« Beau rôle » de Nicolas Fargues : One man speech

Après le grand succès de « J’étais derrière toi » et de « One man Show »), Beau rôle suscite d’ores et déjà l’engouement (déjà en ré-impression). Roman d’époque sur les différentes notions de la différence (le métissage…), l’identité masculine, les femmes ou encore les vanités… Hommage à l’auteur comparé par notre lectrice enthousiaste à Kundera, Modiano ou Bruckner :

Beau Fixe…
Dans cinq ans, je serais…
Dans dix ans j’aurai…
Dans quinze ans on me…
L’avenir occupe un homme
L’avenir presse un homme
L’avenir a de larges poches et l’une d’elles précisément épouse
………………………………….la forme virile d’un pistolet
Un regard sur une carte : la germe l’ivoire, le tungstène
Il fait NOIR dans cette île où accoste un homme
Voix et gênes se cherchent, ———-tout est mal réparti
Je ne reconnais plus mes silences, dit une femme angoissée, dont le visage n’est pas à décrire, à la douane on déclare ses souvenirs d’enfance, un homme est seul dans une rue qui est la seule rue d’une île, on a donné à un homme de fausses adresses dans une île des plus closes,
vous n’aurez qu’à vous recommander de moi et vous vous verrez choyé et entouré, mais un homme est des moins choyés et des moins entourés, dans une île, qu’il ne prévoyait pas aussi close,
il y a un bateau par génération , lui dit-on, d’un air las, au bureau des renseignements d’une île,
dans vingt ans un homme voguera de nouveau
l’avenir en tête,
la tête BLANCHIE.

Le signe le plus obscur (1977)
Poème adressé à Marthe El Kayem le 11 décembre 1945

Ce poème de Georges Henein m’évoque deux scènes du roman de Nicolas Fargues.. Deux scènes de la seconde partie du roman, deux scènes qui se situent aux Concordines. Celle où le héros arrive sur l’île avant de retrouver son père malade, ainsi que celle où il a honte d’être un français métis après un soir de meeting électoral, après s’être senti « lâché » par les siens.

Préambule : Les mots sont faits pour circuler, sous toutes les formes, d’ailleurs ils n’ont jamais autant circulé qu’aujourd’hui, via mails, sms, lettres, blogs, livres, messages de toutes sortes. Les mots c’est du vivant, on y baigne pour tout dire. Les mots offrent une perspective inédite à toute autre forme d’expression, et puis, pour qui est à l’affût de nouveaux êtres, de nouvelles âmes, les mots sont ce tremplin formidable qui me permet d’être là au bord, à vous regarder passer, à vous voir, vous sentir et ressentir, vous les écrivains, et, parfois, les réponses et les réflexions que vous me témoignez dans vos œuvres ne sont jamais en définitive que des supports pour consolider mon intuition. Ne peut-on pas parler de filiation, voire de consanguinité, comme me le disait récemment l’un de mes amis écrivains, entre ceux qui écrivent, écrivains, écriveurs, écrivants, -le mot le plus juste ?– et les lecteurs, simples lecteurs ou écrivailleurs à la Montaigne que je suis, écrivant en devenir, bref, tous les partisans et artisans du mot. Je crois que nous sommes de la même famille, j’entends par famille : collectivité macrocosmique ayant pour territoire le mot et tous ses subterfuges, et ses déclinaisons. Oui, je crois que nous possédons les mêmes gênes. Sur les étagères de ma bibliothèque, trônent fièrement des centaines de livres que je ne compte plus : auto-fictions, autobiographies, essais, biographies ouverts une bonne fois pour toutes. Car, les livres, je ne les referme jamais. Ils m’accompagnent dans ma vie de femme. Tous me racontent vos tranches de vies, comme autant de voyages immobiles, inédits et silencieux, des passages mystérieux dans lesquels je m’engouffre. Par votre liberté romanesque, par vos astuces stylisées, par votre ruse, par votre talent, par votre imaginaire débridé et fertile, par la vraie vie qui vous mène, ou vous malmène, par l’usage tout personnel que vous faîtes du mentir vrai, d’abord, vous m’apaisez, ensuite, j’ai vraiment l’impression, d’être pris à témoin, en otage. Ou d’être l’un de vos hôtes, embarqué dans vos mésaventures. En autre lieu et place que cette mémoire vivante et palpable qui porte le nom de LIVRE, je ne saurai rien de vous. Vous acceptez de lever votre réserve et c’est alors une connivence qui s’instaure quand je vous lis, quand je tente d’aborder votre intelligence, quand je tente de vous comprendre, et de vous « attendre ». Guettant, ou ensommeillée, ou à l’affût, je disais, ou réfléchie, le moment où quelqu’un qui parle pour vous – la voix secrète- va vous dévoiler…Souvent, vous avez expié vos fautes, vous m’avez demandé ma main, vous m’avez fait attendre, vous m’avez respecté, vous avez fait en sorte que je m’égare dans votre histoire, vous avez pris soin de moi, vous m’avez fait souffrir, pleurer, vous m’avez invité à boire un verre, et puis aussi, vous m’avez craché dessus, puis vous m’avez insulté, puis vous avez imploré mon pardon.. En 2006, l’un de mes auteurs préférés, Nicolas Fargues, a ouvert son cœur à la lectrice que je suis en me racontant une histoire qui m’a touchée au plus près. Le narrateur, mis à mal dans une singulière et dramatique rupture amoureuse, se livrait entièrement, bouleversé, avec sincérité. «Ecrire est une façon de veiller.». disait encore Henein. Dans une synchronicité muette entre lui auteur, et moi, lectrice, par la grâce de ce lien tendu de l’écriture à la lecture, où LE MOT est exploité à cent pour cent, j’ai certainement veillé autant de jours et de nuits pour panser les plaies de ma propre histoire, équivalente à celle de l’auteur à l’envers, qu’il a fallu à Nicolas Fargues de jours et de lunes pour écrire cette douloureuse tranche de vie et ainsi, faire en sorte que le lecteur se sente absorbé au point d’incarner, VIVANT, celui qui va lui dispenser de la consolation. En 2007, Nicolas Fargues a reçu le prix Saint Valentin pour ce livre très important, « J’étais derrière toi », plébiscité, on s’en doute, à la fois par la critique et le public.

Janvier 2008, paraît le 6ème roman. Je l’ai adoré. C’est l’esprit comédie de moeurs et le ton satirique, avec lequel renoue l’auteur. J’ai retrouvé un peu du climat de deux précédents romans, quelques relents de Rade Terminus par le coté fougue, genre je dis mon désaccord, un peu comme si nous en avions été aux prémices de Beau Rôle dans Rade Terminus et que celui-ci, le dernier, virulent, venait confirmer son obsession bipolaire Noir/Blanc – qu’on peut élargir à l’infini (Vice Vertu – Enfer Paradis) -, ainsi que quelques similitudes avec One Man Show- d’où le titre de ma tribune – pour l’aspect « époque actuelle de la représentation ». Avec Beau rôle, j’ai le sentiment d’avoir lu le roman de la confirmation, ou appelé aussi le roman de la maturité. Impression palpable que l’auteur, comment dire, aurait franchi un palier supplémentaire, comme aux courses, dans le niveau de compétence : donc, belle énergie réaliste couplé d’un imaginaire fertile, grande maîtrise analytique, une belle consistance pour cet auteur dont le narrateur est tour à tour drôle, caustique, quelquefois pathétique, quelquefois insignifiant, sidéré et sidérant, tout et son contraire, orgueilleux et fêlé, touché et touchant, mais surtout désenchanté, désoeuvré, à l’image de l’époque..

J’ai eu le sentiment de lire un homme qui livre un plaidoyer en faveur des « blacks », quelqu’un qui prend à cœur le fait de nous expliquer son engagement pour la cause black ou quelque chose qui ressemble à cela. Quelqu’un qui veut partager son obsession existentielle, en déployant un discours flamboyant et dense et engagé et que les thèmes secondaires ne sont que des supports pour étayer cette rhétorique. Quelqu’un qui, authentique et vrai, parle passionnément de l’altérité comme d’un combat, qui, aussi, je trouve, s’abrite derrière l’altérité pour ne pas parler pudiquement, d’altruisme, qui tourne en dérision la vacuité de son anti-héros, celui-ci n’est cependant pas dupe..(je le répéterais beaucoup ce mot). On sent aussi quelqu’un –toujours l’auteur- qui est dans le rapport de forces. Et de roman en roman, ce rapport de forces se précise, surtout dans le rapport amoureux. ou dans sa relation avec les femmes. Quelqu’un qui – toujours l’auteur- assume son statut de blanc occidental « névrosé » du mieux qu’il peut, concède sa chance d’en être mais ne peut pas ne pas manifester sa hargne. Nicolas Fargues donne plus que parfois l’impression, de façon incisive, d’être horripilé par ici, par l’esprit d’ici…

C’est le roman d’un homme de son temps. Le narrateur est à la recherche d’un équilibre, contrarié, aliéné à ses ambivalences, victime de ses paradoxes. Qui ne sait pas comment surseoir ou être ou apparaître. C’est le roman le plus intéressant de l’auteur, le plus politique, réellement politique, le plus provocateur, celui aussi où il fait preuve de panache, et je le crois, le roman plus personnel. Plus personnel encore que « J’étais derrière toi ». S’il est personnel, ce roman, c’est d’abord parce que l’auteur prend des risques en provoquant et en livrant un point de vue mordant en totale opposition avec la pensée unique du moment, cette pensée frileuse et convenue. Je pense que c’est un livre courageux. Je ne vois pas trop où est la retenue. Le narrateur n’est donc pas dupe, qui donne l’impression de supporter ses habits, un jour trop grands, un jour trop petits pour lui. Nicolas Fargues surfe sur la vague des sujets actuels. Je ne vois pas comment on peut lui en faire le reproche. Il me semble que c’est le propre de tout écrivain, d’être censé décrire par le menu l’époque dans laquelle il vit. La force de l’auteur, ici, c’est de proposer un point de vue à rebrousse-poil.. Fargues nous sort un peu de nous-mêmes. Il nous oblige à voir plus loin, à concéder autre chose. Je trouve que c’est sain. En nous conviant au cinéma, en opposant littérature et cinéma, d’une certaine façon, il nous invite à nous remettre en cause. Il propose une opinion neuve. C’est vraiment bien. J’ai beaucoup aimé.

Parmi les 547 ouvrages de la rentrée de janvier, c’est l’un des dix que la scène littéraire retiendra.

C’est un livre sur la différence et ses différentes notions. La différence, cet écart, cette distinction, cette opposition. Ce qui confère un statut (notoire) de blanc à un autre (notoire) de noir. Différent. Différence dans l’alternance aussi, entre le syndrome de supériorité ou d’infériorité. Statut de faveur ou de défaveur. Je m’autorise cette synthèse : différence exploitée dans un champ large, et quatre pôles sur lesquels l’auteur nous sollicite – donc, Noir et son opposé le blanc, la personne célèbre et celle qui ne l’est pas, donc « le commun des mortels » ou « star montante », nos 20 ans d’hier et d’aujourd’hui, nos 20 ans d’hier et le sentiment de n’avoir pas pris une ride, d’avoir toujours 20 ans mais… Et puis, quatrième nuance, la banlieue et la ville lointaine. Avec une ironie grinçante, l’auteur met en scène son anti-héros qui passe son temps à évaluer son équilibre personnel ou son déséquilibre plutôt, entre gêne quand il se sous-estime et vanité, quand il se sur-estime. La différence, oui, comme une obsession entêtante. Savoir pourquoi on est différent. Je regrette néanmoins, sans donner l’impression de plaider la cause du consensualisme ou de faire dans le bon sentiment à tout prix qu’il n’y ait pas un propos sur l’unité dans la diversité. Différence n’est pas discorde. Par la différence, on recherche l’unité.

Nicolas Fargues prend prétexte d’un antihéros – il s’agit d’un personnage de fiction, forcément le propre du lecteur, c’est de croire ce qu’on lui dit, il faut croire à ce qu’on nous demande de croire. – comédien métis avec lequel il mesure tous ses entre deux. Où il tente de comprendre pourquoi « ses îles se noient » et « ses ailes se froissent ». C’est l’exploration du double-je et du double jeu. Il se mesure à lui-même. L’auteur livre ainsi une expression extraordinairement riche pour dire son malaise sur l’immigration, sur l’époque, et nous livrer des digressions passionnantes sur la colonisation. On suit donc les périgrénations d’Antoine Mac Pola, quitté par une belle espagnole dont il ne se remet pas, depuis un lycée du 94 jusqu’à Saint-Pétersbourg, en passant par les Concordines, où l’on se prend à vérifier, sans jeu de mots souillon, que rien ne concorde justement, ou pas tant que ça, ou que l’on s’ac-corde ! du mieux qu’on peut, entre noirs et blancs, et que les vies parallèles se vivent nécessairement sous le sceau de l’amalgame, de l’équivoque et de la confrontation.. Les disparités, les susceptibilités, la hiérarchie des relations utilitaires, les écueils entre les gens ou les moments émouvants où l’on sent les gens « en fuite », en trouble identitaire, composent ce théâtre lumineux et opaque à la fois, des vanités où l’émotion et la sensibilité ne sont pourtant jamais absentes. Tout au long du roman, on suit ce bel acteur qui se la joue, qui envoûte, voire qui vampirise, s’essaie, dissèque, doute, suggère, argumente, vit. Autant que lui-même semble envoûté, aliéné et soumis à sa propre fascination pour la célébrité d’une part, et pour l’actrice odieuse, d’autre part, avec laquelle il compte bien décrocher le « beau rôle ». Alternance d’autodénigrement et d’agrément pour soi-même. Beaucoup d’autosuggestion aussi chez Fargues, comme s’il se parlait en permanence à lui-même. En fait, c’est toujours la même histoire ! De roman en roman, le personnage masculin est un « caballero » qui mise sur le mauvais cheval en oubliant toujours, oui, toujours, que le sien est à bascule !!

C’est un roman sur l’identité humaine. Sur la colonisation. Sur les expatriés. « la Honte d’être français, français noir ». Cela, je l’ai reçu en pleine figure. Je trouve que ça fait mal. Un homme, le père malade, colonisé, livre un laïus des plus bouleversants. Ce sont les Concordines. L’antihéros est dépouillé de toute représentation publique. Le discours engagé de l’auteur se déploie, sensible. Il n’aime pas l’hypocrisie, c’est le moins que l’on puisse dire. La seconde partie est brillante. Passionnante. Le propos délivré autour des complexes de supériorité de l’occidental, de ses bonnes intentions, de sa culpabilité héritée du colonialisme, de ses tentatives de se disculper par l' »apitoiement « , la « candeur », le « masochisme », la « haine de soi », de son antiracisme primaire sont des coups de pied dans le derrière de la bien-pensance. La différence entre noir et blanc semble ici particulièrement exacerbée. Nicolas Fargues dénonce avec fougue l’esprit de supériorité du blanc qui pense pouvoir tout s’approprier : « La pitié devient une modalité du mépris dès lors qu’elle monopolise et informe à elle seule l’image de l’autrui lointain « .
Fargues est sur la même ligne que Bruckner que l’on ne peut pas ne pas citer. Eux, ailleurs. Autrui lointain. « Et ce drôle de mélange, où le bourreau prie la victime de le racheter de ses péchés ». Avec Nicolas Fargues, je trouve qu’autrui n’est plus lointain. Il est différent. Et pourtant… Bruckner plaidait pour une « solidarité relative « , une troisième voie entre la débauche de donation et la bonne conscience égoïste. L’exigence absolue, c’est de se sentir, non pas coupable, mais responsable.  » Responsables, oui, puisque le devoir de tout homme est d’aider les autres à vivre lorsque ceux-ci en sont réduits au plus extrême besoin. Aux Concordines, Nicolas Fargues dépeint le sentiment de colonisation en expliquant le ressenti des habitants de l’île avec justesse. On peut dire qu’il s’absout totalement de la convenance qui sied à la bonne conscience. « Expatriés petits blancs racailleux » « voir ce qu’il y a de blanc dans le noir et de noir dans le blanc » « considérer les aptitudes naturelles ». Et en souterrain, une envie jalouse et pas forcément contextuelle « du blanc » qui vous arrache à vous-même ou vous fait souffrir.
J’ai beaucoup aimé les personnages féminins, l’observation des situations et des corps.
Le sentiment de discrimination raciale et la difficulté du métissage s’évaluent facilement dans ce roman qui dit tout. J’ai bien aimé Thomas, un des demi-frères d’Antoine, qui, comme par hasard, s’essaye à la politique. Et avant son départ, avec le second mari de la mère, Antoine enfonce le clou au sujet de la politique immigrée de la France.. Ce que j’aime chez Fargues, c’est cette faculté de toujours tout voir en citoyen humain, de toujours tout cerner par le filtre politique d’une façon extrêmement fine et concise. Ou l’art de dépeindre des micro-sociétés, avec leurs rites, leurs réalismes, leurs malaises et leurs non-dits avec pas un mot en trop. J’ai préféré cette seconde partie à cause de sa profondeur et de son discours. J’ai aimé cet exotisme auquel nous convie l’auteur et Marie-Pascale et Sandrine. Et Antoine, bien qu’il raisonne comme un blanc, n’est pas attiré par les femmes noires : on dirait que le corps et la tête sont susceptibles, qu’il n’y a pas d’adéquation préalable de la chair et l’esprit, normal, la personnalité d’Antoine est un peu hirsute, un peu dissociée, « ni réellement blanc », « ni réellement noir ». Antoine est déchiré entre deux cultures, une mère blanche et un père noir. Le père, cinglant : « tu ne seras jamais des miens parce que tu n’es pas tout à fait noir » Bref, Antoine donne l’impression d’agir aussi par mimétisme, entre sa part d’ombre et son prétendu succès, il erre. Les pages 118-119 m’ont particulièrement touchées. Digression très forte sur le racisme, « la discrimination dès le plus jeune age, quand on te fait sentir que tu es différent » ainsi que l’observation très juste des dommages collatéraux relatifs à cette différence là. Du début à la fin du roman, que ce soit par le biais des exemples cinématographiques français et américain où l’auteur s’emploie à démontrer et à tenter d’expliquer pourquoi l’individu black est mal employé, l’occasion est toute trouvée de donner un baiser franco-français quelque peu empoisonné. La salve anti franco française avec notre suprématie culturelle est d’ailleurs bien démontrée. Fargues le dit avec beaucoup de discernement. Sa lucidité est étonnante dans cette façon d’épingler la médiocrité de l’époque. C’est donc aussi un livre engagé contre notre confort, notre cloisonnement intellectuel, notre état d’esprit plutôt fermé. Je m’interroge : sommes nous si minables ? J’ai bien aimé, je le précise, l’utilisation du support cinématographique par rapport à la littérature justement. Parce que l’homme occidental est absorbé par le monde de l’image et voit ses rêves et ses illusions se profiler sur un écran géant.

Et puis, voyez, ce n’est pas seulement une affaire de couleur, c’est une cohérence : l’individu blanc ne peut pas parler du racisme noir.. Et le message majeur me semble être : nous les blancs, on cherche à s’affranchir de nos préjugés… C’est peut-être vrai pour certains. Mais pas pour tous. Je n’écris pas pour la ramener mais je ne souffre aucun préjugé. Je n’ai aucun tabou. [Laurence Biava]

2e partie à lire ci-dessous en commentaire n°5 : La vanité, les femmes, l’identité masculine, le temps ou encore le « style Fargues »…

5 Commentaires

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    • laurence biava sur 23 janvier 2008 à 10 h 06 min
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    Je signale le dernier entretien en date, découvert hier soir, celui de Nicolas Fargues avec les journalistes des Inrockuptibles, article intitulé "les perdants magnifiques" dans le dernier numéro daté du 22 ou 23 janvier..Je vous laisse le découvrir, on en reparle plus tard. Bises. lo

    • laurence biava sur 23 janvier 2008 à 13 h 32 min
    • Répondre

    A propos de Nina Bouraoui : voilà quelqu’un qui m’a marqué aussi,dont j’aime les romans. J’en parlerai un jour ici.
    Pas vu de Nicolas hier soir chez Fogiel, j’ai été un peu surprise, il était annoncé. A la place, Stephan Eicher et Baer, en invité surprise. Bon.
    Sinon, je vous toucherai deux mots de l’entretien des Inrocks ; j’aime bien la façon dont l’auteur parle de l’écriture.
    A plus.

  1. J’ai toujours aimé l’enthousiasme de Laurence et la façon dont les mots réussissent a l’emporter.
    On sent et ressent une sorte de passion, une frénésie littéraire.
    C’est beau a voir malgré le fait que je ne suis pas toujours d’accord avec ces opinions et le choix des auteurs qui la bouleversent.

    • Laurence Biava sur 28 janvier 2008 à 18 h 23 min
    • Répondre

    Merci Generation Rose.
    Mais dis moi donc pourquoi tu ne ressens visiblement pas le même engouement à l’égard de Beau Role. C’est intéressant d’en parler. Tu me connais assez pour savoir que je ne suis pas sectaire ni arc-boutée, ni tranchante. Allez, à toi..

  2. 2e partie de la Tribune libre :

    C’est un roman sur la vanité. Les critiques littéraires énoncent : narcissisme – lâcheté – imposture – Dès qu’un auteur trentenaire fait paraître un roman, on a droit au débriefing potache commode sur un héros de son temps, vous comprenez, c’est reflet de l’imposture, ouh là là, c’est le relief de son narcissisme, mais voyez vous, c’est un bel exemple de lâcheté.. Oui et non. Je ne suis pas d’accord avec ce que je lis partout sauf avec Olivia de Lamberterie pour son « ennemi intérieur ». Je ne pense pas que tous les hommes de 30 ans vivent dans la dissimulation. Ou aient deux visages. Ou s’auto-flagellent en permanence. Souvent, on peut être dépassés par ce que produit l’imagination. Nicolas Fargues a choisi de superposer les niveaux de narration. Bien sûr, admettons que le roman distribue bons et mauvais rôles, que l’auteur soit sans complaisance au point de s’y lire l’air de rien ou de dévoiler la pire partie de lui-même. Ou ce qu’il peut être et ce qu’il n’aime pas en lui. Lui quand il est minable. C’est courageux aussi d’avoir un tel regard sur soi, entre la doublure et le doublon. On sait que Nicolas Fargues ne joue pas la comédie. L’honnêteté est sa signature en littérature.

    Natif de mars, Nicolas Fargues est du signe du poisson. Ces héros et antihéros nagent entre deux eaux. Mac Pola est un demi-people en demi-teinte, qui parle à demi-maux. Anti-héros par excellence ? Soit. C’est un être suffisant, naïf, peureux, le reflet de son époque, forcément narcissique, prétentieux, arrogant. Si vous voulez. Moi, je le trouve énergique, frondeur, sensible, rigolo tombeur pour dames, et moins arrogant qu’il n’y parait. Je pense qu’il doute beaucoup, pèse le pour et le contre, se justifie, discute, décortique, qu’il est trop lucide, trop vrai, très policé, toujours prudent, dans le recul et la distanciation, introspectif, cérébral. Singe le monde tel qu’il le voie, fait montre, dans certaines scènes, d’une désarmante candeur, pas forcément convaincu d’être tellement plus intelligent que la moyenne. Au contraire, je le trouve touchant, cet antihéros.

    Les hommes d’aujourd’hui ne sont pas à blâmer. Ils sont à plaindre. Je ne pense pas qu’une personne aussi narcissique que cela serait à ce point dans la recherche de l’altérité, évoquée précédemment, à essayer de brandir l’étendard du refus de l’hypocrisie. Satisfait de lui-même ? oui et non ! piteux, parfois. Odieux aussi. Humilié. Caustique. Légèrement machiste par contre, bien qu’il s’en défende.

    Car c’est aussi un roman sur les femmes. C’est un roman où les femmes sont effectivement levées comme du bon pain ! Absorbées qu’elles seraient par la petite notoriété du héros de White Stuff, incapables de résistance face à celui qui « se glorifiant d’être précédé par sa réputation aurait le sentiment de n’avoir aucun effort à fournir »,-j’adore cette phrase, parce qu’elle illustre bien le peu de rigueur de ceux qui ne mettent rien dans la relation humaine-, il testerait son emprise sur les autres pour ajouter à sa gloire de petite personne célèbre. Le bel Antoine est donc élitiste. A le sentiment de mériter physiquement quelqu’un mais échoue avec celle qui ne lui plait pas beaucoup et avec laquelle il accepte de s’ennuyer.

    C’est un roman où les femmes semblent fatiguées et fatigantes : l’une d’elles saoule Antoine dans un taxi tandis qu’une autre se met à bailler dès qu’il tente de discourir ou de l’intéresser à ses propos sur le cinéma. (le cinéma : support inépuisable pour expliciter le racisme de A à Z, j’aime bien). J’ai remarqué que la mère qui livre un discours sur l’apparat de l’apparence, est la seule femme qu’on laisse parler ou qu’on écoute. Ainsi que Marie-Pascale, mi-mère, mi-sœur, belle-sœur, dès lors qu’il s’agit d’une relation interdite. J’ai beaucoup aimé la complicité un peu décalée affichée avec ce personnage féminin ci. Car les femmes de Fargues –ah ! ah -, sont aussi les confidentes, les maternantes, où rode toujours, sans mot dire, la séduction et le jeu des ambivalences des hommes.

    Antoine prévient qu’il se fait presque toutes les femmes qu’il veut. On serait tenté d’ajouter …celles aussi dont il ne veut …PAS !!! tant les aventures d’un soir concernent des femmes qui n’ont aucune correspondance avec l’objet de son désir. C’est toujours « faute de mieux ». Ce pourrait être risible, cela ne l’est pas forcément. Antoine, toujours dans le paradoxe, se fera LEVER aussi dans une relation dominant-dominé invraisemblable, par la fameuse et odieuse … . Plus il avance, moins il se trompe. Ou semble faire exprès de provoquer sa chute. Donc, point dupe de sa situation et de son émerveillement passager, il n’attendra pas longtemps pour mesurer combien la célébrité est une puissance creuse. Car évidemment, la célébrité est une puissance creuse. Ce n’est pas une identité, la célébrité. Et les personnalités publiques ne sont pas des êtres supérieurs. Antoine le sait. Fargues fait mentir Nietzsche qui disait qu’il faut croire à l’apparat de l’apparence. Nicolas Fargues est comme sa mère du roman, il sait qu’il ne peut pas croire à l’apparence : son Antoine, est déjà comme les autres, commun des mortels, fasciné et manipulé par une personne plus célèbre que lui. Là est vraiment un des grands intérêts du roman : l’altérité toujours et qui suis-je par rapport à toi dans ma différence ? (statut d’infériorité/ statut de supériorité).Antoine fricote avec la condescendance, se moque de lui-même. Teste son aura et jubile passagèrement avec la caste des communs des Mortels. Il frime un peu, beaucoup, teste son pouvoir de séduction.. J’ai adoré ce magistral dîner où les figurants paraissent sortis tout droit d’une pièce de Molière. On a tous en mémoire ces dîners passionnants et passionnés qui réunissent des aficionados patentés. Antoine donne réellement l’impression de jouer son rôle et de prendre possession de l’attention de son auditoire. Il se la joue m’as-tu vu, extravagant, il vampirise, hypnotise, contrôle les mouvements du dîner, et en vérité, et plus tard c’est lors d’un autre repas que le piège semblera se refermer sur lui…

    Comme d’une rive à l’autre, Fargues fait passer son héros d’un premier complexe à un autre complexe avec une facilité déconcertante. Fargues passe son temps à évaluer, à tester, à soupeser. Antoine signifie souvent qu’il aime les joies simples. Il aime la vérité. Aime qu’on le regarde en face sans feindre l’indifférence, il n’aime pas les allures confinées, emblématiques de l’Occident. Il aime les femmes péchues.

    Chez Nicolas Fargues, le besoin d’érotisation est permanent. Que l’expression de ce besoin passe par le corps, le regard ou les mots, c’est à dire les correspondances, les sms, qu’importe le goût d’inachevé, pourvu qu’il y ait de la sensualité. Il est des gens qui n’ont pas peur du corps de l’autre, de ces distances rapprochées que scellent ces confidences complices, comme des étreintes. Je remarque que quand se dévoile la part féminine de l’auteur, ce sont les personnages féminins Marie-Pascale en prime, qui valorisent l’écoute et l’estime de l’autre, dans la consolation qu’elles prodiguent et dans le souci de la valorisation de la virilité d’Antoine. Au fait, il est maintenant utile de toutes nous mettre au parfum (Chanel) : la Ligue des Profils Moyennageux Feminins Immomeriaux Français vous remercient et vous saluent Monsieur Fargues, – (qui n’est pas dénué d’humour, je le sens bien ainsi !!!).

    C’est un roman sur l’identité masculine. Ce héros métis, mâle occidental est empêtré dans les désirs factices et contradictoires, que lui soumet la société de consommation occidentale. L’errance du héros interpelle. Il le confesse lui-même d’ailleurs : il est seul. Ecartelé entre les sollicitations de l’époque où tout est facile, où la surenchère prévaut, et son désir de romantisme. C’est un roman sexy qui attrape l’œil, le sexe et le cerveau du lecteur en même temps. On a le sentiment que l’auteur continue, ou s’évertue à ne pas se faire de cadeau. Auto flagellation toujours ? Délivre t-il un message ? Des vérités crues surgissent. Le narcissisme, ce n’est pas qu’une affaire de comportement ou d’identité. Le Narcissisme en psychanalyse, c’est l’investissement de la libido sur le moi, pris comme objet par la pulsion sexuelle. Antoine se regarde le nombril. Antoine se regarde le sexe, s’autocongratule d’une certaine façon chez sa masseuse.. La vérité des hommes est blanche. Nicolas Fargues évoque, à mon avis, la zone d’ombre du séducteur. La face cachée, c’est la détresse de Don Juan.. La détresse des hommes, encore un tabou franco français. Car dans l’inconscient collectif, ce qui engendre la peur de l’autre, le refus du dialogue, l’impossibilité de s’affranchir des non-dits, sont ces intimidations qui gravitent autour des sujets tabous. Les pannes de l’érection sont un sujet tabou. Le port du préservatif reste un sujet tabou. Les larmes des hommes sont un sujet tabou. Je crois que personne ne considère la souffrance des hommes qui les ronge en silence et le gouffre qui les confronte à eux-mêmes. Julien Gracq disait : « Cette divination stupéfiante de la femme amoureuse qui comprend tout de l’homme, sauf l’érection… » En effet, les femmes ne savent rien de l’érection !! Et encore moins des pannes de l’érection. Pas la peine de frimer, ça nous dépasse totalement, nous les femmes… Je remarque d’ailleurs qu’aucune chroniqueuse ne s’est aventurée à parler de cet aspect du livre, où pourtant, la tournure de l’échec vécue par le héros est significative quand il y a enjeu. Cela ne prête pas à rire. Deux ou trois signes de l’auteur dans le texte m’ont fait réfléchir. Impossible de ne pas le lire, le voir, de faire semblant ou c’est moi qui suis trop à fleur de peau. Mais non, tout est codifié, organisé, mué en silence. Longtemps, la masculinité a semblé aller de soi. Chaque homme devait ressembler à l’idéal viril qui dominait toute la culture. L’identité sexuelle paraissait inscrite dans la nature. Ces trois dernières décennies, les femmes ont fait voler en éclat ces évidences, il faut le savoir et s’en souvenir. Les limites du masculin et du féminin sont devenues floues. Et chaque homme, désormais, de s’interroger sur son identité profonde. Une quelqu’une dans le roman, après un acte manqué : « c’est pas grave » sous entend, que cela n’a rien d’une tragédie shakespearienne. Et si c’était grave justement pour l’homme ? Par la petite lorgnette du point de vue féminin sur la question et pour les femmes qui effectivement ne comprennent donc rien à l’érection, la masculinité paraît lumineuse, naturelle et contraire à la féminité. Parce que les femmes ont entrepris de se redéfinir, elles ont contraint les hommes à en faire autant. La remise en question des certitudes les plus intimes est toujours longue et douloureuse, et ce travail de déconstruction n’intervient jamais par hasard. Il prend place lorsque le modèle dominant a montré ses limites. Tel est le cas du modèle masculin traditionnel, aujourd’hui déphasé par rapport à l’évolution des femmes.

    La fin du roman est romantique. Et triste aussi. Je m’alarme par rapport au fait qu’un homme est au bout du compte le seul à assumer l’usage du préservatif, le seul à se regarder, le seul à se juger ou à se sentir jugé et le seul surtout à se représenter ce sentiment d’éviction, de perte, d’échec, un homme qui prend un viagra pour pouvoir assurer face à sa partenaire. Nous sommes le 10 janvier au soir, je regarde l’émission d’Arte. Pascal Bruckner et Sylviane Agacinski parlent de l’identité masculine mieux que moi, qui voit modestement par le prisme de mes suppositions mineures. Ils expliquent que l’amour est le dernier tabou – encore un – et que tout cela se passe au détriment du sexe qui, lui, ne l’est plus du tout ! Bruckner s’exclame « stupéfiant comme le sexe est brandi comme le dernier étendard à la mode, stupéfiant comment le sexe est devenu snobisme ». Eh bien, ce que j’aime bien, dans le roman de Nicolas Fargues, c’est que justement, en dépit de la soi disante vantardise et suffisance des galants exploits d’Antoine, le sexe n’est pas snobisme. Mais sert à démontrer, par sa tristesse et sa pauvreté, les failles et le chagrin d’un homme désorienté..

    C’est un roman sur le temps, sur nos 20 ans, sur les cycles de vie et leur régénérescence. Bien sûr les tics verbaux, l’esprit clanique, le besoin d’appartenance à un groupe, la reconnaissance tribale, tout cela n’a pas changé. Mais tout de même ! En 1984, j’avais 21 ans. Mes préoccupations majeures, en dehors de réussir le rubik’s cube, de smurfer convenablement ou de mimer parfaitement les mimiques gymniques de Mickael Jackson dans Billie Jean, ne brillaient pas par leur profondeur. Je n’aurais surtout jamais cherché à m’affranchir à ce point de la parole adulte, comme le font les jeunes d’aujourd’hui.. La jeunesse actuelle a beaucoup changé, elle ne vit pas comme nous vivions, elle n’est plus tellement insouciante, elle est plus souffrante, plus éprouvée. Plus concernée aussi. Quand je vois la maturité avec laquelle l’auteur fait réagir les jeunes de banlieue après la projection du film Collision, et la richesse de leurs réponses sur le racisme, cela donne sérieusement à réfléchir, notamment sur les banlieues.. Tellement plus matures, plus investis, plus sains, plus informés, plus au fait…

    Dans Beau Rôle, j’ai beaucoup aimé les notions sur le progrès. Et c’est bien la raison pour laquelle l’Esprit, (siècle des Lumières, tutti quanti) est une valeur trop universelle et sans commune mesure avec les notions d’investissement scientifique pour songer à être « délitée »..

    Dans les romans de Nicolas Fargues, il y a toujours de belles scènes de vie quotidienne, un environnement familial plutôt serein, le sentiment que l’éducation a de l’importance, des enfants qui embrassent les invités avant d’aller se coucher et des invités qui ont du goût, et des gens qui se retrouvent après s’être perdus de vue. J’ai aimé les descriptions autour de Roissy et toutes les confessions où Antoine pèche par trop d’orgueil. Le « ce que je détestais le plus au monde était qu’une fille cesse de m’aimer sans prévenir, sans me demander mon avis » m’a fait beaucoup rire. Pardon ! Et à part ça, le mail de la belle Elvira, l’inaccessible quête, la femme aimée que l’on pleure, est effectivement le mail de quelqu’un qui éprouve beaucoup de remords.

    Nicolas Fargues cite Frédéric Beigbeder à deux ou trois reprises. On ne sait pas trop si les clins d’œil adressés témoignent d’une estime réciproque ou si tout cela relève du jeu ou du pur hasard. S’agit il de complicité feinte ou de rivalité à « amortir ». Y a-t-il un « aîné » en littérature qui veille au grain, qui tape sur l’épaule, qui nargue ? Y a-t-il quelqu’un qui rend la monnaie de la pièce ? Nicolas Fargues n’a rien à envier à Frédéric Beigbeder, qui, lui, est aussi une belle personne complètement à part. La presse entretient la surenchère genre « guerre d’égos ». Elle racole. C’est peut-être inutile par rapport à ces deux là qui sont tout simplement opposés l’un à l’autre, que ce soit par rapport à leur vie ou par rapport à leur style littéraire.

    Pourtant, cela ne m’a pas surpris de lire du référencé Beigbeder chez Fargues. Ce n’est pas la première fois.

    Il est vrai que je n’ai, pas été victime d’hallucinations lorsque j’ai lu : « les campagnes publicitaires nous prennent pour des cons », « Au secours,……Maman ! », et Saint-Petersbourg…

    Pour moi, Nicolas Fargues est le romancier de Kundera. Je cite Kundera : « le roman apprend au lecteur à être curieux de l’autre et à essayer de comprendre les vérités qui diffèrent des siennes. Composer un roman, c’est juxtaposer différents espaces émotionnels et que c’est là, selon moi, l’art le plus subtil du romancier »…

    J’admire Nicolas Fargues. Si je l’admire, ce n’est pas parce qu’il est célèbre. Je l’admire pour son acuité particulière, pour son « bon goût » littéraire, ce sentiment d’être dans le ton en balançant des choses bien pensées, bien pesées, comme si forcément elles coulaient de source. .J’aime ce ton, cette verve satirique, notamment lorsqu’il dépeint le monde des paillettes, ses considérations sociétales ou sociologiques, très géopolitiques parce qu’elles me correspondent, c’est-à-dire que j’ai soif de connaissance et que j’aime l’idée de m’adresser à des puits de science, qui vont venir conforter et apaiser mon envie de savoir. J’aime ces remarques étayées, et pointues, cette intelligence du réflexe, du bon mot, de l’observation fine qui l’emporte, lyrique. J’admire l’écriture de Nicolas Fargues, styliste hors pair, cette maîtrise du style contemporain, et ici particulièrement j’aime ses monologues fougueux. Je le trouve très doué sur le plan de la morpho-pshychologie, sur les allusions fines qui ont trait au comportement humain. Je ne comprends pas pourquoi il n’écrit pas, par exemple, dans des revues scientifiques. Je crois que si je veux définir exactement ma pensée, je dirais que j’aime cette façon innée d’enrouler les mots, de les serrer entre eux, sans déchet, sans longueur. Comme Houellebecq, Nicolas Fargues est un auteur qui sait faire se prolonger ma réflexion, et m’aide à synthétiser ma pensée. Il n’est pas faux de dire que d’une certaine façon, il m’aide à grandir….

    Je ne vois pas ce qu’on peut reprocher à ce grand roman en dehors d’un ou deux clichés peut-être sur les différences Nord-Sud, un atermoiement un peu poussif vers le milieu du livre, et un ou deux jugements de valeur prononcés au début à l’emporte–pièce. Il y a aussi un paragraphe sur les bienfaits de la colonisation qui arrive, à mon goût, un peu tard.

    Aucun nouveau roman de Fargues ne ressemble à celui qui ne l’a précédé. Et pourtant, la façon dont il construit son œuvre littéraire comporte une logique quasi modianesque. Au fil des opus, on rendra toujours compte des mêmes obsessions, des mêmes décalages, des mêmes territoires avec toujours ce sentiment de rupture, (départs, aéroport) ou de fracture entre les gens. (différence, fuite, peur) Nicolas Fargues est un écrivain du regard, et son intuition est spécialement féminine. Avec le temps, avec la maturité, l’observation qu’il fait de notre monde contemporain s’affinera encore plus. Les portraits de la médiocrité humaine seront encore plus acerbes, plus affûtés et sans doute, le monde contemporain sera-t-il brassé avec toujours aussi peu de concession. Je crois que Nicolas Fargues est un auteur exigent et perfectionniste. C’est tant mieux. Lisez ce beau roman ainsi que l’article du Monde du 3 février 2006 qu’il avait consacré à Georges Henein, auteur égyptien trop peu lu en France. A l’heure où j’achève cette tribune, après quelques jours d’écriture sans fin, en ce 11 janvier au soir, je vois et entends Nicolas Fargues expliquer avec passion et limpidité, à l’émission Esprits Libres, les motivations qui ont suggéré l’écriture de ce roman, où, dans celui-ci, la mère du narrateur émet clairement l’hypothèse que les gens beaux ne sont pas des gens intéressants. Lorsqu‘on lit les œuvres denses de Nicolas Fargues, injustement raillé sur sa beauté comme s’il devait en porter la coulpe, alors que la beauté est avant tout une félicité, aussi bien pour celui qui la possède, que pour ceux qui la contemplent, on a envie de croire qu’il est l’exception qui confirme la règle et que, c’est vraiment le cas de le dire, le Miroir mérite REFLEXIONS.

    Merci pour votre lecture attentive.

    Laurence Biava

    mes pages préférées : p 50, 99, p173, p141, 173, 217, 218, 219, 241… « des sourires conjuratoires », « « paupières à marée basse , « rassembler toute ma capacité d’autosuggestion pour m’identifier aux paroles. » sont quelques unes des phrases qui ont emporté mon adhésion.

    Pour info : Champlain : Samuel de colonisateur français : chargé par Louis XIII d’étudier les conditions d’une colonisation en Nouvelle-France..Il visita l’Acadie en 1603 et les cotes de la nouvelle Angleterre les 3 années suivantes. Il fonda Québec en 1608, et explora une partie des Grands Lacs (1615-1616). Après 1620 il se consacra à la misse en valeur de ka nouvelle colonie

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