Truismes de Marie Darrieussecq: Les « cochon(nerie)s » de la parfumeuse (+ recueil de nouvelles « Zoo »)

La normalienne Marie Darrieussecq alors âgée de 27 ans, publie en 1996 un premier roman – Truismes– que s’arrache les éditeurs (acceptés par POL, Grasset, le Seuil, et la collection bleue de Jean-Marc Roberts, chez Fayard à l’époque) et qui deviendra immédiatement un best-seller mondial (un million d’exemplaires vendu dans le monde, traduit en trente langues pour trente-quatre pays, qui l’affranchissent à jamais des affres de l’écrivain) : « J’ai d’abord eu le choc d’être publiée. Je me souviendrai toujours de ce mois de mai 1995 où j’ai reçu le coup de téléphone de P.O.L. Puis le succès a été en quelque sorte la cerise sur le gâteau et j’ai vécu une année de folie. J’ai connu l’adoration et la haine (l’écrivain Marie Ndiaye l’a même accusée de plagiat : « Ce qui pour un écrivain équivaut à un meurtre. Cela m’a appris que le monde littéraire ressemblait à une jungle, je me suis beaucoup repliée sur moi-même »). Ecrire, c’est être seule. Je me protège beaucoup. Cela m’a débarrassée de la peur ou de l’envie du succès. », se remémore cette épouse d’un astrophysicien, passionnée de sciences (« pures » et « fiction ») et amie fidèle de Virginie Despentes. Ecrit en 6 semaines (!) parallèlement à sa thèse de Doctorat (« Moments critiques dans l’autobiographie contemporaine. Ironie tragique et autofiction chez George Perec, Michel Leiris, Serge Doubrovsky et Hervé Guibert« ), Truismes est en fait son sixième roman. Les cinq premiers n’ont jamais été publiés mais avaient reçu les encouragements des éditeurs (notamment des éditions de Minuit à l’occasion de son premier envoi « Sorgina », signifant « La Sorcière » en Basque). Plus de 10 ans après, quelle lecture peut-on faire de ce premier coup d’éclat, cette fable sombre et dérangeante aux accents fantastique et tragicomique qu’elle qualifie de « manifeste littéraire » et qu’a donc de si exceptionnel ce petit roman au nom étrange ? (A noter qu’en cette rentrée littéraire 2007, l’auteur revient avec un roman relatant la douloureuse expérience de la perte d’un enfant. Dans « Tom est mort », la maman d’un petit garçon décédé à quatre ans et demi raconte l’histoire de l’enfant éphémère et faire perdurer sa mémoire).

Critique rédigée en 2007, mise à jour en 2020.

J’ai senti la nuit tomber sur ma peau. J’ai glissé du banc et j’ai dormi là, par terre, jusqu’à l’aube. Il y avait les rêves des oiseaux dans mes rêves, et le rêve que le chien avait laissé pour moi. Je n’étais plus si seule. Je ne rêvais plus de sang. Je rêvais de fougères et de terre humide. Mon corps me tenait chaud. J’étais bien. Quand le soleil s’est levé, j’ai senti la lumière couler le long de mon dos et ça a fait du jaune vif dans ma tête.

Truismes est un roman en forme d’allégorie qui peut se prêter à de multiples interprétations qui se révèlent au fur et à mesure des pages, au fur et à mesure que le lecteur découvre le troublant secret de sa narratrice. C’est ce qui lui donne sans aucun doute toute sa valeur. A mi-chemin entre le conte fantastique licencieux, la fable morale et la satire sociale, il nous raconte les péripéties d’une jeune femme moderne (le roman se situe dans un monde proche du nôtre mais aux vagues allures futuristes), victime d’un curieux « trouble corporel » : elle subit sa transformation progressive, par intermittence… en truie !

Sous la forme d’un monologue, elle nous confesse les premiers symptômes de cette mutation physique (sa chair qui s’arrondit et rosit jusqu’à la poussée de mamelles ou encore son aversion soudaine pour la charcuterie et son nouvel appétit pour les fleurs…), alors qu’elle partage sa vie routinière entre son travail de « démonstratrice-masseuse » dans une grande parfumerie et le logement de son compagnon assez rustre, Honoré rencontré à l’Aqualand. Mais derrnière cette façade ordinaire, la romancière nous propulse très vite dans un monde aux accents loufoques voire paranormaux, où l’on découvre que la grande parfumerie chic s’apparente plus à une maison close, où les entretiens d’embauche s’effectuent à l’horizontale, les dîners romantiques se finissent en orgie et rafle policière ou encore séance photo douteuse pour affiche de propagande politique tandis que les catacombes de Paris regorgent de crocodiles…

C’est dans ce contexte que la pauvre narratrice, victime souvent consentante (inconsciente ?) malgré elle, est ballotée au gré des évènements, d’homme en homme, alléchés par ses rondeurs « jeune, saine, fraîche et excitante » et tiraillée entre ses (bas) instincts bestiaux et sa volonté de rester « femme ».

MAJ 2020: A l’occasion d’une tribune intitulée « Le temps des femmes » publiée dans Le Journal du Dimanche, le 05/01/2020, en réaction à l‘affaire Matzneff-Springora et sur fond des movements « Me too » et « balance ton porc », Marie Darrieussecq a confié que Truismes avait été inspiré de son expérience d’abus masculins sur sa personne:
« Plus tard, jeune écrivaine, moi aussi j’ai été plaquée contre un mur rue de Rennes par un ‘grand écrivain’, moi aussi on m’a embrassée de force entre deux bacs à fleurs devant le Dôme, comme c’est chic, et pas si grave. Mais la gravité de ce qui arrive à d’autres me concerne directement et je les remercie de ce courage de parler et je pense à celles qui ne peuvent pas parler. J’avais balancé mes porcs avec Truismes. »

La réussite du livre tient sans aucun doute à la description de cette insidieuse métamorphose qui s’opère chez l’héroïne. Marie Darrieussecq est parvenue à restituer avec justesse et une certaine poésie épurée ce phénomène extranaturel pour le rendre crédible. Les réactions du personnage, entre détresse et émerveillement, sont assez touchantes et la rendent attachante au fil des pages même si sa fausse naïveté peut finir par agacer quand elle ne fait pas sourire : « Entre les grosses racines des arbres, la terre était éclatée, meuble comme si les racines la labouraient de l’intérieur en s’enfonçant profondément dedans. J’y ai fourré mon nez. Ca sentait bon la feuille morte de l’automne passé, ça cédait en toutes petites mottes friables parfumées à la mousse, au gland, au champignon. J’ai fouillé, j’ai creusé cette odeur c’était comme si la planète entrait tout entière dans mon corps, ça faisait des saisons en moi, des envols d’oies sauvages, des perce-neige, des fruits, du vent du Sud. »

La force du livre repose aussi ce que veut démontrer ou dénoncer l’auteur, sous une forme subtile (l’histoire prime sur la démonstration) et qui reste ouverte aux interprétations. En premier lieu, il y a bien sûr la marchandisation du corps de la femme et son aliénation progressive : « Je m’embrouillais dans mes états, dans les moments où il fallait que je simule ou que je dissimule. » Elle souligne d’ailleurs au cours de ses pages la lutte qui s’opère entre son intelligence et son rôle de femme objet, d’animal soumis aux désirs sexuels des hommes, opposant le corps et l’esprit tout en montrant comment l’un influence l’autre : « Je supportais de plus en plus mal certaines lubies des clients, j’avais pour ainsi dire un avis sur tout. Je me taisais, bien sûr, je m’exécutais, c’est pour ça qu’on me payait mais je me sentais que c’était mon corps qui ne suivait plus. C’est mon corps qui dirige ma tête, je ne le sais que trop maintenant (…) A l’époque je croyais qu’on pouvait faire payer son corps les yeux fermés… » Elle dépeint la cruelle condition de la femme qui mise uniquement sur son physique tour à tour brutalement convoitée ou rejetée (« Je voyais bien qu’Honoré résistait à l’envie de me jeter dehors. Je lui suis encore gré de sa bonté, de sa patience, rien ne l’obligeait à me garder puisque je ne l’attirais plus sexuellement.« ) et l‘obsession extrême des apparences « saines » mais en réalité corrompues.
« Truismes était d’une certaine façon un manifeste littéraire: l’aventure d’une femme aliénée (au point qu’elle ne se rend pas compte qu’elle est prostituée) qui peu à peu se libère des clichés pour trouver sa voix. Son corps, se transformant, lui signifie que maintenant, tout de suite, si elle veut survivre, il faut qu’elle se mette à penser. Ce qui lui arrive est inouï, n’a jamais été codifié par les lieux communs. Son expérience unique échappe aux registres sociaux. Elle doit donc inventer sa voix, vivre l’aventure d’une langue, qui à mesure que le livre avance et que le corps oscille de symptôme en symptôme, s’enrichit, se complexifie, en vocabulaire et en structure, pour se dégager des truismes (qui désigne les poncifs et autre lieux communs ndlr)« , a expliqué l’auteur dans une interview. Il s’agit donc d’un jeu sur le sens propre et figuré de l’expression « Truismes ». C’est ainsi qu’elle reprend aspect humain lorsqu’elle lit des livres par exemple.

La métaphore porcine se décline également sur d’autres facettes du roman : le gras, le vulgaire, le sale, la puanteur qu’évoque la truie qui se parfume « à la boue et à l’humus », s’oppose, a priori, au monde chic et haut de gamme de la beauté et de la parfumerie, un monde idyllique « qui sent bon ». Mais on réalise que ce monde n’est que factice et tout aussi puant qu’une porcherie, abritant derrière ses jolis flacons de cristal, la prostitution, l’exploitation, l’hypocrisie ou encore des charlatans… L’héroïne ne fait que réfléter à l’extérieur et au grand jour, toute la laideur intérieure de la société dans laquelle elle évolue, une société « où le groin ne fait pas toujours le porc » selon l’expression des Inrockuptibles à l’époque.

Cette transformation animale s’inscrit aussi au masculin avec la rencontre d’Yvan, un grand patron, qui lui se métamorphose en loup particulièrement sanguinaire les nuits de pleine lune. Elle étend l’interprétation que peut faire le lecteur du récit à la sauvagerie de l’homme en général. Pour Marie Darrieussecq, c’est aussi un roman d’apprentissage : « du passage à l’âge adulte ».

L’originalité tient aussi à sa forme qui tend vers le conte avec des représentations assez archétypales des personnages en particulier masculins : « le directeur de la parfumerie », « le président » ou encore « le marabout », des hommes de pouvoir qui asservissent la femme. On note aussi l’incursion de la magie, chère à la romancière, à travers la figure de ce dernier (qui lui fait boire de la « liqueur de pélican » ou la frictionne d’onguents…) mais aussi de la cliente « chaman » qui la croit enceinte.

Si certains ont pu déplorer la pauvreté de son style, d’autres ont au contraire plébiscité sa langue réaliste qui joue de l’oralité. L’humour ironique qui teinte ce monologue fait souvent mouche tandis qu’une certaine sensorialité se dégage notamment lorsque se manifestent les instincts primaires de la femme-truie, gourmande, émue par la terre, les oiseaux, la campagne… L’écriture sans fioritures de la romancière révèle une fausse trivialité bien plus profonde qu’il n’y paraît et donc assez novatrice. A ce sujet elle déclare : « Toute écriture vraie se joue contre les clichés, les « truismes », qui retiennent en arrière le mouvement de la pensée, qui ratent le flux de la vie, qui font verser le langage et l’homme dans l’aliénation et la mort. Cette écriture peut prendre de multiples formes, des plus simples au plus complexes; tant qu’elle est habitée par son auteur, elle est par essence poétique. » a commenté l’auteur à ce propos.

On pourra néanmoins regretter la seconde moitié du roman où elle dérive vers une dimension politique (thématiques de l’immigration, du « tout répressif », de la censure, ministère des « bonnes moeurs »…), inspirée des romans d’anticipation sur le totalitarisme (on pense à Orwell aussi bien pour 1984 que sur la Ferme des animaux où les cochons prennent le pouvoir mais aussi à Fahrenheit 451 de Bradbury quand un ouvrage de Knut Hamsun est brûlé), et qui fait figure de pâle copie. La succession de rebondissements, de course-poursuite, de captures et d’évasion s’avère aussi décevante. En revanche la fin du livre reste intéressante avec une ultime confrontation avec la mère, personnage hautement symbolique, dans sa porcherie ! On hésite entre plusieurs interprétations sur ce dénouement assez inattendu. Marie Darrieusecq défend-elle finalement une vision rousseauiste de la société où la nature représenterait le bien absolu, la voie vers le bonheur : « heureux comme des bêtes » comme elle l’écrit ? Devrions-nous ainsi mieux assumer nos pulsions animales au lieu de nous voiler la face ? Mais y a-t-il vraiment une morale dans cette histoire au fond ?

S’il est riche en « messages » et idées inscrits en filigrane, ce court roman n’avance, en revanche, rien de réellement nouveau et apparaît parfois assez manichéen. On peut notamment le rapprocher d’un Kafka (« La métamorphose » où un commis se réveille un matin sous la forme d’un cancrelat) ou plus récemment d’un petit roman assez intéressant sur ce thème : « Alice la saucisse » de Sophie Jabbès qui décrit également la transformation progressive d’une jeune femme aliénée par son image corporelle, en saucisse qui sera mangée par ses amants ! [Alexandra Galakof]

Paroles de l’auteur : Marie Darrieussecq
« J’écris des livres psychologiques contre la psychologie. Je ne me satisfais pas de phrases du type « Je me sentais très angoissée » ou « Elle était très heureuse ». Ces phrases ont été élaborées, tendues à leur point maximum, à la charnière du 19ème et du 20ème siècle, avec Proust. Ensuite, il y a la cassure Joyce: comment ça se passe à même le cerveau. Ulysse, entre autres livres, a nourri Bref Séjour chez les vivants. Je veux savoir ce que c’est, l’angoisse, le bonheur, la mer, un bébé, ce que c’est de l’intérieur, comme si c’était la première fois que j’abordais ces parages. Je veux dire au lecteur: « Voyez, sentez, entendez: ceci est une vague; ceci est une femme qui se perd; ceci est un cerveau qui pense ». Pour citer des exemples simples, les Impressionistes ont ouvert les yeux des humains en leur révélant que le monde est fait de taches et de lumières; le monde est aussi fait de formes vues sous tous leurs angles: c’est l’apport du cubisme à notre regard. Le monde est aussi fait d’électrons, de microbes, d’ondes, de planètes… bientôt sans doute de clones, d’OGN, de nouveaux sons, de nouvelles odeurs… etc… Je participe au mouvement permanent des défricheurs. Je veux ouvrir des yeux sous les yeux des lecteurs, des oreilles sous leurs oreilles, une nouvelle peau sous leur peau. A quoi sert un livre qui ne propose pas de voir le monde comme s’il se dévoilait pour la première fois ? Pour ce travail, il faut des phrases nouvelles, des formes nouvelles, de nouvelles postures d’écriture. » (décembre 2001)

« La science enrichit mon imaginaire, m’apporte des images, des métaphores et des fictions pour rendre compte du monde. »

« La littérature fantastique, c’est la peur du noir remémorée aux adultes. A l’échelle conjugale, familiale, sociale, ce qui est passé sous silence se fait entendre d’une façon ou d’une autre : c’est un des topos de la psychanalyse. Ecrire, c’est donner voix aux fantômes. »

Zoo de Marie Darrieussecq (recueil de nouvelles) : Entomologiste du genre humain…
Faisant écho à son premier roman « Truismes » (et ayant parfois servi à son élaboration en amont), Marie Darrieussecq publie en mars 2006 quinze nouvelles écrites depuis 20 ans, souvent sur commande, entre deux livres dont elles pourraient aussi, parfois, être des chapitres inattendus. Mères complexes, métamorphoses, animaux étranges (dont un intrigant chat), clones, fantômes… On retrouve toutes les obsessions de l’auteur sous la forme d’un bestiaire à la légèreté tragicomique, oscillant entre fantastique et horreur, que n’aurait pas renié un Edgar Allan Poe. Dans son préambule elle livre sa définition du genre : « une nouvelle, ce n’est pas un petit roman. C’est une idée qui vient sur les bords d’un roman, pendant son écriture. Une idée que le roman ne développera pas, parce qu’elle est juste à côté de lui (…) » On pourra notamment y lire sa première nouvelle « La Randonneuse » qui lui fait gagner le prix du jeune écrivain en 1988, un petit concentré d’angoisse où la victime apeurée deviendra une meurtrière cynique. Dans « Simulatrix », écrite en 2003 pour Les Inrocks, ella aborde sans langue de bois la sexualité féminine tandis que la dernière « Encore là » donne la parole à une jeune mère qui trouve les rêves « plus vraisemblables que le réel » (elle a également été publiée dans le recueil collectif « Naissances« ). A chaque fois l’imaginaire onirique, la folie (les pulsions meurtrières) et la science (les clones, notamment) s’entremêlent dans ces quinze textes rédigés rédigés entre 1988 et 2005.

5 Commentaires

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    • Nicole Pellegrini sur 16 décembre 2010 à 22 h 02 min
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    Que signifie l`écriture feminine? Elle signifie la présence du sexe féminin qui refuse de manifester d`être inférieur à l`homme et pour donner valeur aux oeuvres féminines.
    La femme a du faire un pas en avant pour défendre ses capacités;elle a pris conscience que l`homme l `avait placée <<au coin>> -sans possibilité de pouvoir changer la situation – et qu`elle n`etait pas un objet.Ceci a trouve lien dès que la femme a pu s`informer par la lecture pour pouvoir prendre position et la faire connaître.
    Depuis des siècles,il y a eu des femmes qui portent/pensent l`idée de leur propre valeur,dépassent le schema par le patriachat.Dans le questions imposé morale,économique,religieuses,une femme était obligée d`accepter le modéle fixé et sanctionner par le mariage….La femme a pris sa vie en main dans une société indifferente aux problèmes existentiels de la femme,non pas par l`egoisme typiquement masculin,mais pour assurer l`harmonie de la vie,l`amour familial,le futur de tous
    OÙ est le problème si une femme est supérieure en inteligence dans un groupe d`hommes,…à le reconnaître?…et peut-être pas seulement parce qu`elle a deux belles jambes à faire voir.

    • FOSFORUS sur 18 novembre 2011 à 18 h 29 min
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    PLAQUÉ AU SOL PAR CET OUVRAGE , J ‘ AI VOULU EN LISANT VOS COMMENTAIRES , JUGER DE LA QUALITÉ DE MA LECTURE ..
    ( LIVRE TROUVE DANS LES POUBELLES D’ UNE ASSOS CARITATIVE ! VRAI DE VRAI )…..

    • David sur 13 novembre 2012 à 4 h 33 min
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    La merde a du goût, mais pas chez Darrieusecq. Parce que cette fois-ci, elle a le goût amer du mercantilisme quand il est fait sans panache. « cette fois-ci’ c’est hier soir, décidé à comprendre ce que les élus -premiers romans- contenaient comme ingrédient miracle pour atteindre le Graal. J’ai donc entrepris d’agrémenter ma liste de course du jour -chez Gibert Joseph, grand libraire du quartier des éditeurs- de premiers romans contemporains. J’avais entendu parler de Marie Darrieusecq dont P.O.L avait tout de suite senti le potentiel (commercial ?). Le premier roman se nomme « truisme », est disponible en Folio, pèse 2 grammes et demi et est facturé 2.90 euro en occasion comme neuf. Le risque n’est pas grand, dire que pour moins du double on a un Mo yan de 500 pages, d’occasion lui aussi.

    Et vla que je me plonge dans la lecture de ce roman, traduit dans 30 langues, au succès annoncé retentissant puisque les estimations de vente oscillent entre 300 000 et 1 million d’exemplaires, mettant définitivement à l’abri son auteure dès son premier livre.

    Effectivement, l’entame accroche :

    « je sais à quel point cette histoire pourra semer de trouble et d’angoisse, à quel point elle perturbera de gens. je me doute que l’éditeur qui acceptera de prendre en charge ce manuscrit s’exposera à d’infinis ennuis. »

    Pas mal. Sauf que la suite est d’une platitude sans nom, parsemé de sexe, de stéréotypes (le directeur de parfumerie, l’ingénue masseuse qui masse, pompe, plote… et ne se reconnait comme pêché mignon qu’un goût pour les soutien-gorge.

    J’en suis à la page 25 et ce livre m’est une souffrance. Je lis, relis des phrases pour en saisir le sens caché et me dis « si j’étais stagiaire au service manuscrit, ce roman là passerait direct à la corbeille avec une grosse étiquette « fantasme primaire de ménagère ».

    Oui, mais P.O.L a flashé. Vla l’énigme. The P.O.L. Alors je me renseigne un peu sur le net et j’apprends que la Marie en est pas à son premier bain dans l’édition : en fait « truismes » est son 6 ème roman, les autres n’ayant jamais été publié. Mais remarqués. Par P.O.L, Grasset et même la prestigieuse collection bleue de J-M Roberts, patron de STOCK.

    J’apprends aussi que la fille est loin d’être bête, qu’elle est psychanalyse, a écrit ce roman, en moins de 3 semaines (là où un JE motivé aurait mis une nuit) en même temps que sa thèse, ses études sont prestigieuses. J’apprends aussi que la pauvreté de style de la Marie est chose admise mais qu’elle cartonne en librairie. Enfin, le roman va dériver vers une version archi-sucée de la métamorphose, que l’insupportable contentement de la narratrice sur son physique avantageux va se muer en sainte horreur d’un corps qui se transforme.

    Ouf ! j’avais peur d’avoir à me contenter de ces suites lubriques de phrase de 5 mots au plus où la psychanalyse raconte avec naïveté que prêter son corps pour quelques euros met du beurre dans les épinards (en plus de renouveler ses soutifs)

    Ma lecture date d’hier soir, le matin même ainsi s’achevait mon deuxième contact avec l’éditeur Dominique Gaultier, des éditions Le Dilettante : » ben oui, me dit-il avec la sagesse d’un Paul Presboilt aux élans dragqueen avec son veston lavande, le fond sans la forme, je dissocie pas »
    Il me répondait suite à mon interrogation sur le refus de mon manuscrit « le coeur gauche » dont sa stagiaire du mois avait seulement noté des négligences de forme et un style saccadé, prenant en peine de noter au bic des passages entiers de mon livre, ceux-là même qui ont fait ma gloire au concours d’extrait n°7& 8.

    Dégoûté que j’étais de devoir faire semblant de faire comme si j’étais heureux qu’une stagiaire est survolée mon livre, je le suis encore plus de constater que le style, dans ma perception du mot, c’est à dire un élan sublimé les mots, est désespérément absent des succès que notre époque connait dans ses rayons. J’ai feuilleté le nouveau Goncourt : pas renversant. J’ai commencé Joel Dicker, dont on assurait y’a encore 5 jours qu’il serait l’Elu : ça commence comme une série TV, de celle qui vous accroche le dimanche soir sur TF1, ça commence fort, ça promet beaucoup, ça bouffe votre temps, comblant des désirs coupables de luxure, d’évasion à deux francs six sous… pour au final se dire « et si j’avais ouvert un bon bouquin plutôt ? »

    prochaine victime : Zeller et « sa fascination du pire »

    Je suis déprimé à la seule idée d’avoir à finir la Marie

    • Adriaan sur 5 février 2013 à 13 h 08 min
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    I stumbled on this source of information. It has roused my curiosity. My explorations of French Literature has revealed an enormous gap in my knowledge. This is my first encounter with literary work that steps outside the perimeter of waht I have been taught in former years. Unfortunately old age does not leave me sufficient time to catch up, so I skip a lot trying to find avantgarde and unconventional visions, from which it is possible to muse on the times that will-pretty soon- come after me.

  1. Welcome to the « French literature », yes maybe it seems to be « avant-garde » for an english reader… 🙂

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