La cousine de Frédéric Beigbeder se lance en littérature…

Parmi les 102 premiers romans de la rentrée, à noter celui de Géraldine Beigbeder : un patronyme qui interpelle ! Cousine du célèbre Frédéric, elle se lance en littérature avec « Nema Problema ou Petites chroniques transbalkaniques au pays des sponsors » publié chez Ramsay. Alors qu’il explorait la Russie dans son dernier roman « Au secours, pardon » , elle embarque les lecteurs pour la Serbie (dont elle est originaire par sa mère), sur fond de décadence politique et économique… Le succès (et le talent !) littéraires sont-ils de famille ?

Ptich du roman : Deux Parisiens, Nina et Alain, débarquent en Serbie pour y terminer le montage d’un documentaire. Alors qu’ils cherchent un coup de main pour leur film, ils rencontrent un gros producteur, ex-pilier du régime Milosevic qui a produit des films de propagande anti-Otan, et désormais capitaliste ultra-libéral. Ce «Big boss» leur propose de financer un long métrage sur Hedy Lamarr, mythique star antinazie des années trente, avec un casting international. Mais Nina et Alain doivent dénicher d’autres sponsors pour boucler le budget. «Nema problema», pas de problème, comme on dit à Belgrade : les voilà en chasse de financiers du troisième type, nouveaux riches, ex-criminels de guerre, trafiquants en tous genres, politiciens douteux, roulant en limousines blindées, et vivant avec leurs bimbos et gardes du corps dans les villas de luxe de Belgrade, ou sur les plages du Monténégro. Un road-movie burlesque et débridé, très cinématographique, où l’on découvre que l’on peut devenir une vedette en trois semaines, et que dans l’ex-Yougoslavie de l’après-Milosevic tout a changé, sans que rien ne change vraiment : folie, démesure et chaos. Géraldine Beigbeder, d’origine serbe par sa mère, est scénariste. Elle a collaboré avec Luc Besson et Fabien Onteniente. Sponsors est son premier roman.

Extrait :
Darko démarre sa Mustang Cobra. La radio, décibels à fond, crache un air serbe ultra-patriotique de turbo-folk. Encore une chanson de Ceca, la bimbo des années Milosevic, veuve d’Arkan, le criminel de guerre poursuivi par le TPI depuis 1999 pour vingt-quatre chefs d’accusation relatifs aux sévices, meurtres et viols commis à l’encontre des musulmans de Bosnie. L’ancien criminel de droit commun, ex-braqueur de banque, qui a participé au «nettoyage» de Vukovar en novembre 1991, s’en est foutu plein les poches, avant d’être touché mortellement à la tête par une balle tirée d’une mitraillette Heckler & Koch. On l’a retrouvé, bavant son sang dans le hall de l’hôtel Intercontinental, établissement de luxe de Belgrade, un samedi, en fin d’après-midi de janvier 2000. Un meurtre vraisemblablement commandité par l’entourage du dictateur Milosevic aidé de personnes du crime organisé. Ceux qu’on nomme les sponsors. J’ai revu la photo parue dans Glas la semaine dernière. Ceca et son statut de star-icône. Une veuve milliardaire sili-conée, en mini-bikini Versace de strass argenté, prenant la pose sur son yacht Sunseeker Predator avec ses deux mouflets, ses cheveux de jais au vent. Un cul admirable. Une bombe prête à exploser. Elle en jette sacrement, la Ceca. Darko me raconte qu’entre la bimbo et le boucher des Balkans, ça n’a pas été qu’une histoire de cul. Ils s’aimaient vraiment ces deux-là. Une vraie histoire avec des purs sentiments et tout le bordel. Y a pas à dire, ça force le respect. Elle a même mis à la mode la coupe de cheveux du chef de l’unité paramilitaire serbe des Tigres, ajoute-t-il sur le ton de la confidence complice, mais aussi comme pour mettre un terme à tout argument de ma part. Et c’est vrai que la coupe à la Arkan, c’est un must qui fait toujours fureur parmi les jeunes Serbes. Le crâne rasé de près comme une façon de montrer sa virilité. Ce n’est pas parce qu’on se trouve maintenant sur la voie du post-communisme et de la démocratie qu’il faut se laisser aller ! On n’est pas des pédés, merde ! Assis sur le siège avant, Viktor se retourne et fait passer la bouteille de rakia. L’aiguille du chronomètre bascule d’un coup vers la droite jusqu’à cent quatre-vingts kilomètres à l’heure. Les turbines du moteur se mettent en branle dans un boucan d’enfer. Crissement des pneus sur le bitume. Lancés à pleine vitesse, nous sommes parés au décollage. Plaqué contre le siège en cuir, Alain me lance un regard vaguement inquiet, comme dans l’avion pour Belgrade. Il a toujours eu peur des décollages. Moi, ce sont plutôt les atterrissages qui me vrillent le ventre. Viktor a dû sentir mon appréhension, il m’explique qu’il n’y a rien à craindre. Darko est un professionnel, il veut devenir pilote de course. S’entraîner dans les rues de Belgrade, c’est mieux que de tourner sur un circuit, non ? Trop prévisible. Le risque est inexistant. C’est d’une logique implacable. Que puis-je ajouter ? Je me tais et je prends la main d’Alain. Elle est moite, je sens que sa peur va bientôt me contaminer. Je lance un bref coup d’oeil dans le rétroviseur. Darko, les mains agrippées au volant, a le regard hypnotique, sa nuque est raide, comme lorsqu’il dispute avec Viktor d’interminables courses-poursuites sur Grand Prix 4, leur putain de jeu vidéo. Le rire hystérique de cet abruti de Viktor couvre par intermittence la voix chaude et sensuelle de Ceca. Bref, ces deux-là ont leur dose d’adrénaline. Dans un virage, la main d’Alain se cramponne plus fort à la mienne; j’évite son regard, que je sais désespéré et furieux à la fois. Il ne veut pas mourir. Nous avons encore toute la vie devant nous et tellement plus. Je détourne les yeux, honteuse de nous avoir foutus dans un tel pétrin. Juste un mauvais moment à zapper. Surtout, ne pas regarder le compteur. Éviter de paniquer. Le reflet sur la vitre renvoie en surimpression des rais de lumière, comme un montage en accéléré dans l’émission Paris Dernière, sauf que là nous sommes à Belgrade et que c’est du direct-live. À peine le temps de voir passer la place Knez Mihailova et nous sommes déjà sur Slavia à slalomer entre les voitures. Un tête-à-queue, un dérapage contrôlé, histoire de reprendre le rond-point en sens contraire – c’est bien plus marrant – et c’est reparti.

15 Commentaires

Passer au formulaire de commentaire

  1. Elle est célibataire.

    Si je marie avec elle, est-ce que moi aussi je pourrais avoir le nom Beigbeder.

    Si oui, est-ce que je serais édité.

    Tant de questions….

  2. Merci pr l’éclat de rire ! Géraldine et Génération Beigbeder : oh bah oui ça t’irait bien !

    Sinon je lis actuellement « Windows on the world » du cousin donc, je l’avais depuis près de 4 ans dans mon étagère et ça ne me tentait pas (tjs ma méfiance pour les faux essais politiques déguisés en romans) et bien encore une fois Frédéric Beigbeder réussit le pari haut la main. C’est bluffant, poignant, étonnant et dieu sait que le thème ne me passionne pourtant pas. J’essaierai de le chroniquer quand j’aurais le temps, il y a tant à dire, cela appelle à réflexion sur bon nombre de points. J’ai même réussi à convaincre un grand grand réfractaire de le lire, c’est dire !
    Ca me console des mes lectures (classiques) que je me suis infligée cet été (petits compte-rendus à suivre dés que j’ai le temps également).
    Désolée de ce petit hors sujet (mais qui reste en famille), revenons à Géraldine !
    Cette histoire semble très originale ; ça me fait un peu penser au roman « Pitch » de Caroline Bongrand côté Hollywood. Par contre cela laisse craindre, à première vue, l’accumulation de péripéties dites "rocambolesques"…

    • kebina sur 22 août 2007 à 19 h 06 min
    • Répondre

    et bien encore une fois Frédéric Beigbeder réussit le pari haut la main. ))) ton "amour" pour Beigbeder m’etonnera toujours Alex…. Windows on the World ? quel mauvais roman ! (sans rancune hein ? lol)

    • Kebina sur 22 août 2007 à 19 h 36 min
    • Répondre

    Le succès littéraire est-il de famille ? ))) le succes ? c’est a voir… mais pour ce qui est de la connerie, tres probablement…

    • Kebina sur 22 août 2007 à 20 h 10 min
    • Répondre

    Merci pr l’éclat de rire ! Géraldine et Génération Beigbeder : oh bah oui ça t’irait bien !
    )))) voila ce que j’aime bien dans les avis Beigbeder : on trouve toujours de quoi rire ! lol

  3. Il ne faut pas s’arrêter à la personne, mais à ses livres qui valent vraiment le détour (encore une fois c’est très subjectif tout ça). Il n’y a bien sûr aucune obligation à l’apprécier (cf : débat précédent, buzz.litteraire.free.fr/d…
    attention par ici c’est très « Beigbédérien » et ça n’ira pas en s’arrangeant … Sorry ! 😉

    Vraiment gros enthousiasme et empathie pour « Windows… » même si quelques bémols subsistent (tjs cette satanée difficulté à créer un vrai personnage qui ne soit pas un double de lui-même, cf : son héros américain qui ressemble plus à un américain vu par un français Beigbeder, ou encore une certaine idéalisation et sur-importance accordée à tt ce qui est US même si je comprends le côté symbolique de tout ça…)
    Sinon bel enthousiasme aussi pr la nouvelle affiche de 99 francs (film) révélée par le site non officiel de Frédéric Beigbeder : http://www.cinema-france.com/new...

    (désolée je parle encore du « cousin » et pas de la « cousine »…)

    • Kebina sur 24 août 2007 à 22 h 05 min
    • Répondre

    Il ne faut pas s’arrêter à la personne, mais à ses livres qui valent vraiment le détour (encore une fois c’est très subjectif tout ça). )))) Je vais encore etre chiante mais justement je trouve qu’il n’y a que la personne de Beigbeder qui est interessante et donc, mieux vaut s’y arreter: s’il ne jouait pas le bambin a longueur de journee dans les medias, on ne continuerait certainement pas a le considerer comme un ecrivain…

    Ensuite, pour ce qui est de la subjectivite, elle n’a pas un role majeur a jouer dans la reconnaissance du talent d’un artiste, seulement dans son appreciation (exemple : Elvis etait un grand chanteur de Rock, original, creatif, blablabla (objectivite)… mais ce n’est pas mon genre (subjectivite)).

    L’art a une logique objective (qui est bien le pourquoi des musees d’art : veritables objectivites historiques) mais elle cree chez les humains des degres de sensibilite variables et subjectifs (qu’on nomme le gout. Le bon gout est une tout autre histoire bien entendue ! lol).

    C’est tres vieillot comme idee je te l’accorde, tres froide aussi, tres Kantienne, mais oh que vrai ! 😉

  4. Chouette ! donc si j’applique ton principe cela nous donne le syllogisme suivant :
    Frédéric Beigbeder est un écrivain talentueux mais ce n’est pas mon genre 😉

    Sinon je ne suis bien sûr pas d’accord avec ta règle de l’objectivité sur l’art et plus particulièrement en matière (de talent) littéraire. On voit immédiatement qu’elle ne tient pas debout et qu’elle se mord la queue mais bon c’est pas bien grave…

    Sinon, pour revenir sur cette Géraldine Beigbeder, que t’inspires ce pitch et cet extrait ?
    (en toute « objectivité » of course !)

  5. ‘Tain! Si c’était pas une meuphe de la famille à Bégbé ça passerait nulle-part son caca. Y a pas l’ombre d’un soupçon de trace de style littéraire dans cet extrait. C’est écrit à l’Uzi rouillé. Du journalisme de sous-préfecture. Scénariste? peut-être. Romancière, elle? Jamais. Impossible. Oublie. Consternant de savoir que les libraires vont encore être encombrés d’inepties pareilles.Mais ils sont là pour ça les libraires : être encombrés, non?

  6. Merci de cet avis. Sans être aussi virulente, je trouvais aussi que cela manquait de fluidité.
    L’auteur tente d’avoir un style nerveux mais ça sonne plutôt lourd. Ca me rappelle un peu le livre de Flore Vasseur paru l’an dernier, Une fille dans la ville, même s’il y avait qd même de bons passages.

    • Kebina sur 30 août 2007 à 3 h 46 min
    • Répondre

    Chouette ! donc si j’applique ton principe cela nous donne le syllogisme suivant :
    Frédéric Beigbeder est un écrivain talentueux mais ce n’est pas mon genre 😉 )))) lol ! syllogisme refusé. J’ai pris Elvis moi : considéré comme talentueux par l’indiscutable objectivité de la postérité… à côté, Beig c’est un peu les Spice Girls.

    Quant à la cousine Grenadine, je suis globalement d’accord avec Strangedays, c’est facile et commerciale son truc, on sent qu’elle cherche un public – un public urbain de bimbos – au lieu de se chercher elle-même. Mais ça reste divertissant : un bon passe-temps pendant la pub quand on a pas envie d’une pause pipi !

    • Talita sur 4 septembre 2007 à 20 h 34 min
    • Répondre

    Moi, au contraire je le trouve vachement bien l’extrait du roman de Geraldine Beigbeder.La cousine, elle a du talent et ca a l’air très drole. J’aime bien le style trash, un peu a la virginie despentes. Je l’achèterais volontiers. C’est facile de critiquer juste parcequ’elle est la cousine.

    • Philippe sur 4 septembre 2007 à 20 h 40 min
    • Répondre

    C’est vrai, que c’est pas mal du tout. En tous les cas on a envie de continuer à lire et puis l’ex- yougoslavie est un sujet que j’aimerais approfondir. Le style est percutant et visuel. Que les méchantes langues se taise, elle a du talent, n’en déplaise.

    • Sanchez sur 4 septembre 2007 à 20 h 43 min
    • Répondre

    D’accord avec vous. Il y a plus de potentiel que chez le cousin.

    • Amelie sur 26 mars 2008 à 18 h 12 min
    • Répondre

    Je viens de terminer le roman de Géraldine beigbeder " Sponsors" et j’ai trouvé ca vraiment vachement bien. Je l’ai lue d’une traite et j’ai adoré le style de l’auteur. C’est un roman très contemporain et très drôle. J’avais un certain a – priori moi aussi mais il faut reconnaitre qu’elle a un talent certain. Je suis sûre qu’elle va se faire un prénom en tous les cas elle a reussi à me convaincre.

    Modération Buzz littéraire : Merci de ne pas poster en doublon en utilisant deux pseudos différents svp.

Répondre à Kebina Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.