Régis Jauffret, version rock (et nouveau roman « Lacrimosa » /rentrée littéraire 2008)

Sur la page Myspace de Régis Jauffret « Régis Jauffret et ses nègres », l’auteur de Microfictions donne de la voix à ses textes (« Petite salope », « Le supplice de Tantale » – la plus réussie- et « Vivre ensemble ») en les chantant-récitant sur des riffs rock, tour à tour nonchalant, énervé, voire déjanté.
Une nouvelle expérience, après son site vidéo, fidèle à son univers à la fois noir, cynique et barré.

A découvrir sur sa page Myspace
et sur cette vidéo (passage dans l’émission de Frédéric Taddéi, « Ce soir ou jamais », le 22 avril dernier où il interprète sous les yeux d’un François Hollande impassible, « Petite salope ») :

Le texte de « Le supplice de Tantale » :
La jeunesse est un faux-semblant. La vieillesse vous grignote dès l’enfance. A la naissance, les bébés ont la tête des vieux qu’ils seront un jour. Ils débarquent avec le poids des siècles, de l’évolution des espèces. Ils ont toujours su qu’ils étaient une excroissance du passé, une presqu’île du continent des dinosaures, des crocodiles qui ont survécu aux cataclysmes, aux glaciations, aux raz de marée bouillants comme la poix.
– Je vous offre mes emmerdements.
– Merci.
L’harmonieuse mélodie des rapports humains. L’hypocrisie, la politesse, alors qu’on aurait bien envie de vous voir mort pour prendre le laideron qui pend à votre bras et claquer votre fric à la roulette du casino Palavas-les-Flots. Je vous salue, je vous dévore. Je t’aime, meurs dans mon lit pour me prouver que je t’ai baisée comme un ours et que j’ai empalé ton cœur avec mon sexe d’un coup de riens magnifique.
– En tant que femme, je suis sentimentale.
– Oui, comme une carpe.
Les femmes sont des hommes à qui on a coupé les couilles pour en faire une paire de seins. La bite, elles s’en servent de tuyau pour arroser leurs hortensias. Les maris prennent leur appareil génital pour une charrue, ils creusent leur sillon du soc de leur gland. La France agraire, les semailles, la moisson, le remembrement, les paysans chaque soir enfoncés dans leur bol de soupe. Pétain, la collaboration. L’agriculture crapuleuse, et l’industrie qui pétrit la farine, et livre par trains entiers des biscuits insipides aux troupes nazies massées devant Stalingrad. Ouvriers et paysans attirés comme des mouches par les dictatures. Intellectuels patrons de camps, artistes kapos, et les chanteurs de cabaret qui hurlent Heili heilo. Heili heilo.
– Votre écriture pleine de haine.
– Oui.
La haine radiographie, scintigraphie, scanne. Qui hait, voit. Qui aime, rêve et s’endort du sommeil des lâches. La haine sacrée, noblesse des peuples réduits à l’esclavage, haine des révoltés, des enfants humiliés, des habitants des villes bombardées, haine des prisonniers, des torturés, des hommes alignés à l’aube, haine salvatrice, haine sursaut de la vie. La juste haine de cette jeunesse née au milieu des tours, dans l’impasse, enfance dans l’étau des chambres surpeuplées, l’âge adulte accueillant comme le supplice de Tantale.
– La haine est une espérance, et que le sang coule à flots, comme la bière, le vin chaud.

A noter que l’auteur publiera à la rentrée littéraire de septembre 2008, chez Gallimard, un nouveau roman très intime « Lacrimosa », dans lequel un homme s’adresse à la femme qu’il a aimé, et qui s’est récemment suicidée. Il lira ce texte du 5 eu 30 décembre au Théâtre du rond-point. Deux mois avant, il se livrera à une autre performance scénique : l’adaptation de son labyrinthique Microfictions (qui vient de sortir en poche, voir ci-contre), interprété par 100 comédiens pendant les 8 heures de la Nuit blanche parisienne (le 4 octobre). (source : Culture Café)

Présentation de « Lacrimosa » :
Il paraît aussi que maintenant tu me vouvoies comme une passante. Je suis devenue si lointaine? Et de quel droit me donnes-tu un nom de gâteau? Il l’appelle «Chère Charlotte». Elle dit: «Mon pauvre amour». Le ton est douloureux. En fait, un des deux interlocuteurs manque. Celle qui répond au nom de Charlotte n’appartient plus au monde des vivants. Aussi celui qui s’adresse à elle est-il en quelque sorte obligé de faire les questions et les réponses. Car Charlotte a bien existé. Elle a mis fin à ses jours, il y a un peu plus d’un an. Régis Jauffret, auteur et acteur de ce Lacrimosa qu’il interprète seul sur scène, s’adresse ainsi à celle qui a disparu. En tant que romancier, il n’a pu s’empêcher d’imaginer des répliques venues d’outre-tombe. Lui qui s’est toujours défendu d’écrire des récits autobiographiques a pris une fois encore le détour de la fiction. S’agissant de traiter un sujet aussi intime, il lui a fallu quand même en passer par cette affabulation. Histoire d’entendre une fois encore la voix de l’absente. Ou de lui donner la parole au-delà de la mort. Rien d’étonnant alors s’il a souhaité – n’étant pas comédien – interpréter en personne sur les planches les deux protagonistes de ce dialogue. Le théâtre n’est-il pas le lieu où l’on fait parler les morts?

1 Commentaire

    • folantin sur 13 juin 2008 à 18 h 16 min
    • Répondre

    punaise, pour un peu ça me donnerait envie de bouger mon cul sur Paris…
    (quoique je vais peut être me reserver pour l’adaptation de clémence picot par anne roumanov)

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