« L’homme qui marchait avec une balle dans la tête » de Philippe Pollet-Villard : le dernier protégé de Frédéric Beigbeder, éditeur

Avant de raccrocher sa casquette d’éditeur (et de faire son coming out dans le magazine « Lire »), Frédéric Beigbeder a eu le temps de commettre un dernier « coup », avec la publication du premier roman de Philippe Pollet-Villard, réalisateur de profession. « L’homme qui marchait avec une balle dans la tête », titre qui ne peut qu’aiguiser la curiosité dans la même veine de celui de Bernie Bonvoisin (« Chaque homme a la capacité d’être un bourreau… ou au moins son complice« ), relate la cavale poético-comique d’un « petit voyou » qui cherche un souffle et un sens au monde qui l’entoure. Ce sera étrangement ce plomb (qu’il ne pètera finalement pas), logé dans sa tête qui lui fera aborder la vie sous un nouveau jour… Un petit résumé de cet ovni littéraire, bien frappé, de la rentrée. Entre gravité et cocasserie :

« Petit à petit, c’est devenu clair pour tout le monde, y compris pour mon père, que j’étais devenu un gangster. Avec Bruno et Gros Marc nous vivions ainsi, dans la superficie des comptoirs en évitant toujours l’obscurité des coffres. Nous étions au sens propre du mot des saltimbanques, parce qu’en italien, salto in banco c’est l’art de sauter sur un banc, et qu’en Italie, un même mot désigne depuis toujours un banc et un comptoir. Nous étions donc des saltimbanques, très sûrs de notre numéro, et nous ne faisions pas la quête. » Jean-Pierre est issu d’une famille de casseurs de pierres, immigrés italiens. Lui, il choisira de casser…les coffres de banque. De vols à mains armées en hold-up, avec passage par la case prison, la vie de ce ce personnage « passe muraille » (qui passe son temps à s’évader, surtout lorsqu’il ne se trouve pas en prison), est un monopoly pleine de rebondissements et d’allers-retours entre liberté et cavale. Sans oublier ses histoires d’amour et de famille truculentes : entre Mylène sa soeur, redresseuse de torts, Massimo son ami d’enfance qui deviendra un commissaire de police accrocheur, Gros Marc l’un de ses anciens acolythes rangé des voitures, Elizabeth bourgeoise pure souche avec il essaiera de refaire sa vie…

Pourtant, à force de repousser les limites, il sera victime d’une balle dans la tête au cours d’un braquage de poste. Cette balle, il la gardera, vissée au cerveau. Elle va alors modifier sa perception des évènements… et donner un coup d’accélérateur à sa vie. « La vie était redevenue un mouvement, j’avais repris ma place dans cette agitation. »
La quête d’idéal n’en sera que plus rocambolesque pour cet illuminé qui envisagera alors le monde avec une philosophie loufoque toute personnelle. Jusqu’au (vrai) choc de sa vie : la mort de sa mère alors qu’il arrive en fin de peine carcérale…

Entre film à la Kassovitz et Buster Keaton matiné d’un soupçon de Tonino Benacquista et de Ravalec pour le style, ce roman à la fois odyssée initiatique et polar, ne manque pas d’étonner et séduira sans doute les amateurs du genre.

Extrait de l’éditeur :
« J’ai longtemps dit, la vie c’est un gros bastringue qui tourne, un manège huilé avec plein de petits véhicules posés dessus, tous bien différents. Au départ on a le choix : le petit camion de pompiers, le cheval noir, le cheval rouge, l’avion, la fusée, la diligence, le cochon qui vole, le dragon, l’hélicoptère, ça tourne et ça ne s’arrête pas. Dans ce grand manège, il y a des enfants qui prennent tout de suite leur place, par exemple sur le petit cheval après ils ne changeront plus jamais, leur vie, ce sera toujours le petit cheval. Ils n’auront rien essayé d’autre et même pire, ils n’auront jamais vu le petit camion de pompiers qui roulait juste à côté du petit cheval, ni la fusée qui clignote. Quand on parlera d’eux, ce sera le «petit cheval» par-ci, le «petit cheval» par-la et ils seront très contents comme ça. Plus tard on dira : il a toujours su ce qu’il voulait, il était né pour ça, son petit cheval, sa petite vie, son petit tour de manège toujours pareil. Ils croiront qu’ils ont choisi, alors qu’ils n’ont rien choisi du tout et rien vu non plus de ce qu’ils auraient pu voir et surtout rien compris au grand bastringue qui tourne dessous, de comment ça fonctionne dans les rouages tout en bas. Dans la graisse qui fume. Le grand panorama du monde en dessous. Les bas-fonds. »

7 Commentaires

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  1. Je suis en train de découvrir ce premier roman et j’y prends beaucoup de plaisir. On s’attache à Jean-Pierre, on a envie de lui crier: "non n’y vas pas! Tu le regretteras…" Il a la conscience de son inadaption au monde, de ses mauvais choix et à la fois une naïveté dans l’espérance du "dernier coup". Un gangster philosophe attachant.

  2. Merci Véro de ce premier avis sur cet auteur encore peu connu !

    • BENJJI sur 4 décembre 2006 à 12 h 29 min
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    EXCELLENT PERSONNAGE, excellent roman
    y a du audiard dans ce roman, dans ces mots, dans sa tete tout est bon

  3. Merci Benji de ton avis enthousiaste qui vient confirmer les premiers avis…

    • marie sur 12 février 2007 à 23 h 01 min
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    J’ai lu ce roman et je l’ai trouvé particulièrement bien et interressant. J’ai tout de suite été attirée par l’univers de ce livre. J’encourage l’auteur à continuer d’écrire des romans qui seront je pense aussi bien que celui-ci !

    • Marie sur 17 avril 2007 à 10 h 08 min
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    Errance d’un homme qui ne se situe pas dans cette societe et ses valeurs. Ce livre m’a paru très juste dans l’approche de l’univers carcéral, vu de l’intime: la folie, la dérésponsabilisation… Etant intervenante en milieu carcéral, il y a beaucoup de vérités évoquées et l’écriture est précise, juste. L’auteur a cette capacité de nous faire sourire, rire malgré la tragédie de cet itinéraire de vie. Bravo

    • mister sur 20 mai 2007 à 15 h 26 min
    • Répondre

    tres bon livre, bien ecrit seul merite de l auteur, l histoire ne sort malheureusement pas de son imagination!!

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