« Les trophées de Constance & autres objets de désir » par Nathalie Cachin : Du blog de « la parisienne » à l’édition

L’actualité des blooks est riche ces derniers mois ! Une nouvelle blogueuse (Nathalie), cadre en entreprise (et joueuse de tennis !) fort discrète, accède à son tour au sésame de l’édition avec un recueil de nouvelles ciselées, sensibles et féminines à l’image de son blog : « Les trophées de Constance & autres objets de désir ». « Mes petites histoires, je les visualise, ce sont des scènes de films qui n’existent que dans ma tête, je n’ai plus qu’à raconter ce que je vois. », explique-t-elle sur son blog. Elle y raconte les hommes qui traversent la vie de son héroïne citadine et célibataire. « Je m’attache aux détails, je les suis du regard, je m’accroche à leurs yeux, à leurs gestes, à leur corps, à leur démarche, à leur peau… Non, je ne m’accroche pas, je les aime libres. Je les croise, je me mets, l’espace d’un instant, d’une heure, d’une nuit, à leurs côtés, parfois je ne les touche même pas vraiment, je les effleure, je les frôle. Je ne leur cours pas après, je ne les vampe pas. Ils surgissent dans ma vie quand je ne les attends pas et ils y jettent le trouble. Ces frôlements font trembler l’eau calme de ma vie de célibataire, puis ils disparaissent. » Une écriture et un univers qui rappellent un peu Anna Rozen, Héléna Villovitch ou une nouvelle « conversation amoureuse » (d’Alice Ferney). Découverte sur son blog par David Abiker (qui lui écrit poétiquement : « il y a une pluie fine qui tombe sur le visage quand on vous lit »), son « aventure » éditoriale de blogueuse est assez atypique. L’auteur et son « découvreur » – presque coach parfois ! David Abiker donc- ont accepté de répondre à quelques questions du Buzz littéraire :

Buzz littéraire : Pouvez-vous nous expliquer comment s’est passé le passage du blog au livre ? Quelles ont été vos démarches ? Comment s’est passé la rencontre/le travail avec votre éditeur (aviez-vous essayé de contacter plusieurs éditeurs, etc) ?
Nathalie Cachin : Mon blog existe depuis mai 2006, c’est un ami écrivain (un vrai lui !) qui m’en a donné l’idée. J’y ai pris goût assez rapidement en augmentant le rythme des chroniques, en essayant de varier. Cela parle de ma vie mais en même temps cela n’a rien à voir avec un journal intime. Je n’y raconte rien d’intime justement, je prends des éléments de mon quotidien (mes sorties, mes voyages, mon boulôt…) que « j’arrange », que je déforme, que j’exagère pour en faire des textes qui se tiennent et qui ont une chute. Le ton se veut plutôt léger et je m’amuse beaucoup à le faire. Je n’ai jamais eu idée du nombre de mes lecteurs, on a bien essayé de m’expliquer comment mettre en place un compteur…

Je ne suis pas une tout une « bloggeuse typique » en fait. Je ne lis aucun autre blog (je préfère de loin les livres et il y en a tant !), je n’écris jamais de commentaire chez les autres, j’écris dans mon coin en répondant à mes lecteurs.

A un certain moment j’ai sans doute senti que je tournais en rond, il fallait inventer autre chose… J’ai fait une chronique sur Nicolas Demorand, journaliste à France Inter, la voix qui me réveille le matin et là je me suis rendu compte qu’il était très populaire alors j’ai eu l’idée d’en faire mon « compagnon virtuel », de nous inventer une vie de couple.

Une de mes amies a envoyé à David Abiker (alors chroniqueur de « Blog à part » sur France Inter) l’adresse de mon blog, sans me prévenir (je n’aurais jamais fait cette démarche !). Cela l’a amusé et il a chroniqué mon blog, j’ai donc pu déclarer ma flamme à Nicolas Demorand sur les ondes d’Inter. Cela aurait dû rester une petite anecdote amusante mais David Abiker a vraiment lu mon blog en intégralité et il a accroché sur les chroniques. Nous nous sommes rencontrés, il m’a encouragé à écrire, à aller au-delà du blog, à me persuader que j’en étais capable. Je lui ai envoyé un texte (l’ébauche d’une des nouvelles du livre) qu’il a bien aimé. La suite c’est plutôt la deuxième question en fait…

– Comment s’est déroulé l’écriture ? Votre livre est-il une adaptation de votre blog, l’un a-t-il nourri l’autre et dans quelle mesure ? Combien de temps cela vous a-t-il pris et quelles ont été les difficultés ?
Puis je lui ai envoyé un deuxième texte. J’ai commencé à croire que c’était possible… Il m’a aidé à structurer le projet, pas un roman évidemment, je n’en suis pas capable mais des formats courts, moins immédiatement efficaces que les chroniques. La méthode de travail s’est mise en place très naturellement, j’écrivais le soir ou le week-end et j’envoyais par mail à David Abiker. Il a toujours été très disponible pour lire, pour critiquer, pour m’encourager ou me « booster » quand cela n’avançait plus. L’écriture était facile car toujours ludique, en parallèle j’ai continué mon blog mais il n’a pas du tout nourri les nouvelles. Le travail était très différent, pour les nouvelles j’ai vraiment pris du plaisir à inventer des personnages, à créer des situations, à écrire de la fiction pour la première fois (même si tout est écrit avec « je »), à regarder et écouter autour de moi pour « voler » des moments.

Tout s’est fait très vite, David Abiker me disait qu’il fallait finir avant le mois d’août (j’ai dû commencer en mars à écrire). Avant de partir en vacances je lui ai tout envoyé sur un seul fichier en choisissant un ordre, j’ai eu beaucoup de mal à trouver un titre.

Là encore je n’ai fait aucune démarche, je ne l’ai envoyé à aucun éditeur, c’est David Abiker qui s’en est occupé et à la rentrée de Septembre, Jean-Luc Veyssy des Editions du Bord de l’Eau m’a contacté et très vite nous avons signé un contrat.
C’est une deuxième phase qui a commencé, celle de la relecture, des corrections… Je n’aime pas trop me relire, j’écris assez vite, de manière spontanée, je ne cherche pas mes mots pendant des heures. Il m’a fait retravailler certains passages, ajouter « plus de sensualité » à certaines histoires. Là aussi les contacts étaient essentiellement par mail car l’éditeur est à Bordeaux. Nous avons cherché ensemble, un titre, une couverture, un texte de quatrième de couverture, une amie photographe a fait la photo de quatrième de couverture et le livre est né !

– Comment « résumeriez »-vous votre ouvrage ? Qu’est ce qui vous intéressait et comment vous inscrivez-vous par rapport à cette littérature féminine « de célibataire » (dont Bridget Jones est devenue un peu la chef de file même si ce que vous faites est bien différent) ?
(pouvez-vous aussi nous préciser vos influences/goûts littéraires personnels aussi bien classiques que littérature contemporaine)

Je crois que j’avais envie de raconter des « non-aventures », une rencontre entre un homme et une femme, à chaque fois dans un contexte différent, et qui n’aboutit pas forcément sur une histoire. Des personnes qui se ratent un peu, des choses qui auraient pu arriver et puis finalement non… des moments, de la suggestion, du désir, des frôlements.

Je voulais éviter deux écueils au cours de ces nouvelles :
– les clichés sur la jeune femme célibataire style « j’ai 30 ans, je n’ai pas de mec, je commence à flipper ». Je ne voulais pas du tout ça. Je ne voulais pas que ce soit trop « fille » justement, que des lecteurs masculins puissent le lire sans trouver ça ridicule.
– Un discours aigri sur les hommes style « tous des salauds ». Je voulais qu’ils aient aussi le beau rôle, les magnifier parfois.
Tout ça pour dire que je ne m’inscris pas du tout dans la littérature féminine « de célibataire », ceci dit sans aucun mépris. C’est juste que cela n’est pas ma culture, je n’y connais rien, je ne lis pas du tout ce genre de livre (je n’ai pas lu Bridget Jones…).

J’ai été élevée entourée de livres. Mon livre culte est sans doute « Les liaisons dangereuses » de Laclos, le livre que j’ai le plus relu, peut être « Madame Bovary » de Flaubert. Les livres qui m’ont marqué adolescente : « Une vie » de Maupassant, « Les hauts de hurlevent » de Emily Bronte, « Crime et châtiment » de Dostoievski. J’aime beaucoup la littérature américaine avec un faible pour Paul Auster. Je garde un souvenir très marquant de « Pastorale américaine » de Philip Roth, de « Middlesex » de Jeffrey Eugenides, « Dolce Agonia » de Nancy Huston… J’ai découvert l’année dernière l’auteur hongrois Sandor Marai, j’ai tout lu de lui. Parmi les auteurs français contemporains, j’aime Olivier Adam, Arnaud Catherine, Anne Wiazemski, Vincent Delecroix, Philippe Claudel, Laurent Gaudé, Marc Weitzmann, Alice Ferney…. Et beaucoup d’autres encore…Bien sûr ce ne sont pas des influences, eux sont des auteurs, de mon côté je bricole…

Retrouvez sur le blog de Nathalie ces chroniques légères et touchantes mais aussi les coulisses de l’édition de son livre à travers ses billets « BUZZ » (eh oui toujours lui !). Elle y livre un « making-of » de son livre depuis les corrections avec l’éditeur, le choix du titre, l’écriture de la 4e de couv’ (ses doutes sur l’emploi du « je ») jusqu’à l’illustration de la couverture, la dédicace d’exergue ou sa campagne de promo sur Facebook…, toujours dans son style très vivant et son humour : « Ce matin j’ai rendez-vous avec « mon » éditeur, c’est très chic de dire « mon » éditeur ! J’avais mon dentiste, mon ophtalmo, ma chef et maintenant j’ai « mon » éditeur… » Un régal !
A voir aussi le site de son éditeur : Les éditions du Bord de l’eau où vous découvrirez d’autres jeunes auteurs.

Nathalie vue par David Abiker (lire ci-dessous son interview en commentaire) :

6 Commentaires

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  1. Buzz… littéraire : Qu’est ce qui vous a « accroché » dans la plume de Nathalie ?
    David Abiker : C’est simple, une amie de Nathalie Cachin que je ne connais pas m’a recommandé son blog. Je l’ai lu un soir où j’étais plutôt détendu et réceptif. j’ai trouvé son style agréable. Je le lui ai écrit. On s’est vu une fois. Je l’ai encouragée. Je lui ai également dit qu’il manquait un je ne sais quoi : sans doute de l’engagement, une forme de sincérité plus appuyée. Ensuite je l’ai poussée à faire des nouvelles autour du sujet développé dans la nouvelle intitulée « 2e vague », cette femme qui passe à côté des hommes sans les accrocher ni les retenir mais en les regardant. Je trouvais que ça résumait bien l’angle de ce livre. Vous n’allez pas me croire mais j’ai vu Nathalie une seule fois et une demi heure. Le reste s’est fait par mail et par texto. Quand son texte a été prêt, j’ai appelé le Bord de l’eau pour le leur proposer. Ma mission officieuse et informelle était terminée.

    Pourquoi avez-vous décidé de l’aider dans son écriture et comment s’est passé ce travail d’accompagnement ?
    En fait j’avais recommandé le blog de Bénédicte Desforges à mon éditeur (la flic). Avant cela, j’avais encouragé un garçon à ouvrir son blog, le blog est devenu un livre. Plus globalement, j’ai eu personnellement beaucoup de chance dans ce métier de chroniqueur et j’ai toujours eu soin d’encourager ou d »aider les gens qui me paraissaient avoir du talent ou quelque chose qui les animait. Je l’ai fait à plusieurs reprises mais on ne peux pas dire que ce soit industriel. Je ne veux pas en faire un métier. Nous devrions tous aider les plus jeunes quand nous avons le sentiment d’avoir été aidés ou d’avoir reçu un coup de pouce. Moi, on m’a aidé, je trouve que c’est bien d’aider à mon tour, si je peux et de temps en temps, quand j’ai envie.

    Est-ce une nouvelle vocation d’éditeur ou d’agent qui se profile pour vous et de façon plus générale quel est votre avis/regard sur les différents « blooks » français édités ces derniers mois si vous avez suivi ?
    Mon regard sur les les blogs et sur les écritures du web ? Je n’en ai pas vraiment. Je milite seulement pour la pénallisation des smileys et l’interdiction de séjour en France des gens qui utilisent l’abominable LOL. J’ai le sentiment que le plus souvent, les gens écrivent trop long, trop perso et pas assez pour les lecteurs. Nathalie sait raconter des petites histoires : il y a un début, un milieu, une fin et un propos. Il faut commencer comme ça avant de sonder les profondeurs de son moi égotique, si vous voyez ce que je veux dire… Un métier ? Je ne crois pas. Ce que j’aime c’est tomber par hasard* sur quelqu’un qui a des choses à dire et le recommander à deux ou trois éditeurs que je connais. Je laisse faire le destin. Une ou deux rencontre par an ça suffit.

    *Je ne souhaite pas recevoir les adresses de blogs ou les manuscrits des jeunes auteurs du web. Merci.

    Le blog de David Abiker

  2. Bonjour,
    Pour tous les auteurs du web, je vous conseille de vous inscrire à l’édition 2008 du Festival de Romans qui récompense les meilleurs talents du web http://www.festivalderomans.com

    • Pulpfiction sur 22 janvier 2008 à 16 h 49 min
    • Répondre

    Oui, elle est mignone, fraîche et légère la nouvelle … Sympa mais aussi un peu insignifiante.
    Je ne sais pas si j’en lirais 10 ou 12 du même style …
    Au fait, je ne suis pas un homme !!

  3. Merci Pulpfiction de cet avis. Je vois ce ce que tu veux dire.
    "Frais" était l’adjectif que je cherchais aussi.
    On en revient toujours à elle, mais pour le coup je trouve que cette auteur a vraiment sa "petite musique".
    Bon messieurs, j’attends tjs votre avis…

  4. Je suis assez d’accord avec Pulpfiction (au fait, je suis un homme). Cette nouvelle me fait penser aux "nouveaux" chanteurs français, genre Renan Luce… C’est frais, gentil, ça se lit-écoute facilement et ça s’oublie aussi facilement. Bref, ça ne mange pas de pain, mais il n’y a rien d’essentiel là-dedans. Mais c’est sans doute son objectif et il y a un public (un peu trop paresseux à mon goût) pour ce type de texte.
    PS : je dois avouer en plus que j’ai beaucoup de mal (j’ai dur, comme on dit chez nous) avec les nouvelles, voire même avec les romans courts. J’aime bien qu’un récit s’installe et ça ne se fait pas sur quelques pages.

  5. Je trouve qu’avec son style et son univers, ça se prête bien. De plus il y a vraiment un fil conducteur entre les nouvelles donc finalement ça se lit (presque) comme un roman. Elle m’a fait aussi penser un peu à Anna Gavalda (c’est vrai c’est un peu facile dés que l’on parle de nouvelles de faire le rapprochement avec l’auteur de «Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part » mais bon…), en particulier la première nouvelle du recueil « Petites pratiques germanopratines » tout à fait dans l’esprit de Nathalie. Je lui souhaite autant de succès du reste !

    Sinon j’ai trouvé finalement que cette première nouvelle n’était pas la plus réussie… J’ai donc demandé à l’éditeur une autre que j’ai bien aimée et assez drôle, « Le coup du caddie », qui fait écho à un petit texte sur son blog (voir ici : http://nathalie.blog.elle.fr/2007/01/15/supermarche/)
    J’ai bien aimé aussi : « Second life », « De particulier à particulier » (qui fait aussi écho à un billet de son blog sur sa recherche d’appartement), « Une voix dans la nuit » (en rapport avec la radio), « La deuxième vague »… Il y a 18 petites nouvelles dans ce recueil.
    J’aime beaucoup sa façon délicate de parler du désir, de la subtilité des émotions éphémères.
    C’est un vrai coup de cœur !

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