Le magicien d’Oz (« The Wonderful Wizard of Oz ») de L. Frank Baum : derrière le conte, l’histoire de l’Amérique et de ses pionniers (2/2)

Deuxième partie de l’analyse du livre Le magicien d’Oz : les thèmes de la survie alimentaire, de l’auto-suffisance, de la subsistance, de l’escalvage, de la civilisation, la dichotomie du bien et du mal, le pouvoir de l’illusion, l’humour de Baum, etc.

Parmi les thèmes majeurs du roman, on trouve celui de la survie alimentaire omniprésent. Bien avant « The Hunger Games » de Suzanne Collins (qui s’inscrit finalement dans la même lignée), Dorothy doit affronter et faire face à la faim, préoccupation qui surgit dés ses premiers sur le chemin de briques jaunes. Il faut faire durer la maigre ration de pain sauvée du placard de son ancienne maison et les quelques fruits cueillis sur le chemin. Et toujours régulièrement trouver des moyens de subsistance sur le chemin pour elle et Toto. Ce souci omniprésent nous revoie encore ici à l’histoire américaine des colons toute entière marquée par cette lutte pour l’auto-suffisance, la résistance et ne dépendre que d’eux-même, s’obstinant malgré les conditions hostiles à vouloir cultiver les terres tandis que les Indiens favorisaient la chasse comme moyen de survie.
Dans le même registre, les éloges sur les « champs bien cultivés » et les « bons fermiers » abondent : « She was surprised, as she walked along, to see how pretty the country was about her. There were neat fences at the sides of the road, painted a dainty blue color, and beyond them were fields of grain and vegetables in abundance. Evidently the Munchkins were good farmers and able to raise large crops. »
Il en est de même avec les vertus traditionnelles américaines valorisées par Baum comme le dur labeur, on l’a dit, mais aussi la modestie, la simplicité ou encore la détermination.

A son arrivée dans cette nouvelle contrée, Dorothy est considérée comme une sauveuse ayant mis fin à l’esclavage des Munchkins, tribu de lutins vivant à l’Est du territoire.
Le thème de l’esclavage est d’ailleurs très présent dans le conte, aussi bien dans le premier royaume qu’elle traverse que plus tard lorsqu’elle doit délivrer les « Winkies » esclaves eux aussi de la méchante sorcière de l’Ouest. On retrouve le symbole du fouet rappelant les plantations du Sud : « When they returned to the castle the Wicked Witch beat them well with a strap, and sent them back to their work (…). »

Le thème de la civilisation, à l’époque du « Manifest Destiny » et de la mise en réserve des « méchants » Indiens « sauvages » (soutenue par Baum, cf son éditorial très controversé en 1890 appelant au génocide indien dans son journal « The Aberdeen Saturday Pioneer » et qui spécifiait notamment : « The Whites, by law of conquest, by justice of civilisation, are masters of the American continent« ) est aussi évoqué lors du dialogue entre Dorothy et la bonne sorcière du Nord qui lui demande si le Kansas est un pays civilisé alors que la première s’étonnait de trouver encore des sorcières qu’elle pensait mortes depuis des années. Elle lui explique alors : « (…) the civilized countries I believe there are no witches left, nor wizards, nor sorceresses, nor magicians. But, you see, the Land of Oz has never been civilized, for we are cut off from all the rest of the world. Therefore we still have witches and wizards amongst us. »
Cette référence aux sorcières encore « en activité » peut aussi faire écho à la chasse aux sorcières de Salem (Massachusetts) en 1692 par les puritains.

La dichotomie du bien et du mal versus l’ambivalence d’Oz
Si le conte reprend les codes traditionnelles de l’opposition diamétrale, bien et mal, à travers les 2 figures de sorcières bonnes et malfaisantes (« We dare not harm this little girl, » he said to them, « for she is protected by the Power of Good, and that is greater than the Power of Evil »), il s’aventure aussi vers plus de complexité avec le personage d’Oz.

Critique et analyse "Le magicien d'Oz" - www.buzz-litteraire.com
En effet, l’homme est ouvertement qualifié d’« humbug » (charlatan).
Il cherche aussi à profiter de la naiveté des héros en leur soutirant un service (« I never grant favors without some return, » ; « If you indeed desire a heart, you must earn it. ») en sachant qu’il ne pourra pas honorer sa parole et fait preuve de lâcheté.
En filigrane, on peut aussi percevoir l’influence des lumières (Hobbes) : être un peuple libre et éclairé, guidé par la connaissance et non soumis par la peur liée à l’obscurantisme. Lorsqu’Oz déclare : « [The people] thought I was a great Wizard. Of course I let them think so, because they were afraid of me, and promised to do anything I wished them to. « 

Parallèlement, il reconnaît sans ambages ses torts et mensonges et surtout considère qu’il a toujours fait le bien de son peuple qui lui est très attaché (« Oz was always our friend. »).
S’il s’est servi de la crédulité de son peuple c’est avant tout parce qu’ils l’ont pris eux-mêmes pour un magicien originellement (et ont donc alimenté cette méprise). A cette duplicité entre mal et bien, s’ajoute une forte dimension comique en particulier lorsqu’il dévoile ses tours de passe-passe ou trafique de la camelote pour combler les souhaits des personnages.
Les dialogues ne manquent pas non plus de piquant :
« I think you are a very bad man, » said Dorothy.
« Oh, no, my dear; I’m really a very good man, but I’m a very bad Wizard, I must admit. »

Difficile donc de « classer » ou « juger » ce surprenant Oz…, pour lequel on a in fine plus d’affection que de griefs!

A noter que le roman a périodiquement été banni par les chrétiens fondamentalistes pour sa promotion supposée de la sorcellerie, du laïsme, de l’égalité des sexes et des animaux parlants (!).

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De multiples interprétations…
On l’aura compris, le livre se prête aux interprétations les plus diverses qui restent personnelles aux lecteurs. Et depuis des décennies, elles affluent, allant de l’angle féministe, populiste, marxiste, historique, économique, politique ou encore freudien !
Ce qui démontre bien la richesse et la force de ce récit qui continue d’alimenter le débat et l’imaginaire collectif [Alexandra Galakof].

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