Plaisir d’offrir, joie de recevoir : De l’art de -bien- offrir des livres (à Noël…)

Noël approchant à grands pas (marrant comme on pense toujours avoir le temps et où l’on s’y prend finalement toujours -en catastrophe- à la dernière minute !), il est temps de songer aux présents qui combleront nos proches. Selon une étude du cabinet Deloitte pour LSA, le livre tiendrait la vedette dans les cadeaux de fin d’année ! 34% des adultes en font leur cadeau le plus désiré, derrière les vêtements, autant que les cosmétiques et parfums, davantage que les CD et DVD et ils sont 48% a en acheter, soit davantage que des vêtements, cosmétiques et parfums et un peu moins que des CD et DVD ! Pourtant « le syndrôme du père noël est une ordure » est encore trop fréquent… La bonne volonté (et l’intention) sont certes toujours appréciables mais si en plus on vise juste, c’est encore mieux ! Quelques idées pour éviter le « book-faux pas »…

Le pauvre chéri, il était si heureux de vous offrir cette intégrale du Seigneur des anneaux. Des semaines qu’il jubilait d’impatience de vous offrir son chef d’oeuvre culte… Et lorsque le grand moment du décachetage est arrivé, il n’a pas vraiment compris pourquoi votre visage restait étrangement impassible voire un brin dévasté à la vue de ces trois pavés peuplés d’hobbits et autres créatures esotériques en tout genre…

Eh oui ! La régle n°1 lorsque l’on offre un livre (et tout cadeau en général) est de se mettre, autant que possible, dans la peau (et la tête) du destinataire, et non pas de raisonner en fonction de SES goûts.
Ce n’est pas parce que vous avez ADORE tel ou tel livre que votre dulciné(e) ou votre père adorera !

Si cela vous semble une évidence, tant mieux, mais force est de constater que dans la pratique cela reste encore trop peu répandu…
Mais qu’en est-il de la découverte et de l’effet de surprise alors ?, allez-vous me rétorquer (éplorés).
Et vous aurez raison ! Il faut aussi savoir innover et ne pas se cantonner aux sentiers battus en collant exactement à ses préférences.
Mais allez-y à petit pas et prudemment. Si votre collègue est une petite lectrice et ne dévore que de la chick lit de base, n’allez pas lui offrir l’intégrale de Kant « pour la changer un peu ». Proposez-lui par exemple un livre de notre sélection.
Le secret : restez dans le thème/ l’univers de prédilection mais variez le style ou inversement (et si possible élevez un peu « le niveau »). Faites goûtez, attisez la curiosité avec subtilité… et sans snobisme (« Comment ??? Tu ne connais pas cet auteur !! »). Le livre peut encore faire peur (image scolaire, de corvée, « impressionnante » ou complexe culturel…).

Conservez une caractéristique appréciée de votre destinataire et combinez-la avec une nouveauté inattendue.
En résumé : optez pour « le dépaysement en terrain familier ».

Autres exemples : vous avez affaire à un(e) fan de Bret Easton Ellis qui ne lit que de la littérature américaine, offrez-lui un Murakami (Miso Soup), auteur japonais dans la même veine (et donnez lui ainsi peut être envie de s’intéresser aux écrivains du pays du Soleil levant !) ou encore « Dernier réveillon » de Niccolo Ammaniti, en version italienne (un must !). Si votre chéri ne lit que des essais ou des manuels professionnels (oui, oui je connais ça…), tentez le roman d’anticipation avec une réflexion sociétale voire politique. Si votre maman en est restée à Emily Brontë et Flaubert, montrez-lui qu’il y a des romancières contemporaines qui méritent le détour ! Inversement pour quelqu’un ne lisant que des romans, une bio (romancée), des nouvelles ou encore un roman graphique peut très bien convenir… Le cadeau-livre réussi est celui qui fera plaisir mais auquel le destinataire n’aurait pas pensé à s’acheter lui-même.

Pavé ou « petit-moyen » livre ? Quand on aime, on ne compte pas, dit le dicton. N’effrayez tout de même pas votre receveur et privilégiez les gros volumes pour les lecteurs aguerris afin de ne pas décourager.

Livre de poche ou broché ? Je n’ai rien contre le livre de poche (on peut en offrir plusieurs dans ce cas). Après tout c’est ce qui est à l’intérieur qui compte !

Faut-il piocher dans les succès d’édition ou jouer la carte du livre confidentiel ? Tout dépend de la qualité desdits ouvrages. Misez sur une valeur sûre (en terme de ventes ou de notoriété de l’auteur) n’est pas une mauvaise idée, si vous avez affaire à un « petit » lecteur et si le livre est susceptible de lui correspondre (voir ci-dessus).Ou bien encore si vous ne connaissez pas bien votre destinataire. Si vous vous adressez à un lecteur avisé, privilégiez alors un livre moins attendu et piochez dans les petites maisons d’édition qui recèlent de pépites. Encore mieux : mixez les deux !

Faut-il s’en remettre aux prix littéraires ? Suite à notre sondage, il semblerait que peu d’entre vous leur accordent du crédit. Pour autant, le bandeau rouge fait toujours son petit effet au pied du sapin (outre le fait que sa couleur se marie très bien au vert dudit conifère !), surtout auprès de nos aînés qui ne jurent parfois que par eux ! Mais n’en abusez-pas…

Faut-il se fier aux recommandations du Buzz… littéraire ? Je suis très objective pour répondre à cette question alors je dirai : bien sûr (affaire à suivre) ! Sauf si pour vous la littérature s’est arrêtée à Proust…

Vous avez adoré un livre et vous aimeriez le faire découvrir, est-ce vraiment interdit après tout ?
Pas interdit mais à manier avec précaution. Encore une fois tout dépend du destinataire. S’il a sensiblement les mêmes goûts que vous ou s’il est ouvert à la nouveauté/l’inconnu, vous pouvez foncer !

Vous êtes écrivain ou auteur wanna-be : évitez quand même d’offrir vos propres livres ! Un brin narcissique voire gênant pour le destinataire (qui va se sentir « obligé(e) » d’aimer quand vous lui demanderez, fébrile et insistant(e), ce que vous en avez pensé…).
En revanche, dans tous les cas, n’oubliez pas d’accompagner votre livre d’une petite note écrite de votre plus belle plume expliquant pourquoi vous avez choisi de lui offrir ce ou ces livre(s) à lui (ou elle) et pas à une autre. Cela ne fera que lui donner plus envie de le dévorer et donnera une symbolique toute particulière au livre. Dans tous les cas, vous l’aurez compris, bannissez le livre « standard » que l’on offre à tout le monde sans distinction ou pire le chèque-livre. Per-so-nna-li-sez ! Enfin, offrez bien sûr un livre que vous avez lu préalablement (vous pourrez partager ensuite vos impressions) !

Offrir un livre est donc un art délicat. C’est peut-être le cadeau le plus intime que l’on puisse faire parce qu’il touche directement à la sensibilité de l’Autre et nécessite de bien le connaître, de faire attention à ses affinités (si vous êtes face à un non-lecteur, n’hésitez pas à vous inspirer de ses goûts ciné – le livre adapté peut aussi être une bonne idée dans ce cas- ou musique pour choisir son livre). C’est un cadeau précieux qui touche « l’âme », à grande valeur sentimentale, qui fait voyager et auquel on est susceptible de revenir souvent s’il est bien choisi. Le livre est enfin un présent très expressif, chargé de sens, sujet à interprétation (bonne ou mauvaise alors faites attention !) et réflexion. Il peut faire passer beaucoup (plus qu’un robot ménager multifonction ou le dernier parfum Chanel) qu’il s’agisse de se réconcilier, déclarer sa flamme, faire un clin d’oeil, envoyer un message d’espoir ou de soutien… Le langage des livres… et le pouvoir des mots… Bonne chasse aux livres ! (Et ne vous découragez pas si vous retrouvez votre livre intact au grenier en janvier, vous ferez mieux la prochaine fois !)

16 Commentaires

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  1. A mon avis dans les "34%" il y en a beaucoup qui voudrait les derniers livres de Julien Courbet ou de Pierre Bellemare, voir "l’autobiographie" de Lorie…

    • Laure sur 5 décembre 2006 à 10 h 13 min
    • Répondre

    offrir des livres de poche a noel c un peu cheap quand meme :))

  2. Y’a pire Laure: ma soeur offre de DVD gravés. C’est cheap ET cela spolie les auteurs.

  3. lol, excellent Joest. A quand le cadeau de livre par e-mail avec un lien (piraté) de livre à télécharger ?!
    Sinon pour les poches, ça ne me choque pas, si tu n’offres pas qu’un seul bien sûr et que cela.
    Là effectivement ça fait un peu radin de base. Il y a des poches qui ont fière allure (je pense aux 10/18) mais bon encore une fois ce n’est que l’apparence, ce qui compte c’est l’intérieur…

    • Laure sur 5 décembre 2006 à 11 h 03 min
    • Répondre

    le librio ça manque un peu de classe quand meme..
    il doit aussi y avoir dans les % la haut 1 bon paquet de livres de recettes de cuisine;

    • Yann sur 5 décembre 2006 à 11 h 19 min
    • Répondre

    C’est malin, j’ai recommandé et prêté quelques livres qu’ "on" a aimé, mais je n’ai plus d’idée.

    King kong théorie, peut être.

  4. tsss vous êtes des bourgeoises!! Entre pauvres on s’offre des poches et des 10/18 et on est bien contents!

    Sinon a noel j’ai toujours revendiqué la liberté d’offrir en plus du cadeau officiel un petit truc (livre film) que j’ai vu dans l’année et qui m’a fait penser à la personne, comme ça celui qui recoit regarde un truc bien et apres se damnade pourquoi je lui ai offert…
    ;)))

    yann

  5. pour ma voisine cette année j’hésite entre belle du seigneur ou un best of de Wham

  6. J’ai dit que j’étais POUR les livres de poche en cadeau. Ca ne me choque pas. Dans ce cas j’en offre plusieurs en général.

    mat, c’est pour ta voisine qui met des coussins sous son ventre ? Dans ce cas, offre lui Un miracle en équilibe de Lucia Etxebarria !

    • MonsterJack sur 6 décembre 2006 à 10 h 35 min
    • Répondre

    Pour Noël, on peut offrir aussi de belles Bandes Dessinées.

    Prenez-les grand format avec de belles couvertures cartonnées brillantes où reflètera le ravissement de vos convives.

    Prêtez une attention toute particulière à la richesse des couleurs, chaudes de préférence pour un accord parfait avec l’ornement doré de vos assiettes et également vives, ainsi leur éclat sera du plus bel effet avec vos verres multicolores.

    Enfin, choisissez un graphisme soigné. Gardez en réserve les albums de l’Association, vous pourrez les offrir pour les étrennes, car n’oubliez pas que Noël doit être consensuel.

    MonsterJack 🙂

  7. yann hs c’est moi? (yann xanadu?) tu peux pas me laisser comme ça, je veux ton com avec joyce !! ;)))

    Et pi le bourgeoise ne s’adressait pas à toi…
    ;)))

    yann

  8. …bon grosso modo je pense que : au dessous du volcan de malcolm Lowry…les deux premiers Fitzgerald aussi, l’envers du paradis et les heureux et les damnès, peuvent être des bonnes idées cadeaux…

    • MonsterJack sur 6 décembre 2006 à 19 h 59 min
    • Répondre

    Voilà, c’est tout ce que je suis capable de gagner dans un prix littéraire!

    Devant cet amère constat, je lance solennellement cet appel* :

    "Mauvais en tout genre, lâchons immédiatement le crayon et contentons-nous de lire les meilleurs!"

    * dénommé dans l’inconscience collective, "Appel dans la soirée du 6 décembre 2006"en mémoire de son auteur.

    The Stop ou Encore MonsterJack Tour

  9. …merci pour un miracle en équilibre…je les rapidement feuilleté hier…il semble idéal pour un certain style féminin…à offrir aussi en un registre contemporain je dirais aussi déboire d’augusten Burroughs et i pass like night de Jonathan Ames…

  10. Pour un miracle en équilibre je l’ai surtout cité parce qu’il traite de la maternité (et donc vu l’épisode du coussin, etc). Sinon il vaut mieux lire "Amour, prozac et autres curiosités" du même auteur qui est vraiment très bon, sur des madrilènes bien névrosées comme j’aime !

    • MonsterJack sur 8 décembre 2006 à 11 h 06 min
    • Répondre

    Bon puisque Alexandra me relègue aux chiens écrasés et autres faits divers, je vais essayer de garder tant bien que mal toute ma dignité pour cette petite chronique de Noël.

    En premier lieu je conseillerai « Corpus Christine » de Max Monnehay (venant de ma part, ça c’est une surprise !) pour la dorure de sa jaquette en parfait accord avec Noël…

    Initialement envisagé comme une nouvelle, elle en fera, sur les conseils d’un ami subjugué par sa façon d’aborder une idée aussi originale (un homme se retrouve confronté à la vie en position horizontale), un des romans les plus forts qui ai été donné à lire depuis le Surréalisme.

    Un roman à l’écriture indélébile, la plaçant d’entrée comme figure de prou de cette nouvelle vague à l’imagination inventive qui repousse toujours un peu plus loin la déjà vieillissante génération trentenaire quelque peu essoufflée…

    A chaque jour suffit son livre, la semaine prochaine, je vous parlerai du cas Houellebecq qui soulève une intéressante question : peut-on échapper à sa génération ?

    MonsterJack (encore !)

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