Interview de Franck Tirlot, l’éditeur du blogueur Brad-Pitt Deuchfalh : un premier « blook » chez M6 éditions

Poursuivant ma petite investigation sur la publication du blog de Brad-Pitt Deuchfalh (oui c’est bien confirmé cette fois !), j’ai donc contacté son très sympathique et blogophile (!) éditeur Franck Tirlot (photo ci contre, à gauche), qui a accepté de répondre à quelques questions par téléphone sur cette aventure éditoriale qui attire toute la curiosité des lecteurs. Elle marque une première chez M6 plutôt habitué à l’édition de livres pratiques mais qui s’intéresse aujourd’hui à d’autres domaines dont la fiction. Avis aux écrivains wanna-be !

Quelles ont été les circonstances de votre rencontre avec le blogueur Brad-Pitt Deuchfalh ?
Il nous avait écrit dans le cadre du magazine « Citato », un magazine édité par M6 et diffusé gratuitement dans les lycées, afin de présenter son blog, il y a environ 1 an et demi, dans la rubrique « Courrier des lecteurs ». Très vite, nous avons constaté le succès qu’il remportait auprès de nos lecteurs ainsi que des profs et documentalistes. Un vrai bouche à oreille existait. Parallèlement à cela nous cherchions (et cherchons toujours) des projets innovants pour le département Editions de M6. Nous lui avons donc proposé très directement de le publier. Après de nombreux échanges, cette offre a enfin pu se concrétiser, près d’1 an après notre premier contact par e-mail.

Qu’est ce qui vous intéressait dans le fait de publier un blogueur, tendance qui se développe certes mais qui reste minoritaire ?
La prise de risques est minimisée car on a déjà pu vérifier qu’il existe un lectorat sensible à la prose et à l’univers de l’écrivain. On voit que ça plaît. Par ailleurs, je suis à titre personnel un grand lecteur de blogs. J’ai participé au Festival de Romans où j’ai notamment animé une conférence sur le thème des blogs et de l’édition. Je souhaitais d’ailleurs éditer le blog « Police, etc » de Bénédicte Desforges mais Michalon* a été plus rapide ! L’édition de blogueurs m’intéresse même s’il reste rare de trouver de bons blogs avec un vrai talent littéraire derrière.

Pourquoi avez-vous eu envie de l’éditer (M6 Editions ne publie pas ce genre de livre habituellement…) ?
L’offre de M6 éditions est en phase de fort développement. Nous sommes d’ailleurs à la recherche de nouveaux talents/projets littéraire. S’il est vrai que nous étions surtout centrés sur les ouvrages pratiques jusqu’à présent, la fiction constitue désormais un nouvel axe. Nous avions déjà précédemment édité quelques livres jeunesse. Le but n’est pas de découvrir le prochain Houellebecq mais de faire découvrir des plumes dans un esprit jeune et décalé, impertinent, frais, moderne et surtout avec une vraie qualité littéraire.

Comment s’est déroulé le travail d’adaptation du blog en roman (textes originaux conservés ou remodelés sous une forme de roman ?) ?
Dans la mesure où Brad souhaitait que ses textes en ligne (contrairement à ce qui été effectué avec ses prédecesseurs : Ron l’infirmier, Le blog de Max, etc), le livre devait donc apporter quelque chose de différent même s’il va bien sûr rencontrer un nouveau lectorat. Plus du tiers de l’ouvrage est donc constitué de textes inédits. Un blogueur écrit par définition seul donc c’était l’occasion pour lui de se confronter à l’avis d’un éditeur. Je l’ai notamment guidé dans les axes narratifs à enrichir. On connaît sa vie par épisodes à travers le blog là le but était de raconter plus en détails son entourage comme sa famille ou la communauté Yavish. L’écriture d’un blog et d’un livre est quand même différente : ce n’est pas le même rythme, le même recul. Je me suis avant tout positionné en tant que lecteur pour l’aider.

Vous avez aussi décidé d’illustrer son propos, pourquoi ?
Je trouvais qu’il manquait une partie illustrée. Diego Aranega, connu pour sa série des « faux culs » avait un univers qui se mariait bien avec l’univers et le style de Brad. Son dessin « gras » est un peu voyou et verse dans la blague potache tout en restant subtil. Brad lui est un mélange d’un nouveau Salinger (L’attrape-cœurs) et d’un Petit Nicolas du quotidien.

Le livre est classé au rayon adolescent sur le site de la Fnac, c’est un souhait de votre part ?
Non, vous savez les libraires font ce qu’ils veulent. Pour moi, « La Vie Rocambolesque et Insignifiante de Brad Pitt Deuchfahl » peut se lire de 15 à 77 ans même si c’est parfois un peu cru ! C’est une histoire universelle, on a tous été des Brad Pitt Deuchfahl, c’est un cousin, c’est un meilleur copain…

Et la question que tous les lecteurs se posent : qui est vraiment « Brad Pitt Deuchfahl » ?
L’auteur m’a demandé contractuellement de respecter son anonymat, dés lors je ne peux malheureusement rien vous dévoiler… Toutefois sachez qu’il s’agit bien d’un être d’os et de chair qui aime beaucoup blaguer et que j’ai eu le plaisir de rencontrer notamment lors de la signature de son contrat !

* Publié sous le titre de « Flic« , vendu à plus de 30 000 exemplaires, puis sorti en poche et déjà écoulé à plus de 20 000 exemplaires.

Vous pouvez adresser vos manuscrits ou l’url de votre blog à Franck Tirlot qui cherche actuellement des nouveaux talents… Bonne chance !
M6 Editions
A l’attention de Franck Tirlot
46 rue Jacques Dulud
92575 Neuilly sur Seine cedex

Quelques extraits de « La Vie Rocambolesque et Insignifiante de Brad Pitt Deuchfahl » le livre, choisis par son éditeur :
« Ma sœur elle a 2 ans de plus que moi et 2 ans de moins que Crocheton. Elle est pile entre nous deux. Ma sœur elle se fout tout le temps de ma gueule et me dit que je suis qu’un petit puceau qui connaît rien à rien. Ça lui va bien de dire ça à ma sœur. Ma sœur elle croit que l’Ouganda est un singe. Ma sœur, son ambition, c’est d’être vendeuse dans une parfumerie, genre Sephora ou un truc comme ça. Pour avoir des parfums gratuits. Du parfum moi j’en mets pas. Mettre du parfum c’est comme mettre un chapeau, mais pour le nez. Et moi j’ai pas une tête à chapeau. »

« Aujourd’hui, 1er juin, j’ai 15 ans. Et la mode au collège c’est les slims et les blogs. Un slim c’est comme un moule-bite. Mais jusqu’en bas des jambes. Ça fait comme si t’étais tout nu, mais on voit pas ton zboub. Un blog : c’est pareil. C’est un journal intime, mais sur Internet. »

Une illustration signée Diego Aranega :

15 Commentaires

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  1. En complément, le site de Diego Aranega :
    http://www.diegorama.com/

    Et n’y ratez pas le blog de Viktor Lalouz !
    Trop lol mdr :o)

  2. Avis aux écrivains wanna-be ! ))) Je déteste cette expression. D’autant plus que c’est super péjoratif en anglais.

    Quant à Brad-Pitt Deuchfalh, son sens de l’humour me laisse de marbre.

    • half a person sur 9 novembre 2007 à 16 h 29 min
    • Répondre

    C’est un peu de la bonne deurm, non ? Du moins, ces 9 lignes.

    Et les réponses du Tirlot sont tordantes, je trouve.

  3. "bonne deurm" signifie t’il "bonne came" ou autre ? (je penche pour "autre" mais sait on jamais !)

    Sinon j’ai trouvé les réponses de F.Tirlot franches et sans langue de bois, ce qui est rare. Qu’est ce qui t’a fait rire plus précisément, je serai curieuse de le savoir ?
    En tout cas, wanna-be ou pas (pour les plaintes sur cette expression, voir avec Technikart !), il s’est montré très ouvert à recevoir des textes, ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour tous ceux qui cherchent un éditeur… et qui n’avaient peut-être pas pensé à M6 éditions (la concurrence en sera moins vive je suppose).

  4. "bonne deurm" signifie t’il "bonne came" ou autre ? )))) mdrr Alex joue pas ta vieille !

    • half a person sur 14 novembre 2007 à 11 h 19 min
    • Répondre

    "Le but n’est pas de découvrir le prochain Houellebecq mais de faire découvrir des plumes dans un esprit jeune et décalé, impertinent, frais, moderne et surtout avec une vraie qualité littéraire."

    "Un blogueur écrit par définition seul"

    " Brad lui est un mélange d’un nouveau Salinger (L’attrape-cœur) et d’un Petit Nicolas du quotidien."

    J’adore.

  5. lol, quoi c’est vrai j’ai plus 20 ans moi !

    Oui je comprends que cela puisse faire sourire d’autant que ma retranscription est forcément raccourcie. Par ex, qd il a évoqué Salinger (je corrige au passage ma faute sur le titre…), il a nuancé cette comparaison.
    Sinon sur la référence à Houellebecq, je me doutais que ça pourrait aussi surprendre. Je pense qu’il a en fait voulu rester humble étant donné que la littérature est une nouvelle orientation de M6 éditions et que forcément il y a des méga préjugés négatifs et tout le mépris qui va avec.

    Mais j’aime bien justement ce genre d’initiative, c’est encourageant de se dire que la littérature intéresse encore et qu’elle s’incruste dans un journal Mc Do ou à côté du bouquin de Valérie Damido… Que la littérature descende dans les Mc Do, oui je trouve ça chouette.

    Après bien sûr on peut dire que Brad Pitt Deuchfahl "ce n’est pas de la littérature" comme on a dit que Virginie Despentes ou Djian ce n’était pas de la littérature… etc, mais bon il n’en reste que c’est une voix, un univers, auquel certes je ne suis pas sensible, mais qui a son style bien à lui et qui a su emporter un lectorat au fil de ses textes.

    • half a person sur 14 novembre 2007 à 14 h 26 min
    • Répondre

    Virginie D. et Philippe D. sont de grands écrivains. Je ne me suis jamais remis de "Bleu comme l’enfer", ni de "King Kong théorie".

    "J’ai laissé coulé l’eau du robinet pour faire chier la terre entière. Et ça c’était signé Frank". Djian (bleu comme l’enfer)

    • half a person sur 14 novembre 2007 à 14 h 28 min
    • Répondre

    "couler", plutôt.
    C’est clair que je ne boxe pas dans la même catégorie.

  6. (half a person est un sanguin)

    Oui je partage ton avis à 100% sur P.Djian ainsi que sur V.Despentes. J’aime leur musique, leur phrasé mais je t’assure que tous les jours j’entends ou lis des gens qui considèrent que « ce n’est pas de la littérature ». Cela renvoie à ce problème d’enfermer la littérature dans des normes et des critères (qui n’ont pas de caractère absolu dans tous les cas) et de la subjectivité inhérente d’un jugement artistique, débat récurrent. Et là nous retombons sur Kant, Nietzsche… J’avais prévu de faire un billet là-dessus (en position n°107 sur ma liste des « J’avais prévu »… ;- )

    Sinon je réagis à ta phrase « C’est clair que je ne boxe pas dans la même catégorie. »
    et je remarque en même temps ton e-mail et donc ton nom.
    Révélatrice ta métaphore et très masculine cette approche j’ai l’impression. Cette rivalité, ce « combat » presque, même en littérature que l’on ressent chez certains auteurs. « Qui est le meilleur ? » en somme. Ca me rappelle une nouvelle je crois où Bukowski s’imaginait sur un ring justement contre Hemingway qu’il vénérait tout en complexant face à lui. Etrange…

    • half a person sur 16 novembre 2007 à 15 h 02 min
    • Répondre

    Non la plupart des mecs et nanas publiés ne sont pas en compète comme le suggère ton post précédent, il suffit de voir le nombre de gens qui refusent systématiquement les sorties en septembre, lui préférant janvier. Une façon d’afficher son mépris pour les prix (et leur légitimité inepte).

    Non, la seule compète qui compte, la seule ambition qui vaille (et là c’est d’une banalité merdique), c’est bien de progresser contre la facilité, c’est de travailler et de trouver de nouvelles idées, contre soi. Les autres on s’en tape, mais c’est bien d’avoir des modèles, des lueurs au fond de la flaque littéraire.

    Mon top ten en France (et là c’est hyper perso mais je trouve qu’on ne parle pas assez d’eux), ce sont eux :
    Eric Chevillard, Régis Jauffret, Marie Ndiaye, Richard Morgiève, Céline Minard, et Houellebecq (ok ça ne fait pas dix mais on s’en tape). Ces gens ont du style, et des idées. Beaucoup d’idées.

    • Aline sur 18 novembre 2007 à 12 h 10 min
    • Répondre

    Half a person > lis Brad-Pitt Deuchfalh, tu verras qu’il a beaucoup d’idées 🙂

    Tiens, essaye le 1er texte de sn blog : keiser.over-blog.com/arch…

    • half a person sur 18 novembre 2007 à 14 h 06 min
    • Répondre

    Ça y est Aline, c’est fait. J’ai lu. Je fais quoi maintenant ? J’attends la suite des instructions.

    Euh, je crois qu’on ne parle vraiment pas de la même chose. Lis Eric Chevillard, ou Régis Jauffret, tu comprendras peut-être mieux quand j’évoque leur style et leurs d’idées.

    Enfin ta naïveté est assez jolie. Peut-être.

  7. (a priori Aline = Brad)

    Sinon je réagissais en fait à ton analogie avec le « ring ».
    Je l’ai déjà dit souvent ici mais pour moi ainsi que ceux qui m’aident sur le Buzz littéraire, l’appréciation d’un texte, d’une voix finalement, est très personnelle.
    Ce qui me bouleversera, me fera vibrer laissera peut-être de marbre ma voisine ou mon voisin. Devrais-je le leur reprocher ou les accuser de « n’y rien connaître » ?
    Non, franchement ça ne me viendrait pas à l’idée.

    Pour en revenir à la prose de Brad-Pitt Deuchfalh, comme Kébina ou moi, tu n’y as apparemment pas été sensible. C’est notre droit et personne n’a à nous le reprocher.
    De même que je respecte ceux qui se sentent toucher par son univers, sa « gouaille » ou encore son humour.

    J’ai même lu des rapprochements (de lecteur) faits avec Pagnol ou Marcel Aymé sur son style (moi il m’a plutôt fait penser à Titeuf mais bon…) ! Comme quoi… 😉

    • half a person sur 19 novembre 2007 à 16 h 14 min
    • Répondre

    Oui Alexandra, j’ai écrit "peut-être", parce que je trouvais qu’Aline était un peu trop parfumée au BPD, je la trouvais très concernée dans sa réponse et surtout très bien renseignée, très au fait du truc. Eh eh, pas très malin l’animal. Faut voyager entre les adresses ip Chéri.

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