Interview de Stéphane Million, éditeur indépendant (Stéphane Million Editeur) : « Chez Scali, j’ai appris tout ce qu’il ne fallait pas faire »

Vous êtes nombreux à vous interroger sur la nouvelle maison d’édition indépendante créée par Stéphane Million, connu pour sa revue littéraire Bordel, après avoir œuvré chez Scali pendant environ 1 an et demi. A l’occasion de la rentrée littéraire 2008 (où il publie 3 romans), il a accepté de revenir sur son expérience d’éditeur, livrer son regard sur le paysage littéraire et nous raconter sa nouvelle aventure en solo animée par la passion et l’envie de découvrir toujours plus de nouveaux talents… Avec un goût non dissimulé pour les plumes venues du web ! (illustration ci-contre : autoportrait par Stéphane Million, version photo et… BD !)

Pourquoi l’envie de créer ta propre structure d’édition (soutien financier ?) et avoir quitté Scali. N’est-ce pas un pari risqué ?
Je me suis vite rendu compte que ma liberté de directeur de collection chez Scali ne servait qu’à alimenter une cavalerie éditoriale : en gros, plus tu produis de livres, plus ton distributeur te verse l’avance des mises en place, ainsi de suite… Evidemment, à un moment, il y a tous les retours, ce qui t’oblige à produire de plus en plus, et de plus en plus mal. Chez Scali, j’ai appris tout ce qu’il ne fallait pas faire – c’est utile, je ne regrette pas trop mon passage là-bas, sauf que tout de même, mes auteurs ont servi de viandes à canon… Bref.

Tous les auteurs publiés dans ma collection chez eux me suivent, à l’évidence : Jérôme Attal, Bernie Bonvoisin, Barbara Israël, Matthieu Jung, Christian Rol, sauf Lucien Cerise, qui avait un droit de suivi chez Scali, où évidemment il a été très mal reçu…

J’ai envie de faire des livres de qualité, avec un maquettiste (que je respecte), une correctrice (qui a le temps de travailler) etc… Que l’auteur donne son avis, participe à la création du livre.

Côté financement, les choses de la vie ont fait que mes grands-parents, rien de bourgeois, ont vendu un vieux bâtiment, avec ma part, j’ai décidé de me lancer, au lieu de râler. J’ai la chance d’avoir le soutien de mes auteurs, d’Erwan Denis, maquettiste et directeur artistique et de Céline Navarre, à la correction.

Quel regard portes-tu sur le « phénomène » Boris Bergmann, (très) jeune auteur de 15 ans de « Viens là que je te tue ma belle », qui a connu un certain buzz (médiatique) du temps où tu étais chez Scali, et qui s’est fait décerner le Prix de Flore du lycéen en 2007 (prix spécialement créé pour lui suite à ses réclamations) ?
C’est une interview littéraire ou une blague ? Boris Bergmann, c’est risible, pas très grave en soi, ça n’a pas dépassé quelques arrondissements parisiens… Quand j’ai découvert, un peu avant sa sortie, que Scali (faut absolument oublier cet éditeur, c’est un conseil) avait signé cet auteur, assez désagréable, pour un texte plus que mauvais, je me suis dit, il faut vite se barrer ! C’est quand même honteux (mais pas du tout important).

Comment définirais-tu la ligne éditoriale des éditions Stéphane Million ?
Coup de cœur. Le sentiment de découvrir une voix. De l’entendre. Je remarque tout de même que les romans publiés parlent d’aujourd’hui. C’est très disparate, entre des auteurs nourris de Duras, d’autres de Nimier, ou par la culture pop ou télé…
Je ne suis pas arrêté à un genre particulier, même si personnellement, je suis un fils des Hussards (Drieu, Nimier).

Comment choisis-tu les auteurs que tu publies, acceptes-tu de recevoir des manuscrits ? Quelle importance accordes-tu aux auteurs du Net ?
J’ai commencé à m’intéresser à la littérature contemporaine en lisant les auteurs du Net. Voir les premiers numéros de revuebordel.com (en stand by – faute de temps). Je publie le premier roman de Roxane Duru, Petits pains au chocolat (17 septembre), qui tenait un blog (vous pourrez lire à ce sujet la chronique de la blogueuse Cuneipage : (…) « sa langue a un coté fascinant, pleine de métaphores, d’emphase contrée immédiatement par du tranché dans le vif, elle véhicule de véritables sentiments ou sensations qu’elle parvient à imposer au lecteur« , ndlr).
Jérôme Attal écrit le sien depuis 10 ans ! Je reçois des manuscrits, oui, mais je ne peux renvoyer ceux qui ne m’ont pas plu : Je suis tout seul, et je n’oblige personne à m’envoyer son texte. Alors je lis, je garde ou je jette. (Adresse d’envoi : 7 rue de Malvoisine, 77131 Touquin)

Au sujet des auteurs venus du Net, peux-tu dire un mot d’Alexandra Geyser et de votre collaboration sur le dernier Bordel, la publication d’un livre est-elle prévue avec cette auteur ?
J’aimerais beaucoup publier un recueil de ses textes parus sur ses divers blogs. C’est une jeune femme très talentueuse, ses photos (elle est aussi photographe) dans Bordel « La jeune fille » étaient sublimes : une première fois, avec des modèles non professionnelles. Jeune femme talentueuse à suivre, oui.

Qu’en est-il de ta revue littéraire Bordel ? Quelles sont ses évolutions, ses prochains sommaires ?
Le prochain numéro est prévu pour le 8 octobre, le thème : Jean-Michel Basquiat.
Avec une couverture dessinée par Jean-Charles de Castelbajac, en trois versions : fluo rose, fluo vert, fluo jaune.
Il sera ouvert par un texte en v.o. de Johnny Depp, traduit par Virginie Despentes.

Le sommaire : Jérôme Attal, Sylvie Bourgeois, Thomas Bouvatier, Mathias Bresson, Yan Céh, Régis Clinquart, Pierre Cornette de Saint Cyr, Wendy Delorme, Erwan Denis , Johnny Depp, Virginie Despentes, Roxane Duru, Adeline Grais-Cernea, Barbara Israël, Yasmina Jaafar, Matthieu Jung, Aude Kerville, Jonathan Lambert, Louis Lanher, Thomas Lélu, Stefan Liberski, Céline Navarre, Martin Page, Denis Parent, Renaud Santa Maria, Yves Simon, Valérie Tong Cuong, Hélèna Villovitch.

Quelle est ton actualité en cette rentrée littéraire ?
L’excellent et très drôle, Perdu avenue Montaigne Vierge Marie de Denis Parent
Le feu follet rock & cœur absolu, Le garçon qui dessinait des soleils noirs de Jérôme Attal
Le très beau premier roman de Roxane Duru, Petits pains au chocolat

Quel regard portes-tu sur la rentrée littéraire de septembre 2008 et quels sont les livres éventuels (hors de ta maison d’édition) que tu envisages de lire ou a déjà lu ?
Agacé par les Millet, Angot… Mais bon. Je vais lire : Le messager d’Eric Bénier-Bürckel, Arkansas de Pierre Mérot (son chef-d’œuvre !), Twist de Delphine Bertholon & Peut-être une histoire d’amour de Martin Page.

Et pour terminer, que t’inspire la première sélection du prix de Flore 2008 (as-tu d’ores et déjà une préférence) ?
J’ai pas regardé, depuis l’année dernière, et donc le prix du Flore des lycéens… (ils ne méritaient pas ça), bref comme Scali est très pote avec Ariel Wizman et le patron de Technikart, ça a buzzé fort, mais pas très « littéraire ». J’en veux pas à Frédéric (Beigbeder) que j’aime beaucoup, mais à mes yeux, son prix ne vaut plus tripette.

Merci Stéphane du temps accordé à cette interview.
Retrouvez les billets « 24 secondes dans la vie de Stéphane Million »

Plus d’infos sur :
Revue Bordel sur myspace
et sur le site revuebordel.com
Stéphane Bordel sur Facebook

19 Commentaires

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  1. "C’est une interview littéraire ou une blague ? Boris Bergmann, c’est risible, pas très grave en soi, ça n’a pas dépassé quelques arrondissements parisiens… Quand j’ai découvert, un peu avant sa sortie, que Scali (faut absolument oublier cet éditeur, c’est un conseil) avait signé cet auteur, assez désagréable, pour un texte plus que mauvais, je me suis dit, il faut vite se barrer ! C’est quand même honteux (mais pas du tout important). "

    Rien que pour ça, je vais aller regarder de plus près ce qu’il propose. Par contre, il prépare pas un site pour sa maison d’édition? Ca serait cool.

  2. Eh bien, voilà un éditeur qui n’a pas la langue dans sa poche, j’adore.

    • laurence biava sur 24 septembre 2008 à 14 h 00 min
    • Répondre

    J’aime bien Stéphane Million, je lis Bordel chaque fois. Je l’ai rencontré au salon du Livre entre le Stand Pol ET au diable Vauvert. Je vais lui envoyer mes manuscrits et le fameux dernier sur le journal Baroque de Frédéric Beigbeder, avril 2007 -mai 2008. J’aime bien les auteurs qu’il publie, je m’ retrouve, c’est mon trip. Mais je ne suis pas d’accord du tout, mais pas du tout, sur ce que vous dîtes au sujet de Bergmann, Il a de plus commencé, Bergmann, à signer des chroniques à droite et à gauche qui ne sont pas du tout mauvaises. Alerte aux préjugés !!
    la bise

  3. C’est rare de se retrouver à opiner du chef en souriant à la lecture d’une interview.
    Voilà du Bordel bien ordonné, bravo.

  4. C’est une bien belle image, Alexandra !
    Je commence à y voir plus clair…)

  5. C’est une interview très intéressante mais avec un rien règlement de compte, non ?

  6. Je suis d’accord qu’il est franc, on ne peut pas le lui reprocher mais enfin (et je sais pourquoi…) on sent bien de l’animosité dans son propos. Ce n’est pas rien de dire qu’il faut absolument oublier Scali… d’ouvrir et de fermer l’entretien avec son nom…

    Je comprends Stéphane Millon, sa volonté de faire une maison à son image, avec de vrais choix éditoriaux sans se lancer dans la publication non maîtrisée, mais j’ai l’impression qu’il tire à boulets rouges sur une ambulance…

    • laurence.biava sur 26 septembre 2008 à 12 h 11 min
    • Répondre

    Oui, Scali édite de bons écrivains. Stéphane a sans doute connu des conflits ouverts qui justifient ses propos. Perso, je persiste et signe, j’aime bien les auteurs de Scali.

  7. Eh bien comme Millon le dit lui-même, l’éditeur fait une cavalerie éditoriale ce qui sous-entend qu’il est en perte de vitesse, qu’il publie énormément dans l’espoir de renflouer les caisses… c’est pas bon signe… ensuite les auteurs ont tous suivi sans difficulté Millon. Ce n’est pas bon signe non plus…
    Si tu veux lire, en parallèle l’interview de Scali (qui exprime déjà ses difficultés financières), c’est là : http://www.lalettrine.com/articl...

  8. C’est déja fait !

    • Stéphane Million sur 26 septembre 2008 à 13 h 01 min
    • Répondre

    Anne-Sophie, c’est gentil de nous rediriger sur ton site…
    Deux petites choses, 1) J’ai rien d’un garçon amer, je suis très acidulé, presque pétillant. Juste que les questions des filles de Buzz ne tournaient que sur ce sujet peu intéressant – pour moi.
    2)Seuls mes auteurs (Matthieu Jung, Jérôme Attal, Bernie Bonvoisin, Tarek Issaoui, Christophe Ferré, Barbara Israël) me suivent… J’étais "directeur de collection" là-bas.

    Et 3)J’aurais préféré parler de mes romans que d’histoires anciennes…
    Et enfin, sur ses difficultés financières, il avait la chance d’avoir tant et tant, c’est un vrai gâchis, mais bon, être éditeur, c’est pas simplement balancer de l’argent et aller là où il y a du bruit branché…

    De jolies choses
    sm

  9. Je ne voulais pas me montrer désagréable ni pro-Scali… mais c’est vrai que j’ai l’impression que c’est pas super en ce moment pour lui même s’il est responsable de la situation.

    Quant à tes publications, je vais y jeter un coup d’oeil

    • Gwen sur 1 octobre 2008 à 21 h 57 min
    • Répondre

    Bon, bah c’est bien ; ça bouge. Et je sais aussi qu’Attal sort un autre récit.

    • BB sur 27 octobre 2008 à 23 h 21 min
    • Répondre

    Scoop : l’ambulance est la morgue. Un administrateur judiciaire a été nommé pour achever Scali. Beaucoup de choses sont encore méconnues sur M. Squeli de son vrai nom.

    • polo x sur 1 janvier 2009 à 8 h 53 min
    • Répondre

    seule le livre de Barbara israel , publié par Scali est vraiment d’une fulgurante beauté, les autres à mon sens ne valent pas tripette

    • polo X sur 1 janvier 2009 à 8 h 58 min
    • Répondre

    j’espère de tout coeur que Miss Saturne sera encore meilleur que Pop Heart. Barbara Israël c’est une voix forte, ça m’a rappelé Jay Mc Innerney et Ellis… J’espère q’elle ira loin dans les étoiles…

    • pool X sur 1 janvier 2009 à 9 h 02 min
    • Répondre

    Scali ou l’autre abruti, on s’en tape. Il n’y a que le livre qui compte. Tout le reste n’est que futilités de microbes parisiens

    • Pour Chloe des Lysses sur 8 mars 2009 à 10 h 32 min
    • Répondre

    Le 8 mars 2006, Bertil Scali informait Chloe des Lysses par texto de son licenciement.
    Le 8 mars, date symbolique puisqu’il s’agit de la journée de la femme.
    Stéphane Million n’était pas étranger à cette situation. Afin de profiter pleinement des budgets Scali, il lui semblait plus judicieux de faire en sorte que la collection Love Books dirigée par Chloe soit arrêtée. D’autant qu’il venait de rencontrer un jeune auteur grâce à Chloe et qu’il envisageait de la publier ne supportant pas l’idée que Chloe soit en mesure de le faire au sein de la collection Love Books. C’est ainsi que Million a œuvré avec une véritable malveillance, assurant à Bertil Scali la totale incompétence de la jeune femme, vantant ses qualités d’éditeur, et parvenant finalement à obtenir l’arrêt de la seule collection rentable de Scali. Peut-être Million envisageait-il déjà d’évincer son éditeur Bertil pour réduire la concurrence lorsqu’il monterait sa propre maison d’édition.
    Quelques jours après, la collection Love Books s’arrêtait et Million publiait chez Scali moult ouvrages que l’on peut retrouver à 1 euros chez Tati Barbès.
    Mais non content d’obtenir ce licenciement, Stéphane Million n’a pas hésité à utiliser dans un témoignage contre Chloe des informations confidentielles glanées chez son ex éditeur Flammarion afin qu’elle ne puisse pas percevoir ses émoluments.
    Témoignage à disposition de vos utilisateurs…
    Cerise sur le gâteau, Million a envoyé un mail fanfaron à Chloe des Lysses afin de lui annoncer la création d’une nouvelle collection chez Scali… la sienne !
    Quelques deux années plus tard, Million à son tour licencié par Scali se répandait honteusement sur Internet à propos de l’incompétence notoire de l’éditeur Scali et montait sa maison d’édition.
    Aujourd’hui, Scali a déposé le bilan avec un passif de près de 1 million d’euros ! Le prochain sur la liste est Million.
    Quant à Chloe des Lysses, après une période difficile et précaire (elle n’a jamais reçu d’argent sur la vente des livres qu’elle a dirigés en partie grâce aux actions de Million), elle a signé chez Albin, avant d’être rachetée par Glénat et de publier un livre The Pimp Cook Book que ni Scali ni Million n’aurait été capable de réaliser. L’édition c’est un métier….
    Scali a bien tenté de menacer Glénat de procès… mais compte tenu de son échec (CF article Le Figaro) et de ses erreurs, celui qu’on surnomme le neuneu de l’édition n’a pas pu faire grand chose.
    Aujourd’hui Million tente de se donner le beau rôle… C’est drôle.
    Mais dans les faits, il a obtenu l’arrêt de la seule collection générant un retour sur investissement de Scali, n’a pas publié un seul ouvrage rentable et tente tant bien que mal d’exister…
    CQFD : Mieux vaut respecter la femme, même quand elle s’appelle Chloe des Lysses.
    Bon dépôt de bilan !

    • Triste sur 2 avril 2009 à 3 h 59 min
    • Répondre

    C’est bien triste si c’est vrai, mais j’ai appris au cours de ma vie, que si on entend un son de cloche tout est simple, deux cela se complique et trois c’est inextricable. Million aurait sans doute sa propre version et sans doute que tout le monde au final a la sensation d’avoir raison. La faillite de Scali, c’est triste. Million est idealiste, c’est certain aussi.

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