Je blogue, tu blogues, nous bloguons, et vous ? (Conférence Salon du livre 2008)

Un dernier petit souvenir d’une conférence du Salon du livre 2008…
Vendredi 14 mars 2008, 10h50. Les allées du Salon du Livre, fraîchement inaugurées, sont encore praticables, voire désertes. Un répit avant le rush du week-end. Il faut dire que rares sont les auteurs présents, toute la programmation des dédicaces est concentrée sur la fin de semaine et mardi soir, pour la nocturne. Les vedettes du jour ? Exposants, conférenciers et invités… A priori rien de très palpitant pour le plus grand nombre… Pourtant, tout au fond du démesuré Hall 1 de la porte de Versailles, un petit quelque chose d’intéressant se prépare : une rencontre de passionnés qui interrogent leurs rapports à l’écriture à travers leurs blogs. Karine Papillaud, Serge Roué, Gilles Cohen Solal et Lorenzo Soccavo. Rencontre :


Sur le stand « Lectures de dem@in » entre en scène Karine Papillaud, journaliste littéraire et blogueuse pour 20 minutes (http://livres.blog.20minutes.fr). Elle anime ce débat / conférence « Je blogue, tu blogues, nous bloguons … » Autour d’elle s’installent Gilles Cohen Solal, éditeur chez Héloïse D’Ormesson (http://editionseho.typepad.fr/weblog), Serge Roué directeur du Marathon des Mots et auteur du blog Les Irréguliers : http://lesirreguliers.unblog.fr , Laurence Thurion qui tient http://www.eklectik.info et enfin Lorenzo Soccavo, auteur et blogeur sur les nouvelles technologies (http://www.cluster21.com/tags/lorenzo_soccavo). Tous ont une conception, une pratique, une expérience différentes de celles de leurs voisins. Du coup, le débat part un peu dans tous les sens. Deux points communs cependant réunissent ces blogueurs, plus ou moins influents : le rapport trouble qu’ils entretiennent à l’écriture et un fait surprenant : leur indifférence face à leurs lectorats.

A mi-chemin entre l’écriture et la communication, les sites des invités apportent des éclairages sur des sujets qui leurs tiennent à cœur, culturel, politique, économique, technologiques… ou des scoops sur l’envers du décor, de l’édition, notamment.

Depuis l’automne 2006, Gilles Cohen-Solal, alimente le blog avec un unique sujet : l’édition. Il en dissèque les coulisses, les arnaques aussi et pousse en série des coups de gueule dont il a le secret. Il définit son blog comme « un espace colérique », une « soupape » lui permettant la libre expression sur le milieu sclérosé de l’édition. Seul problème, cet espace est rattaché aux éditions Héloïse D’Ormesson où la petite équipe ne partage pas toujours l’avis de l’éditeur. C’est pourquoi, Gilles Cohen-Solal projette d’ouvrir son propre blog. Nul doute que là, plus aucune retenue ne sera de rigueur.

Quotidiennement, le blog des éditions EHO titillerait la curiosité de 300 visiteurs (« dont 250 issus de l’édition » selon Cohen-Solal). Mais ceux-ci observent la loi du silence ce qui n’est pas pour déplaire à l’éditeur. Il se dit volontiers « non représentatif de cet univers du net. » D’ailleurs, il avoue ne pas vraiment savoir se servir des possibilités informatiques, mettre des liens actifs, par exemple. De plus, Cohen-Solal réfute l’idée d’une appartenance, via son blog, à une communauté, à la prétendue blogosphère. « Ce blog n’est qu’un média. Mon propos n’est pas de créer un dialogue avec les gens, ni de faire de la pédagogie ou de la rééducation ». Qu’on se le dise, Gilles Cohen-Solal se « moque bien des réactions comme des non-réactions à ses notes », comme de l’image que se font les gens de lui. « Le blog n’est qu’un moyen de ne pas baisser les bras » et de s’exprimer, que cela plaise ou non. Le revers de la médaille, avec cette activité publique de dénonciation son tatut d’éditeur a été mise en lumière. Du coup, il reçoit des manuscrits de la part de certains fidèles de sa page. L’occasion est sans doute trop belle…

Il est frappant de constater que Gilles Cohen-Solal, et il n’est pas le seul, ne prête pas, ou peu d’égard à son lectorat, aux commentaires laissés sur ses notes. La mise à disposition des informations, opinions, regards de certains vers d’autres dans un but d’échange, de partage, de discussion autour d’une même passion n’est-elle pas un des principes des blogs publics ? Laurence Thurion et Serge Roué annoncent eux aussi la couleur : ils ne répondent pas ou très peu aux commentaires, quand il les publie ce qui n’est pas toujours le cas sur « Les Irréguliers ». « Les lecteurs discutent entre eux » explique la propriétaire d’Eklectik. Alors que Serge Roué se dit « étonné par le besoin de connivence de certains internautes ». Mais alors, pourquoi conserver la fonction « commentaires » sur leurs pages ? Pourquoi tenir un blog plutôt qu’un site ? Tout cela ressemble un peu à une cour royale. Les dirigeants édictent leurs avis au vu et su de tous, mais rien ne doit venir en retour ? Ces mêmes souverains gardent cependant un œil permanent ou presque sur le nombre de visiteurs, de pages lues, sur les mots clés qui conduisent les lecteurs à leurs blogs. Cette relation au lecteur est trouble, mais pas sans rappeler, cependant, le désir de certains auteurs : écrire et être publier, pour être lus. Et seulement lus. Que leur travail soit apprécié ou déprécié passe au second plan.

Cela nous conduit à l’autre partie du débat : le rapport à l’écriture des invités travers le blog ? Pour Lorenzo Soccavo, auteur de guides pratiques, écrire et bloguer sont deux activités très différentes. Son http://www.cluster21.com/tags/lorenzo_soccavo, rattaché à son éditeur, est un blog de veille sur les nouvelles technologiques et a des fins professionnelles. Serge Roué, directeur du Marathon des Mots (http://www.lemarathondesmots.com/) et de la société de conseils dans l’événementiel culturel « Faits et Gestes » a crée « Les Irréguliers » fin novembre 2007, « en réaction aux discours médiatiques » qui l’agaçaient trop souvent. La limite entre partager et écrire est pour lui, floue. Il veille à s’informer avant de se lancer dans la rédaction d’un billet. Malgré ce travail préalable et parfois laborieux, il ne boude pas son plaisir d’écrire en publiant de nombreuses notes sur sa page personnelle. Gilles Cohen-Solal aussi aime écrire. Sur son blog, il surveille son écriture, utilise des formulations correctes, par exemple. Il ne s’en cache pas, son besoin de partager, de dire, de communiquer est grand. D’écrire aussi « j’ai un nombre incalculable de premiers chapitres de romans dans mes tiroirs. » Communiquer par l’écriture était donc une évidence. Seule Laurence Thurion, qui publie pourtant beaucoup de billets, déclare elle privilégier le partage. Avec un ton décalé, politiquement incorrect, elle se plaît à faire écho de ses points de vue. Ecrire n’est pas une nécessité, ni un devoir « un blog doit rester un plaisir, sans contrainte ni obligation d’écrire ». Ainsi, elle n’écoute que ses envies. Et si écrire un jour n’en fait pas partie alors soit elle ne le fera pas et ne ressentira ni culpabilité ni manque.

L’écriture sera donc à la fois support et moteur, moyen d’échange et de satisfaction personnelle. Les aspects protéiformes du blog contribuent à l‘impermanence de l’écriture dans ce contexte virtuel. La blogosphère a donc encore de beaux jours devant elle, car nombreux sont les passionnés qui cherchent et vont chercher à éclaircir leurs relations à l’écriture sur leurs pages personnelles.[Anne-Laure Bovéron]

3 Commentaires

  1. Je crois pas trop a l’indifférence face aux lectorat. Ne pas avoir le temps ou la volonté de rentrer dans le débat avec ses lecteurs, ça se comprend.

    Mais si on jette un texte sur la place publique, même 2.0, c’est dans l’espoir d’être lu. Je suis sûr que les commentaires ne laissent pas indifférent, même sans déclencher de réaction visible chez l’auteur.

  2. Bonjour,
    Je découvre votre site, je le trouve très intéressant bien que je n’aie pas encore tout vu.
    Je « tiens » un blog aussi, je l’alimente aussi bien par des fictions, pastiches ou autres… Je suis étonné aussi par le peu de réactivité de la part des visiteurs, relativement nombreux.
    Je reconnais qu’écrire réclame une réaction, cela fait partie du « jeu » ! Peut-être suis-je un peu frustré ! Je pense que le peu de curiosité ressentie par les personnes présentes lors du débat provient de ce qu’ils sont déjà édités par ailleurs.
    Je ne vois que cette explication. Créer, c’est créer pour quelqu’un. Je sais, ce que j’écris me rappelle ma classe de terminale …
    Je reviens vous lire, promis !
    Philippe

  3. Ce que je trouve vraiment marrant sur cette table ronde c’est de ‘inviter que des gens qui visiblement n’en n’ont rien à branler du concept même de 2.0 et qui visiblement s’y prennent avec comme des manches…

    "Gilles Cohen-Solal aussi aime écrire. Sur son blog, il surveille son écriture, utilise des formulations correctes, par exemple. "

    Heu il met essentiellement des copié-collé de choses déjà postées ailleurs dont il n’est pas l’auteur…

    En ce qui concerne le mec du Marathon des Mots (hihi c’est chez moi), il ferait déjà mieux de payer qqn qui fasse un site pour le festival qui soit digne de ce nom et pas une horreur à peine navigable mis à jour une fois tous les 36 sans les liens hyper-textes adéquats…

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