La littérature « nouvelle génération » fête ses 10 ans (P. Jaenada, N.Rey, F.Zeller, A.Cathrine, Ann Scott, V.Ravalec…): entretien avec Guillaume Robert, éditeur

Impossible de passer à côté de l’anniversaire de cette fameuse collection de livres poche chez « J’ai lu » baptisée « Nouvelle génération », ayant inspiré le sous-titre de ce blog et sa ligne éditoriale ! La gamine, toujours aussi turbulente, impertinente et émouvante, a déjà 10 ans… Et cela se fête ! Pour l’occasion les éditions publient un recueil de 10 nouvelles inédites signées des auteurs (plus ou moins) emblématiques de cette collection. Le principe : commencer sa nouvelle par la première phrase de son premier roman publié dans la collection. Comme l’écrit Vincent Ravalec « Une première phrase est comme un petit gâteau sucré que l’on déguste avec une coupe de champagne rosée. C’est un plaisir inestimable. » Les jeunes talents ont un peu vieilli mais leur plume conserve (sauf quelques ratés) toute la sève qui a fait leur succès. Surprise : on retrouve à sa tête désormais, Guillaume Robert, également éditeur chez Flammarion, qui s’est donné notamment pour mission d’ouvrir le catalogue à des auteurs plus confidentiels. Toujours très web-friendly (vous trouverez quelques interviews vidéo intéressantes qu’il a déjà données aux blogueurs sur Dailymotion), il a accepté de répondre à quelques questions :

A propos du recueil « 10 ans Nouvelle génération » : On regrette un peu l’absence de Virginie Despentes ou de Michel Houellebecq bien sûr mais l’on est content d’avoir des nouvelles de Philippe Jaenada qui s’imagine mort façon remake de « Ghost » où il observe des cieux sa femme, son fils et ses proches, d’Ann Scott qui réussit une nouvelle poignante en se glissant dans les pensées d’une SDF avec son écriteau « Je vous souhaite de ne jamais passer par où je passe » observant les passants qui l’ignorent… (« Ce n’est pas l’état de déchéance qui fout la trouille aux gens, c’est la détresse. Quelle qu’elle soit. Installée, momentanée, c’est la misère de cette phrase sur cet écriteau, cette phrase terrible qui ne peut qu’interpeller et qui interpelle trop. Tout le monde a quelque chose à perdre et personne n’a envie qu’on le lui rappelle.« ), tandis que Nicolas Rey fait le bilan (« Mes personnages sont bel et bien vivants. Ils possèdent une date de naissance, des grains de beauté et vont tous mourir un jour. Ils sont évidemment dépressifs. Ils ont des problèmes sentimentaux, ils sont nombrilistes, ils dorment mal, ils ont parfois des abcès dentaires, des prix littéraires et des problèmes de dos. Je crois même que 3 d’entre eux votent à droite, mais, n’étant pas sûr de cette dernière information, je me retire sur ce coup.« ). De son côté Florian Zeller livre une autofiction dans la veine de ses romans et finira par rejoindre son ami David Foenkinos en Pologne ! Arnaud Cathrine imagine, quant à lui, un jeune auteur venant interroger « son dinosaure préféré » d’écrivain…

1. Quelle est votre définition de la littérature « nouvelle génération » ayant donné son nom à la collection « J’ai lu » ?
Parce que les lecteurs changent avec leur époque, depuis dix ans déjà, la collection « Nouvelle génération » a pris l’initiative de proposer en format poche une nouvelle génération d’écrivains à une nouvelle génération de lecteurs. Loin d’être une vitrine « chic et branchée », cette collection est le laboratoire d’une littérature en mouvement. Une littérature souvent urbaine, rebelle ou subversive. Mais pas seulement. Le recueil de 10 nouvelles inédites pour les 10 ans de la collection en est la preuve…

Florian Zeller, Arnaud Cathrine, Nicolas Rey, Grégoire Bouillier, Valérie Mréjen, Ann Scott, Vincent Ravalec, Philippe Jaenada, Simon Liberati, Thomas Lélu, tous se sont prêtés au jeu en acceptant une seule contrainte (commencer sa nouvelle par la première phrase de son premier roman publié dans la collection), alors que leurs univers sont souvent très différents. C’est peut-être ça l’esprit « Nouvelle génération », le brassage et la découverte de styles, d’influences, de références… et d’âges ! Tous les auteurs n’ont pas vingt-deux ans et demi !

2. Quelles ont été les principales évolutions de cette collection en 10 ans ?
Ce qui a changé, depuis la création de la collection, c’est sans doute une plus large ouverture vers d’autres univers, vers d’autres sphères de création. Comme la musique avec Nicolas Sirkis et Lola Lafon. Comme l’art contemporain avec Valérie Mréjen et Thomas Lélu. La « Nouvelle génération » d’aujourd’hui est de plus en plus touche à tout. Toujours en recherche d’un nouveau médium. Philippe Pollet-Villard, dont le premier roman L’Homme qui marchait avec une balle dans la tête vient de paraître dans la collection, a reçu il y a peu le César et l’Oscar du meilleur court-métrage. Florian Zeller prépare déjà sa quatrième pièce de théâtre. Ariel Kenig écrit des scénarios, des chansons, des livres pour enfants. Tout comme Arnaud Cathrine.

Longtemps le fait qu’un livre soit publié en édition de poche signifiait qu’il avait remporté un vif succès en grand format*. Et les romans de jeunes auteurs, auréolés par la critique mais encore anonymes pour le grand public, ne connaissaient pas forcément de secondes vies… Depuis dix ans, date de la création de la collection « Nouvelle génération » par Marion Mazauric, J’ai lu propose un « nouvel espace du roman français », en braquant les projecteurs sur une scène littéraire anticonformiste et en pariant sur de jeunes talents qui n’attendaient que de rencontrer un plus grand nombre de lecteurs. Aujourd’hui, cette démarche avant-gardiste est devenue une pratique courante, et l’éditeur de poche s’avère bien souvent un tremplin vers le succès.

3. À quoi ressemble l’avenir de cette collection ?
Dans un futur proche, mis à part le recueil des 10 ans dont nous sommes particulièrement fiers, c’est d’abord la publication des premiers romans très remarqués d’Audrey Diwan, « La Fabrication d’un mensonge » (en avril) et d’Ariel Kenig, Camping Atlantic (en mai). Et, de manière plus générale, l’avenir de cette collection est de continuer à soutenir et défendre de jeunes talents d’horizons très différents, en étroite collaboration avec Anna Pavlowitch qui s’occupe la littérature générale chez J’ai Lu. Une chose est sûre : c’est une collection qui doit perpétuellement se renouveler et qui n’a pas d’autres choix qu’évoluer, puisqu’on n’y reste pas toute sa vie. Après deux-trois livres, les auteurs viennent rejoindre le catalogue de littérature qui depuis cinquante ans regorge de pépites et de livres cultes.

* »Il y a quelques années encore, il fallait avoir vendu plus de 8 000 ex pour espérer passer en poche. Aujourd’hui, ce domaine étant devenu extrêmement concurrentiel, les éditeurs de poche mise le plus tôt possible sur les auteurs qu’ils ont envie de défendre. Peu importe les ventes du grand format. L’essentiel est de croire en un auteur. »

A propos des auteurs qui font la collection « J’ai lu / Nouvelle génération » :
Les best-sellers de la collection sont les auteurs phares du catalogue : Michel Houellebecq, Virginie Despentes, Florian Zeller, Nicolas Rey, Vincent Ravalec… Mais il y a aussi de très bonne surprise, comme le formidable premier roman de Mathias Malzieu, « Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi », ou des livres cultes comme « Superstars » d’Ann Scott, « Le Chameau sauvage » de Philippe Jaenada, « Rapport sur moi » de Grégoire Bouillier…
Plus d’infos sur le site « J’ai lu », rubrique « Nouvelle génération »
Lire aussi l’avis de Michel Houellebecq sur la collection « Nouvelle génération »
Lire aussi : « Qui est vivant ? », un recueil des éditions Verticales pour fêter leurs 10 ans

6 Commentaires

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    • Gwenaël sur 15 mars 2008 à 15 h 15 min
    • Répondre

    Bon, rien à voir avec ce billet. Même si je suis curieux de ces nouvelles. A voir.

    Sinon, lisez FLEURS DE TEMPETE de Le Guillou, paru chez Gallimard. Bien sûr, moins trentenaire et urbain, mais mince, quand même !…

  1. je lis le billet, je trouve ça très intéressant, et qui donne envie. Et donc j’assume ce commentaire très basique mais qui dit la vérité. 🙂

    • Ayé sur 20 mars 2008 à 14 h 39 min
    • Répondre

    Ai lu le recueil. Pas désagréable mais pas génial non plus. La nouvelle d’Ann Scott est très bien. Rey fait son mariol et y arrive assez bien (j’ai souri à plusieurs reprises). Jaenada… j’aime bien ce qu’il fait donc je suis resté sur ma faim. Lélu se moque de qui ? On a sa petite idée sur la question (le lecteur sans doute). Trop facile, du vite expédié, histoire de pondre quelque chose. Celui signe, selon moi, la meilleure nouvelle (je ne le connaissais pas avant et ai pu ainsi le découvrir, ce que ce recueil, au final, a pour vocation, enfin, je pense) c’est Grégoire Bouillier. Rythme haché, haletant. Histoire trash limite gore bref mettant assez mal à l’aise le lecteur. Ambiance réussie. Je ne dirais rien de Zeller parce que je ne connais pas assez et que sa nouvelle ne nous apprend rien. Quant à Liberati, si le talent consiste à placer deux ou trois marques et quelques mots bien sentis (genre sperme) alors il a du talent. Sinon…

  2. Merci de ce retour de lecture très intéressant et avec lequel je suis assez d’accord.
    Il faut que je relise plus en profondeur le texte de Bouillier alors. Si tu lis "Rapport sur moi", j’attends ton avis (avant de m’y engager éventuellement)!
    J’ai découvert aussi Valérie Mréjen, enfin surtout son livre l’Agrume qui a l’air pas mal, assez malicieux…

    • Doro-T sur 28 mars 2008 à 1 h 15 min
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    J’ai acheté le recueil à cause de Liberati : j’aime énormément ses romans (surtout le premier). J’ai été un peu déçue par sa nouvelle même si on retrouve son univers, son écriture. Je n’ai pas du tout aimé celle de Lélu. Quelque chose a dû m’échapper. Il n’y a que celles de Bouiller, de Rey et de Zeller qui ont un intérêt. Ainsi que le concept général : l’idée de composer une nouvelle à partir de la première phrase du premier roman de chacun de ces auteurs est juste géniale.

    • Ayé sur 28 mars 2008 à 15 h 15 min
    • Répondre

    Vu ce jour en trainant chez un libraire un truc qui s’appelle "remix" (affiché n°4 comme quoi il n’est jamais trop tard pour ouvrir les yeux). Autre concept intéressant: une nouvelle écrite par un auteur et deux autres qui la "remix" à leur sauce. On trouve Lélu (encore), Djian, Paviot… L’idée me semble intéressante mais cela vaut-il le coup d’investir ? (pas (encore) fait de mon côté).

    Question: La littérature se recycle et louche du côté du conceptuel (est-elle un art en retard ou un art (encore) en devenir ? Se cherche-t-elle ou se contente-t-elle de s’amuser ?

    Vous avez quatre heures pour me pondre une copie de six pages avec plan détaillé.

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