Dans la bibliothèque des blogueurs… Nicolas Gary, fondateur d’Actualitté.com

Nicolas Gary, fondateur d’Actualitté.com, a la gentillesse, le premier, d’accepter l’invitation pour nous parler de sa bibliothèque et de ses livres cultes. Une rencontre intéressante et étonnante :


Actualitté.com, « Une page de caractère », est désormais un site bien connu des internautes livrovores, qui en l’espace d’à peine 1 an a réussi une percée fulgurante dans la blogosphère. Chaque jour, près de 10 000 lecteurs viennent s’abreuver des dernières news du monde de l’édition et de la littérature, aussi bien côté librairie que de l’enseignement ou des bibliothèque et surtout de l’édition numérique, une des spécialités du site (avec la révélation de quelques scoops sur le kindle d’Amazon, le Sony reader ou encore le Cybook).

Avec près de 20 (sous-) rubriques et une trentaine de flux RSS, le site alimenté par une équipe de 5 rédacteurs, amis de fac, couvre un large panorama du livre (financier, mondial, éditorial, high tech, judicaire, et people…). Près de 30 billets sont ainsi postés chaque jour, de 6h à 19 h, du lundi au dimanche !
A l’origine de ce succès, on trouve Nicolas Gary, ancien prof de latin et de grec d’origine bordelaise, qui à la suite d’un voyage au Canada a eu l’idée de ce site consacré à l’actualité « qui manquait encore au cyber-paysage littéraire« . Ce même pas trentenaire affiche une passion pour les nouvelles technologies, à tel point qu’il ne lit plus désormais que sur son Cybook Gen3 et avoue qu’il n’a plus de ces massives bibliothèques de bois qui ont fait le charme des siècles derniers… Résolument Littérature 2.0, il apprécie la souplesse d’utilisation et le gain de place offert par sa mini bibliothèque portative qui peut contenir jusqu’à 150 livres, dans un format poche, de quelques dizaines de grammes seulement !

Au fil de la discussion sur les enjeux de l’édition numérique mais aussi sur sa gestion d’Actualitté.com,il impressionne par sa faculté à mêler une sensibilité littéraire érudite avec un sens économique créatif et innovant et une vraie culture techno ! Un autre article sera l’occasion de revenir sur ce sujet mais en attendant place à notre interview !

Quel est le livre qui t’a marqué enfant et/ou ado et qui t’a donné le goût de la lecture ?
Aïe… je vais mal commencer : ce n’est pas un livre mais une photo… Mon père adore la BD, et on me voit à l’âge de 2 ans ou pas loin en train de tenir une BD à l’envers et de lire. La photo a circulé partout dans la famille et l’on ma promis une carrière de grand lecteur. Par la suite, j’ai dévoré tout ce qui passait à proximité. Après, deux livres ont compté plus que tout : Cyrano de Bergerac, de Rostand – oui, je sais, c’est fleur bleue… mais je traînais ce livre partout avec moi au point que la couverture tombait en lambeaux. Je n’aurais probablement pas ce regard sur la poésie sans ce texte. C’est terrible d’ailleurs parce qu’il est considéré comme le fossoyeur du romantisme : avec Cyrano, il aurait mis fin à ce mouvement. Une drôle de récompense… L’autre, c’est la saga Dune de Frank Herbert. Jamais rien retrouvé d’aussi jouissif en SF… Une perfection je trouve.

Le livre qui t’as fait comprendre ce que le mot « littérature » veut dire (claque littéraire)…
« Vents. De Saint-John Perse. À la première lecture, j’avais un dictionnaire à côté pour comprendre la moitié des mots qu’il employait. Mais au-delà de mes lacunes de vocabulaire (rire), j’ai été soufflé – sans jeu de mots – par ce poème. C’est majestueux, épique : une évasion et un voyage sans fin.  »

Le livre que tu aimes lire et relire, sans jamais t’en lasser…
« Vents, justement. Mes premiers élèves m’avaient offert une édition Pléiade de l’oeuvre intégrale avant que je quitte l’Éducation nationale. Et Les Bacchantes, d’Euripide. J’avais assisté à Bordeaux à une mise en scène impressionnante de cette pièce : on naviguait avec modernité dans le texte, et le public se baladait littéralement dans la pièce, qui se déployait dans l’enceinte d’un bâtiment. On visitait les salles, on ouvrait des portes pour découvrir les comédiens. Ça m’a réconcilié avec le théâtre antique.
D’autant qu’Euripide est tombé dans le domaine public et que j’en ai une version sur mon lecteur de livres numériques. Vraiment pratique cette petite chose. »

L’auteur dont tu liras toujours tous les livres quoiqu’il advienne…
« Antonin Artaud. J’ai un goût prononcé pour la folie de son œuvre et ses textes ahurissant. Ce type est mort d’un cancer de l’anus après avoir écrit un texte intitulé À la recherche de la fécalité. Comment ne pas être intrigué ? Je recommande Pour en finir avec le jugement de dieu, pour commencer : c’est complètement malade… Exceptionnel, mais malade. »


Nicolas avec sa fidèle compagne de lecture… très baudelairienne !

Le livre que tu n’as jamais pu finir…
« Mince, y’en a un paquet. Proust, L’entretien infini de Blanchot, Le dernier homme de Margaret Atwood, Ulysse de Joyce, Cioran – j’ai à peu près tout essayé de lui… C’est pas faute d’avoir essayé pourtant. Par contre, on s’est fixé une règle pour ActuaLitté : les livres sont lus jusqu’à la lie, même quand on en bave pour les finir. Mais là, je triche, je me garde les trucs sympas. »

Le livre que tu n’as pas encore lu et que tu veux absolument découvrir…
« Celui que j’écris (rires)! Sinon, on m’a recommandé récemment Les Onze de Pierre Michon. Je vais me fier au conseil, mais je crois avoir eu le temps de lire tout ce que je voulais. Le Festin nu a longtemps été le livre qui me manquait mais depuis, pas de coup de cœur.
Avec ce que je lis chaque mois pour le magazine, j’ai mon compte de découvertes : je fais ce que je peux pour avoir un oeil sur les nouveautés et resté connecté aux œuvres passée. Un grand écart pas évident. Il faudrait que je me tourne plus vers la littérature latine…
 »

Le livre que tu recommandes le plus de bouche à oreille…
« J’ai redécouvert Julio Cortazar et L’homme à l’affût, mais puisque tu veux tout savoir, on m’a offert Le confort intellectuel de Marcel Aymé et Je vois Satan tomber comme l’éclair de René Girard. Un peu de jazz, une grande réflexion sur la littérature et l’influence dévastatrice de Baudelaire sur la création et quelques pensées sur le monde religieux. Voilà vraiment des bouquins qui gagnent à être connus et que je recommande avec plaisir. Histoire d’y ajouter une note contemporaine, je conseillerais tout particulièrement La société industrielle et son avenir, de Theodore Kaczynski. Une perle en période de crise. »

Le jeune auteur contemporain qui te semble incarner la nouvelle génération littéraire en France (et/ou à l’étranger)…
« J’aime bien Dantec. De la à dire qu’il incarne la nouvelle vague, y’a tout un ground zero à franchir… On peut difficilement passer à côté des auteurs publiés au Diable Vauvert pour se faire une idée juste de ce que les ‘djeuns littératurs’ font.
Maintenant, l’édition numérique propose des auteurs à découvrir, qui ne rentrent pas dans les cadres des maisons phares. Des surprises vraiment intéressantes, mais il faut chercher pour s’y retrouver
. »

Le livre que tu n’aurais jamais cru aimer / le livre que tu ne voulais pas lire et pourtant…
« Ça c’est vache ! Là encore, j’en aurais plusieurs à citer parce que je suis critique et qu’à trop entendre vanter les mérites de tel ou tel, on a plus souvent envie de ne pas y toucher. Mais je crois que Flaubert avec son Éducation sentimentale m’a le plus retourné : je ne suis pas grand amateur de romans, alors tu penses bien que là, il m’a fallu du temps. Sauf qu’une fois dedans, j’ai tellement ri, à votre son Frédéric Moreau rater pitoyablement tout ce qu’il entreprend… C’est tout de même le personnage, chargé de romantisme, qui par amour décide de se suicider en se jetant dans la Seine… et décide finalement que l’eau est peut-être un peu froide et qu’il vaut mieux remettre à plus tard. »

Merci Nicolas du temps accordé !

3 Commentaires

    • Nugues sur 29 mai 2009 à 9 h 58 min
    • Répondre

    Ah! quelqu’un qui aime et mets "au-dessus de tout" Antonin Artaud, cela me fait plaisir. Le grand Antonin est effectivement complètement givré, mais quel instinct génial sur les questions essentiels. Le Théâtre et son Double est un monument de poésie métaphysique. Cela n’a pas grand-chose à voir avec le théâtre mais beaucoup avec la vie.
    La vie d’Artaud fut une succession d’entreprises hallucinantes et hallucinées. Il la "raconte" sa vie avec une fureur qui n’a pas beaucoup d’équivalents.
    Encore un petit mot sur Cioran, je le surnomme le Jean-Marie Bigard des Carpathes. Moi j’arrive à le lire, il me fait rire (je dois être le seul). Mais je ne suis pas sûr que ce soit son objectif.

  1. ben non nugues si tu ris c’est juste que tu as compris cioran dont l’œuvre est pleine d’humour en fait…
    Ok un peu noir…

    a+

    yann

  2. Merci, je suis contente d’en savoir un peu plus maintenant !

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