Muriel Barbery réagit aux critiques sur « L’élégance du hérisson »

Alors que Muriel Barbery revient sur le devant de la scène (mais l’a-t-elle vraiment quittée alors que son roman se vend à environ 7000 exemplaires par semaine en France, squatte les palmarès des meilleurs ventes depuis déjà 2 ans et passionne à l’étranger !), avec l’adaptation ciné de « L’élégance du hérisson » qui sort en salles le 3 juillet prochain, il est intéressant de retrouver quelques explications de l’auteur sur certaines « attaques » dont elle a fait l’objet. Entre autres, celles de présenter une vision manichéenne de la société et de véhiculer quelques clichés de classes sociales (bourgeoisie notamment). L’auteur réputée pour sa discrétion médiatique avait tout de même accordé quelques interviews ici et là dont voici quelques extraits :

Le site Envrak.fr, l’avait notamment interrogée sur sa critique de société qui semble condamner le public cultivé alors qu’elle multiplie les références littéraires ou artistiques dans un registre soutenu, ce qui peut sembler contradictoire…
L’écrivain avait alors répliqué : « Ce serait un très gros contre-sens que de penser que L’élégance du hérisson constitue une critique du « public cultivé », qu’il le condamne. Il s’agit d’une concierge et d’une petite fille éprises de littérature, d’art et de philosophie. A travers elles, j’évoque des œuvres que j’aime et dont j’ai eu la chance, parce que j’ai pu faire des études, parce que je viens d’un milieu relativement cultivé, de faire la rencontre. Si critique il y a, elle concerne l’appropriation illégitime de la culture par une certaine caste convaincue de ses prérogatives, pas la culture elle-même.
Et puis vous semblez dire, implicitement et évidemment malgré vous, que le style soutenu et les références culturelles sont destinés uniquement aux lecteurs cultivés. Je crois l’inverse : ceux qui n’ont pas eu la chance de faire des études, d’avoir du temps pour se cultiver, sont souvent ceux qui sont le plus spontanément sensibles à l’exigence littéraire et artistique. A la beauté et à la complexité de la langue ou à la profondeur des grandes œuvres. Enfin, ce serait une erreur de considérer que ce roman « cible un public particulier ». Je reçois des lettres de lectrices et de lecteurs de tous milieux sociaux et l’écho qu’il trouve montre qu’il ne s’adresse pas à un public spécifique.
 »

Sur le site Rencontredesartistes, elle confiait que l’histoire n’était pas fondamentale pour elle et qu’elle privilégie l’émotion esthétique littéraire avant tout :
« Je suis toujours très ennuyée quand je dois présenter un livre, car la façon traditionnelle de le faire, en général, c’est de parler de l’histoire. En fait, même si je vais en dire quelques mots, il me semble qu’elle est assez largement anecdotique, parce que, au travers des personnages et de la narration, ce qui m’importe, c’est de parler de ce que j’aime. Quant à l’histoire, il ne se passe pas énormément de choses. Il y a deux héroïnes : une petite fille précoce et une concierge qui cache bien son jeu, parce qu’elle essaie d’avoir l’air concierge et qu’elle est, en fait, très lettrée, très érudite et très fine. Ce sont deux solitudes qui, au fur et à mesure que certains événements vont se produire dans l’immeuble où elles habitent, vont peu à peu sortir de la solitude, se transformer, se métamorphoser, renaître. Il va leur arriver tout un tas de transformations intérieures. Une fois que j’ai dit cela, cela me paraît un peu superficiel. En fait, quand j’écris, je ne le fais pas pour raconter une histoire, même si, au fil de la plume, elle se raconte. Je le fais d’une part, pour le plaisir des mots et du style ; j’aime beaucoup éprouver cela en écrivant des textes et en éprouvant, à chaque fois, le plaisir sans mélange de dire, d’une manière que j’espère la plus adéquate et la plus pure possible, ce que je ressens. D’autre part, l’histoire et l’écriture sont des moyens pour moi d’évoquer les choses qui me tiennent à coeur et les choses que j’aime. J’avais entendu le cinéaste, Jeunet, à propos du « Fabuleux destin d’Amélie Poulain », expliquer que, pendant des années, il avait noté dans un petit carnet tout ce qui lui tenait à coeur et tout ce qu’il aimait avec l’idée qu’un jour, il recaserait ça dans un film. Et ça a donné Amélie Poulain. Ce roman, c’est un peu la même chose, c’est-à-dire que j’ai pris énormément de plaisir, au travers des voix des deux héroïnes, à transcrire mon amour pour les plaisirs du quotidien, pour l’art, pour le Japon, pour certains êtres, pour la rencontre entre ces êtres, pour certaines émotions esthétiques. Il me semble que c’est à cela que j’ai pris le plus de plaisir et que c’est ce qui me tenait le plus à coeur. »

Enfin on en apprend un peu plus sur la genèse de ce roman « au fabuleux destin », en lisant dans L’Express, comment lui est venue l’idée de cette concierge érudite. Tout est en fait partie d’une remarque de son éditeur chez Gallimard, Jean-Marie Laclavetine qui avait publié 7 ans plus tôt son premier roman « Une gourmandise » dans lequel on croisait déjà la concierge Renée. «J’avais reçu ce manuscrit par la Poste et avais immédiatement été séduit par l’intelligence du regard et l’acidité du ton», se souvient son éditeur. Il lui avait alors fait observer amicalement « Vous savez, vous êtes romancière: votre concierge n’est pas obligée de parler comme une poissonnière, elle peut très bien s’exprimer comme la duchesse de Guermantes…»
La remarque va lentement se frayer un chemin dans l’esprit de Muriel Barbery. Elle qui lit aussi bien Tolstoï que des mangas, Spinoza que Franquin, Flaubert que l’auteur de science-fiction Orson Scott Card va donc imaginer une concierge proustienne. Il lui faudra six longues années pour accoucher du Hérisson.

6 Commentaires

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  1. En tout cas la bande-annonce vu sur un autre post promet un film particulièrement tartignole…

    • Pierre sur 21 avril 2010 à 9 h 39 min
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    Bonjour.
    Je viens de terminer ce livre dont j’avais entendu beaucoup parler au moment de sa sortie. Je suis enchanté bien que n’ayant pas cette culture de l’art, de la musique et autre.Mais j’ai apprécié la richesse du vocabulaire et du style, et tout simplement cette leçon de vie. La fin ne me choque pas, si il y en avait eu une plus heureuse, pourquoi pas, et bien que n’étant pas plus sensible qu’un autre, en terminant ce livre, j’avais des larmes dans les yeux.
    J’ai relu au moins trois ou quatre fois cette toute dernière page, et je pense que moi aussi comme Paloma, je vais essayer de trouver des toujours dans les jamais.
    Merci Madame pour ce magnifique livre que je n’ai même pas acheté car emprunté à un cousin, mais je vous promets, j’en parlerais beaucoup autour de moi…

    Pierre

    • Nicsar sur 12 août 2010 à 13 h 51 min
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    J’ai beaucoup apprécié ce livre ; mais , pou moi, le fond compte,et l’histoire en est le véhicule.
    Et je suis infiniment déçue de lire que la concierge érudite n’est pas une idée de l’auteur !!!!!!!patatras , tout est gâché………..

    • sylvain sur 18 janvier 2011 à 15 h 50 min
    • Répondre

    moi aussi ce livre m’a beaucoup ému…sa conclusion aussi..quelle plume!..merci..(je l’ai piqué à ma mère et viens de me le faire piquer par un pote..)

    Sylvain

    • Jean-Luc sur 23 janvier 2011 à 16 h 46 min
    • Répondre

    J’ai avalé ce livre avec gourmandise ! La recherche de l’authenticité des sentiments et des émotions m’a touché.
    Petite question dérisoire : les Arthens, habitent-ils au 4ième (page 73) ou au 6ième (p 110) ?

    • zic sur 1 janvier 2012 à 13 h 51 min
    • Répondre

    Je trouve le livre "l’elegance du herisson" le parfait passe-temps des bonnes gens lobotomisees …
    Ce badinage incessant emaille de termes ou references litteraires/culturels se veut spirituel et fin, mais ne reflete que la vanite et le complexe de superiorite intellectuel de l’auteure.
    A lire absolument pour toutes -de preference- les quadra/quinqua de Chatou et des villes similaires qui s’emm… a cent sous de l’heure et tuent le temps a lire le Figaro Madame.
    A proscrire sinon …
    Insupportable de prentention.
    Je suppose que les 2 protagonistes sont (les) 2 facettes de l’auteure, enfin ce qu’elle pense d’elle-meme, bien sur.

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