste

Les dialogues sont omniprésents dans ses pages. Son secret pour les réussir est de s’imaginer avoir la conversation en face-à-face avec quelqu’un.
Pour cela, elle favorise le « sans filtre » pour coller au plus près de la réalité, de ce qui pourrait arriver à tout un chacun.
Elle ne cherche ainsi « pas à faire des figures de style » comme elle le revendique, quitte à ce que quelques vulgarités surgissent, « comme dans la vraie vie« .

Planter le décor dans un lieu familier

Agnès Martin Lugan privilégie les endroits qu’elle connaissait. Un choix guidé par son besoin de connaître son atmosphère sensorielle : « l’avoir senti, respiré, entendu, y avoir eu chaud ou froid« . Par exemple pour son roman, Les Gens heureux lisent et boivent du café, elle est partie en Irlande afin de s’assurer que la destination où elle avait expédié son personnage de Diane correspondait bien à ce qu’elle imaginait.

Enquêter pour son roman

La documentation n’est pas systématique et dépend du contexte de son roman. Elle donne notamment l’exemple de son roman « A la lumière du petit matin » où elle a discuté avec une professeure de danse, un médecin du sport et une danseuse pour vérifier ce qu’elle avait imaginé du rapport au corps. Néanmoins, elle ne se livre pas une investigation approfondie « pour ne pas s’enfermer et pouvoir se projeter dans son personnage« .

Panne d’inspiration et Musique

Ses astuces en cas de panne d’inspiration ? Reprendre son roman en cours et le relire depuis le début. Une méthode pas imparable et parfois il lui faut plusieurs jours avant de pouvoir avancer de nouveau ! Un autre de ses conseils est « d’écrire les histoires qu’on a envie de défendre » et « être à fond ». Même si c’est parfois douloureux, il faut s’assurer de conserver le plaisir dans l’écriture.
La musique occupe aussi une grande place dans ses habitudes d’écriture en stimulant son imaginaire. « Sans le bon morceau, je suis capable de cafouiller pendant des heures. Lorsque j’écrivais Entre mes mains le bonheur se faufile, je butais sur une scène. C’est un morceau de Gotan project, « Epoca », qui m’a sauvée : la scène a été réglée en deux heures. » Elle rassemble d’ailleurs une « bande originale » pour chacun de ses ouvrages (disponible à l’écoute sur son site) : « Chaque scène d’un roman a son morceau qui lui est dédié. » Et pour cela elle recourt au site Spotify ainsi que sa fonction « Découvertes de la semaine » qui tombent tous les lundis où elle déniche parfois des pépites.

Pour finir, un mot sur l’art de choisir les titres particulièrement accrocheurs et singuliers de ses romans qui ne manquent pas de retenir l’attention (non sans rappeler ceux de Françoise Sagan tout aussi percutants) : l’auteur confie qu’elle ne les trouve qu’en cours d’écriture ou à la fin, mais jamais au début. Elle aime recourir à une phrase un peu longue pour leur aptitude à « déjà raconter une histoire » et à inviter le lecteur à « s’inventer quelque chose à partir d’elle« .
En complément, on pourra aussi citer Françoise Giroud qui disait que « Placer un verbe dans un titre le renforce. Et c’est encore mieux si ce verbe est au présent ou au futur« .

Romans favoris d’Agnès Martin-Lugand :
– Orgueil et préjugés de Jane Austen,
– La plupart des livres d’Alexandre Jardin : Le petit sauvage, Fanfan, Bille en tête, Le zubial, etc…,
– Les Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin,
– Moi, Charlotte Simmons de Tom Wolfe
– les Contes de Grimm, livre d’enfance

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Sources : extraits interview 20 minutes (oct. 2018), Interviews-decalées.net, et site officiel de l’auteur
*Agnès Martin-Lugand est l’auteur de six romans : Les gens heureux lisent et boivent du café, Entre mes mains le bonheur se faufile, La vie est facile, ne t’inquiète pas, Désolée, je suis attendue, J’ai toujours cette musique dans la tête et À la lumière du petit matin, son dernier roman en date de mars 2018.

2 Commentaires

    • GRES Simone sur 11 septembre 2021 à 17 h 32 min
    • Répondre

    Je viens de découvrir Agnès MARTIN LUGAND . J’ai été conquise par ses romans. C’est tellement bien écrit, tellement vrai. C’est la vie. tout un chacun peut s’y retrouver. Je pense que l’on devient addict à ses romans. En ce qui me concerne j’en suis au 4eme. Il me tarde de commencer le suivant « les gens heureux lisent et boivent du café » . Le problème est qu’une fois terminé la lecture d’un livre je suis triste de laisser les personnages.
    Merci Agnès MARTIN LUGAND de nous permettre de nous évader et de vivre un moment avec les personnages.
    Merci
    Simone GRES

    • Perruchon armelle sur 22 août 2022 à 8 h 55 min
    • Répondre

    Merci pour votre dernier roman la déraison je l ai lu en 3 jours vraiment beau ils se retrouvent après plus de 20ans ils reprennent leur histoire la fin m a arraché les larmes Magnifique
    Je vais acheter la datcha j’ai lu tous les autres je suis une grande fan
    MERCI

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