Désintégration d’Emmanuelle Richard est déjà le 3e roman de cette jeune auteur alors âgée de 33 ans lors de sa sortie en 2018. Originaire de la banlieue parisienne, elle est apparue sur la scène littéraire en 2015 avec un premier roman déjà remarqué, La légèreté, sur des vacances adolescentes sur la huppée Ile de Ré qui, outre le récit d une première fois, abordait déjà la question qui hante son oeuvre, celle de la honte ou plutôt du complexe voire frustration social(e). Elle enchaîne haut et fort en 2016 avec Pour la peau, un roman d' »amants maudits et perdus » entre un ex toxico d’âge mur pas encore guéri de son ex et de ses addictions et une jeune femme désillusionnée et précaire qui se cherche. Nouvelle voix de la génération Y aussi fascinante que percutante, elle mêle oralité et puissance d’évocation, même si inégale et parfois poussive -avec quelques anglicismes ridicules-, avec un sens esthétique de la mise en scène textuelle et visuelle particulièrement intéressant et captivant. Parrainée par Jaenada et Olivier Adam qui l’a personnellement recommandée aux éditions de l’Olivier, elle partage leur style intimiste, voire autobiographique, et surtout l’obsession des classes sociales de ce dernier, tout comme Annie Ernaux, une de ses influences revendiquées (dont elle reprend d’ailleurs l’expression « venger ma race » mais sans la citer)… avec le rap!, entre autres.
Je n’ai jamais eu le sentiment de vivre une vraie vie. C’était un fixatif auquel je n’avais pas accès. Je multipliais pourtant les tentatives pour sortir de moi-même en prenant des risques et en allant au-devant, des choses, des gens, en allant les chercher, puisque j’avais compris qu’ils ne viendraient pas à moi, que rien ni personne ne viendrait me chercher, ni ici ni ailleurs, contrairement à ce que j’avais si longtemps espéré, il me faudrait aller à eux, aller de l’avant et au-devant pour les prendre et les rencontrer -choses et gens.
A la suite de ses aînés de Génération X aux Tribulations d’un précaire d’Ian Levison (elle cite aussi Eureka Street), Désintégration* raconte le quotidien d’une frange de la génération Y (elle est née en 1985), à Paris, mais qui finalement ressemble fort à celle de la génération précédente : ses errances, précarité, fragilité économique et affective, ennui d’étudiante puis frustrations de jeune diplômée sur un marché du travail hostile et rébarbatif, victime de déclassement social, ses histoires d’amour bancales et surtout d’un soir qui laissent souvent un goût amer et surtout sa haine des nantis, des « fils de » qu’elle croisent dans les arrondissements cossus de la « grande ville » comme elle l’appelle et avec qui elle cohabite même un temps. Ce dernier thème qui gonfle au fil des pages et qui finit par prédominer malheureusement témoigne surtout de l’envie, la jalousie qui l’étreignent voire l’étouffent et l’aveuglent à leur égard. C’est d’ailleurs là où malheureusement le trait de Richard perd en finesse et devient d’une lourdeur écrasante, tout comme son mentor Olivier Adam qui a le même travers. Caricaturale, on perd la justesse et la nuance avec cette “rage” sociale qui semble plus ou moins sortir de nulle part et s’auto-nourrir sans réelle cause apparente si ce n’est ses propres complexes personnels, aux relents révolutionnaires de pacotille (“Je les hais pour leurs cous blancs à guillotiner”)… Un défaut sauvé par sa voix, son style qui accroche même si le fond verse parfois dans le regrettable poussif, simpliste et manichéen populisme sur un air de « c-la-fôte-aux-riches« ). On la préfère quand, plus touchante, et faisant preuve de justesse, elle évoque sans fard sa solitude, sa quête amoureuse, sociale et d’une « vocation », d’une « place » tout simplement.
Solitude et quête de l’autre
Thème (cliché) éternel et moteur principal avoué et assumé de l’héroïne qui se qualifie « d’affamée d’amour » : la recherche de l’amour, d’une âme en mesure de combler sa solitude débordante, l’anime avant tout, du moins c’est ce qu’elle constate après avoir obtenu le succès littéraire tant attendu (la quête de reconnaissance socio-professionnelle faisant aussi partie jusqu’alors aussi de ses attentes), mais déjà blasée elle réalise que l’essentiel finalement n’est pas là pour elle :
“Je ne sais plus quand j’ai cessé de croire que tout ce fatras de tropées me rendrait aimable et me permettrait de trouver l’amour véritable, celui d’une vie, car je ne voulais plus tous les hommes, je voulais un homme à moi seule et qui le resterait jusqu’à la fin et inversement”
La description du gouffre de solitude tant intellectuelle qu’affective qu’elle subit depuis l’adolescence est particulièrement marquante par la force d’évocation de ses images : “j’essayais de m’épousseter des brins de p