J’ai vu la pièce « Confidences à Allah » adaptée du roman de Saphia Azzedine…

J’ai assisté hier soir à l’une des représentations de la pièce « Confidences à Allah » (au Petit Montparnasse), adaptée du roman éponyme de Saphia Azzedine. L’écrivain publie d’ailleurs son deuxième roman « Mon père est femme de ménage » à la rentrée littéraire de septembre. Pendant la pièce (salle quasi comble), il y a eu pas mal de rires et puis quelques larmes aussi qui s’essuyaient en douce. Il y a eu un homme qui est sorti en maugréant quelque chose en arabe. A la fin, le public applaudissant à tout rompre, a esquissé une standing ovation et gratifié l’actrice de cinq rappels.
Autour de moi j’ai entendu quelques mots : « intense », « incroyable », « poignant ».
Je crois que l’on peut dire que c’est un succès.
De mon côté, je n’ai pas vraiment ri, un peu souri parfois, pas pleuré non plus (et pourtant je ne suis jamais la dernière dans ce domaine…).


Vous l’aurez compris, je n’ai pas été beaucoup touchée par l’histoire de cette petite bergère qui vit dans « le trou du cul du monde ». D’ailleurs le cul elle en parle beaucoup, entre les string qui lui rentrent dans le…, les scènes de sodomie voire scato, je crois que l’on peut parler d’un texte très anal.
Mais ce serait injuste de réduire cette pièce à son vocabulaire cru, car oui il y a tout de même une émotion qui se dégage du destin tragique de cette jeune marocaine née dans un pays où les femmes sont impures. Cette jeune-femme chassée de chez elle par son père parce qu’elle se retrouve enceinte et « déshonore » la famille avant d’errer dans les grandes villes alentours comme bonne et surtout comme pute pour finalement se marier, ironie du sort, à l’Imam.
Oui quelque chose se passe indéniablement sur scène essentiellement grâce à la performance énergique de l’actrice qui fait merveille en passant d’un registre à l’autre, tantôt burlesque presque enfantin quand elle campe cette bergère sans éducation qui croit que l’on reste vierge si « tous ses poils ne tombent pas » ou désespérée quand elle doit accoucher sur un terrain vague seule puis abandonner son enfant, et surtout quand elle imite avec l’accent du bled ces hommes rustres qu’elle croise sur son chemin ou encore ces mégères qui lui donnent des ordres dans la riche maison où elle travaillera et se fera surtout violer comme il se doit par le maître de maison.
On est alors un peu ici presque dans du Maupassant croisé aux misérables avant de basculer dans un roman de Virginie Despentes, Les jolies choses, quand elle se met à se prostituer dans la boîte de nuit pour pouvoir s’acheter plus « d’objets » parce qu’elle comprend qu’elle est « jolie », ce qu’elle ne savait pas jusque là.

Dans ce pays où tout est « haram » comme elle nous l’explique et plus particulièrement la sexualité, elle ne fait étrangement que nous parler de sexe du début à la fin, le tout entrecoupé de prières à Allah à qui elle fait part de ses doutes, ses incompréhensions et surtout sa volonté de sortir de sa condition.
La prostitution est-elle le seul choix pour cette jeune-fille ? C’est ce qu’elle semble nous dire tout en dénonçant l’hypocrisie religieuse et l’oppression masculine qui règnent. La violence de ce monde jusque dans sa langue où tout le monde hurle pour parler.
J’ai bien compris où voulait en venir l’auteur, qui se dit « féminine » (et non pas « féministe », je n’ai pas compris la différence mais passons…) mais j’ai été gênée, je pense, par les ficelles (pas uniquement de string) un peu lourdes ou simplistes qu’elle employait pour sa démonstration. De même j’ai eu du mal à m’émouvoir je pense en raison du coté un peu caricatural et peu crédible de la bergère qui oscille entre un langage familier voire grossier parce que comme elle le répète « elle n’a pas d’éducation » et puis soudain elle se met à parler comme une universitaire (employant des termes comme « s’offusquer »…). Autre petit détail sans importance : les cheveux soi-disant crépus alors que l’actrice a une coupe parfaitement brushée, effilée et dégradée selon la dernière mode…

Il n’en reste pas moins que certaines idées sont bonnes comme celle de la valise rose « J’adore Dior » d’une américaine tombée du bus et que la bergère interprète comme un signe d’Allah en réponse à ses prières pour « qu’il se passe quelque chose dans sa vie, » ou encore la fameuse scène de perte de la virginité où elle se fait saigner le bras pour tacher le drap blanc réglementaire (avec un jeu de lumière rouge bien imaginé)… La mise en scène est aussi intéressante, avec un décor minimaliste comme j’aime. Elle joue notamment avec une barre verticale qui rappelle celle des strip-teaseuses et qui sert tour à tour à abriter sa tente dans le désert avant de se transformer en boîte de nuit. Les pans de tissus sont eux aussi utilisés aussi bien comme tchador que comme drap ou murs…

Mais sur ce sujet devenu « classique » de l’oppression de la femme musulmane, j’ai par exemple préféré ce qu’en disait Nina Bouraoui dans « La voyeuse interdite », dans une langue plus poétique et poignante. [Alexandra]

Infos pratiques :
Jusqu’au dimanche 28 juin 2009 à Paris au Petit Montparnasse
En juillet à Avignon au Chêne Noir puis en tournée à partie de septembre dans toute la France.

Photos : Manuel Pascual

3 Commentaires

    • Laurence Biava sur 26 juin 2009 à 9 h 22 min
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    Très intéressant ton compte rendu. Je m’y serais volontiers rendu, à cette représentation..

  1. ah désolée j’étais déjà accompagnée cette fois mais pour la prochaine je pense à toi ! J’ai repéré 24 heures dans la vie d’une femme que je n’ai encore jamais vu tjs au Petit Montparnasse.

    Sinon tu peux toujours voir "Confidences à Allah" ce soir ou ce we, profites-en ce sont les dernières à Paris !

    • serge sur 26 juin 2009 à 21 h 34 min
    • Répondre

    Né en 1955, Serge Marignan est originaire de Nîmes. Bien que comptable de formation, l’auteur est un amoureux des mots, les voyages constituent sa deuxième passion. “Aux Rêves Assoupis” est son premier ouvrage publié.

    Les mots sortent du silence; espiègles mais prudents ils vont flirter sur nos connivences; parfois, apeurés, ils nous échappent; c’est là qu’il faut les surprendre, tapis au bord de l’imaginaire, savoir les dominer et les forcer à franchir les frontières du sens. Alors, rassurés, ils divaguent et s’éparpillent parmi les plus folles de nos envies et s’en retournent au silence. “Aux Rêves Assoupis” est un recueil de brèves de blog et de poésies modernes volées à l’instant présent.

    Réf: 978-2-7480-4475-1
    Auteur: MARIGNAN Serge
    Prix TTC: EUR8,90

    Société des écrivains
    147-149 rue Saint-Honoré, 75001 Paris
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