« Perspectives de paradis » de Bénédicte Martin : Instantanés de féminité, sensoriels et poétiques

Dans « Perspectives de paradis » de Bénédicte Martin, son deuxième recueil (après Warm-up en 2003), la jeune romancière, âgée de 28 ans, dévoile, à travers 25 courtes nouvelles (de 2 à 8 pages), comme autant d’instantanés dans la vie d’une femme, les jours ou les nuits d’attente amoureuse, de passion, d’ennui, de jalousie, de plaisir ou d’angoisse de jeunes femmes acidulées, romantiques, vulnérables, émouvantes ou sexy. Elle semble nous entrouvrir la porte, comme sur la couverture de son livre, de leur intimité, de quelques instants volés à leur Féminité…

Parfois réaliste, parfois conte flirtant presque avec l’étrange (comme Laëtitia qui s’égare dans son jardin un bouquet de liseron à la main… ou le papillon qui tombe amoureux de Cécile…), elles nous font voyager des « cieux jaunes » de Shangaï et ses filles « aux doigts fins commes des jeunes pousses de bambou » et « tétons roses comme l’intérieur d’un nénuphar » jusqu’à « l’eau crémeuse qui savonne les fesses des filles » d’une plage estivale, le jardin du Palais royal à Paris, Kensington Street à Londres, « les ombres mauves » du jardin du Luxembourg, Marseilles ou encore Nïmes…

« Des cinq bâtons de rouge à lèvres qui traînent au fond de mon sac, j’ai mis le rouge bolchevik, celui dont tu dis qu’il me donne l’air en colère.« 

Elle saisit avec la vivacité d’un croquiste, les petits détails qui plantent immédiatement une ambiance, un décor. Comparant par exemple le désir des garçons à « un vol de hannetons fous » qui monte « en volutes blanche, fushia, bleu pâle ou vert d’eau… », les seins des filles à « deux flamby gélatineux », les amantes à des « sultanes » pour leur amoureux…
Et ce titre « Perspectives de paradis », à votre avis que symbolise t’il ? Réponse à la page 57 !

« Elle porte une robe en coton. Une robe qui ne pèse pas lourd. Une robe faite pour l’amour. »

On s’y plonge comme on passerait d’un bain moussant et parfumé à un songe floconneux à un autre ou comme l’on grignoterait une multitude de confiseries colorées…
On ne fait que passer dans leur lit de sable ou de drap bleu marine constellés d’étoiles de muguet, sur leur serviette de plage, dans leurs aubes roses, dans leur « mer en papier d’alu froissé » fouettant des « rochers rouillés », dans les palaces (« lieux frais en cas de canicule ») ou dans les hautes herbes molles d’Allemagne…

« Les clous de ses talons aiguilles impriment son trajet sur la moquette ainsi qu’un petit chat l’aurait fait en courant vers son bol de lait ».

Comme dans son premier recueil « Warm-up », odeurs, couleurs et sensations sont omniprésentes dans son écriture très sensorielle et d’une sensualité élégante, non sans rappeler celle de Colette, dont elle est une fervente lectrice. Une écriture vaporeuse ourlée d’une grâce poétique (elle cite d’ailleurs quelques vers de Théophile Gautier qui se fondent parfaitement avec son style), à fort pouvoir d’évocation.

Ces héroïnes ne sont pas des « saintes » (comme le titre de l’une de ces nouvelles) mais tout simplement des femmes de chair…et de sens, « élégantes et frêles comme un battement de cil » ! Aussi fascinantes que leur auteur. Seul reproche à ces nouvelle délicates mais inégales, illuminées de nombreuses fulgurances : leur chute souvent précipitée (mais peut-être était-ce la volonté de l’auteur ?).

Lire aussi : Conversation avec Bénédicte Martin : Une délicate, scandaleuse malgré elle

Quelle est ta nouvelle favorite dans ce recueil : celle qui t’a donné le plus de plaisir à écrire ou qui reflète le mieux ton univers littéraire (Perspectives de paradis ?) ?

Bénédicte Martin : La nouvelle qui m’a donné le plus plaisir à écrire… J’hésite entre deux. Au colombarium et Le Bosphore en Hiver. La première car elle s’est imposée à moi violement et de manière évidente. Les mots ont coulés comme des pleurs. La seconde car elle est comme une démangeaison amoureuse, une berceuse lancinante. Elle est arrivée en trois jours, comme si c’était un texte que j’avais déjà écrit. Je trouve qu’elles reflètent bien mon univers littéraire. Elles sont à la fois amoureuses, poétiques, tragiques. A la limite de la poésie, avec des mots choisis ( sur lesquels je peux réfléchir des semaines et des semaines.) Certes elles sont un peu tristes, mais je les considère comme tout de même trés humanistes, positives.

Extrait « Le Bosphore en hiver » :
« D’amour pour toi, au matin, je pleurais des larmes rondes
qui roulaient sur l’oreiller comme des perles.
Elles rebondissaient, fuyantes, sur le carrelage de la chambre.
Brillantes et nacrées, vives comme des éclairs, bruyantes comme un collier cassé.
« 

2 Commentaires

    • sureau sur 5 novembre 2006 à 13 h 02 min
    • Répondre

    Bénédice Martin est passee chez Ardisson mais il ne l a pas laissé parler 1 minute de son livre.

  1. Merci de cette info. C’était dans quelle émission (sur Canal ou Paris première ?). Je l’avais vu chez Taddéi (Ce soir ou jamais) et c’était sensiblement le même cas de figure. Sexisme quand tu nous tiens… 🙂

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