« Trapéziste » de Tristane Banon : Les malheurs de Flore au pays des V.I.P

Deuxième roman (après « J’ai oublié de la tuer » en 2004, un succès d’édition vendu à plus de 10 000 exemplaires) de la jeune romancière Tristane Banon âgée de 27 ans, « Trapéziste » nous entraîne dans la vie d’une jeune parisienne, savant mélange de Bridget Jones et Cosette, victime du miroir aux alouettes des célébrités de Saint Germain des prés et de ses hommes prédateurs… Un roman, d’actualité au lendemain de la remise du prix de Flore 2006Très autobiographique, il revêt des accents de règlement de compte : la revanche d’une blonde ?

Baptisée du même nom que l’héroïne de son premier roman « J’ai oublié de la tuer » (l’enfance d’une fillette mal aimée par une mère trop mondaine et confiée aux « bons » soins d’une nounou alcoolique et violente), Flore Dubreuil, 25 ans, est une parisienne comme on imagine qu’il y en a beaucoup, courant les cafés de Saint Germain des prés, jolie fleur légère en quête d’attention et d’affection, s’enivrant des plaisirs faciles et du pouvoir des hommes célèbres qu’elle croise sur son chemin. Non sans rappeler les jumelles des « Jolie choses » de Virginie Despentes justement.

Fascinée par les paillettes et le luxe, elle n’avouerait pour rien au monde que les petits fours du Lutétia lui tiennent lieu de dîner et qu’elle n’a plus de chauffage chez elle… Ou pire : qu’elle continue de croire au prince charmant (tout en effectuant des fellations à des hommes de 3 fois son âge) ! Mais Flore est une grande naïve : chaque fois qu’elle se laisse entraîner par un nouvel amant (elle s’auto-qualifie de « Marie-Madeleine de ces messieurs ») : « Elle y croit à chaque fois, parce qu’elle se sent seule », explique l’auteur.
Même si elle passe son temps à jouer les filles cyniques, « sa manière de rester légère pour ne pas être rejetée ». « Je suis une fille facile à quitter », déclare t’elle. « Bizarrement, une fille que les hommes n’ont jamais le temps de faire souffrir fait fantasmer. »

Galérienne VIP ou papillon mondain, elle cherche une place, sa place, en naviguant entre les fêtes au Dom pérignon et les découverts bancaires… Comme une trapéziste vole dans les airs de « branche » en « branche » où prendre appui, elle jongle entre deux mondes (la vie dorée du milieu qu’elle fréquente et sa réalité misérable faite de courses chez Leader price…) et trouver l’équilibre…. « Mon quotidien, c’est le grand écart, un numéro de trapéziste entre le très haut et le très bas. Je n’ai jamais vraiment aimé les numéros de crique. Pourtant, je crois que j’aime bien ma vie. »

Sans jamais se déparer de son masque de jeune femme du (beau) monde désinvolte, elle tente de dissimuler sa détresse et sa vie piteuse comme son assurance voiture qu’elle n’a pas payée depuis huit mois et l’huissier qui veut débarquer à la maison « avec frais de serrurier et cassage de porte » à sa charge. A qui pourrait-elle se confier ? Ses amis à la vie dorée ne savent pas ce qu’est la vraie compassion, ils ne connaissent que la surface des choses et commencent toutes leurs phrases par « ma pauvre chérie », « mon cœur  » ou « ma belle », qui veulent simplement dire qu’ils ont oublié votre prénom.
Et de raconter ironiquement à propos d’une des soirées où on l’a conviée pour faire office de belle plante « La petite sauterie se passe dans une cave. Une cave quand c’est à Saint Germain des près, ça devient tout de suite classe.« 

A travers ce parcours initiatique et roman d’apprentissage d’une Cendrillon moderne (qui sonne parfois comme une vengeance personnelle), Tristane Banon brosse la satire touchante et cocasse d’un monde gouverné par les apparences et de la fragilité d’une jeune femme romantique face aux manipulations masculines. Une sorte de suite autobiographique (« Flore c’était moi. Aujourd’hui ça va beaucoup mieux« , admet-elle.) à son premier roman.
Et d’ajouter en guise de conclusion : « Ma vie est beaucoup plus drôle lorsque je l’écris. D’ailleurs c’est seulement ainsi qu’elle me paraît supportable. »

Si vous aimez les petits potins sur la faune de Saint Germain des prés avec name dropping (l’auteur ne prend pas la peine de changer les noms et dédie même son roman à Patrick Poivre d’Arvor, ce qui n’a pas empêché ce dernier de l’inviter le 4 novembre dernier à son émission « Place aux livres ») et le style Bridget Jones (elle reprend le même principe d’exergues de chapitre par date tel que « Mardi 9 novembre, 5610 euros de découvert, 615€ d’assurance voiture impayés, 0 coupe de champagne bue. Deux heures de vraie solitude et 20 minutes de désespoir total. »), vous passerez un bon moment. En revanche, si vous recherchez une langue un peu fouillée et un style littéraire, passez votre chemin.

Voir notre dossier romans : « Identification d’une femme »

A lire aussi (sept.08) : Rencontre avec Tristane Banon, auteur de « Daddy frénésie » : La « trapéziste » continue de chercher son équilibre…

Tristane Banon est journaliste (Paris Match, Le Figaro…), elle a également participé à la revue Bordel #2 et a publié fin 2003, un livre d’entretiens « Erreurs avouées ».

Extrait :
« Qu’on me laisse l’illusion que cette vie est ma très grande richesse. Je suis libre, c’est mon bien le plus cher. Je ne suis pas vraiment fière de ça, je l’ai hérité de ce qu’on a ravagé dans ma tête quand j’étais gamine. Elle ne peut plus me plaire, la vie balisée. Je garde mes petits boulots qui font manger, parfois. Et si je ne peux plus manger, je sortirai et je boirai. L’alcool est souvent gratuit quand on connaît du monde. Quand je n’en pourrai plus de boire, je poserai pour quelques photos de mode qui illustreront des catalogues de vêtements pas toujours jolis, et je remercierai ma tendre mère de m’avoir fait un visage qui “prend la lumière” et une confection 34. Je garde ma vie hors norme et sans contrainte. Je garde mon incertitude du lendemain et mes coups de cafard. Je garde tout, puisque, de toute façon, vous ne voulez pas de moi dans vos boutiques. »

9 Commentaires

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    • Domdom sur 12 novembre 2006 à 10 h 26 min
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    Moi je l’ai lu…Et je ne suis pas forcément un adepte des petites histoires du monde germanopratin….D’autant que je vis en province. Et bien pourtant j’ai adoré…Quelque chose de touchant, de sensible. Je ne connaissais pas l’auteur mais elle parle de ce qui ne se dit pas sous peine de se faire traîter de "cendrillon du showbiz" avec un air dédaigneux! Et bien elle a eu raison de prendre ce risque car elle en parle avec beaucoup de sensibilité et avec une certaine maîtrise du romanesque. Elle est encore jeune, elle risque en plus de progresser encore beaucoup. Je n’ai pas lu le premier roman mais celui-ci m’en a donné envie et surtout, j’attend son prochain roman histoire de savoir s’il va infirmer ou confirmer ma première impression d’avoir découvert un vrai auteur. A suivre donc…

  1. Merci de ton avis Domdom. Je crois savoir que Tristane Banon a en effet son lectorat fidèle et que sa plume est très appréciée. A priori son dernier roman est "léger", dirons-nous… 🙂

    • Philippe sur 14 novembre 2006 à 12 h 12 min
    • Répondre

    Je confirme….Je suis un adepte de l’auteur et effectivement on sent que Tristane Banon a voulu faire un roman divertissant. Sans doute pour faire le contrepoids de son premier qui traîtait d’un sujet grave. C’est du "léger" maîtrisé et parfois ça fait du bien. Une petite bulle d’humour. Un livre à lire pour s’amuser sans se prendre la tête, à dévorer d’une traite….Que nous réserve-t-elle pour le suivant?

  2. Et cet autre article enthousiaste du rédac chef de "Le Mague" ici http://www.lemague.net/dyn/artic...

  3. Merci Nicolas de ce lien.

    "Rarement un auteur a été mis autant de soi dans cette mise à nu et en abymes qu’est l’expérimentation littéraire de haute volée."

    > Je reste un peu perplexe face à cette critique dithyrambique en particulier de la part de quelqu’un connu pour son instransigeance envers d’autres auteurs de talent au moins égale à celui de Madame Banon… 🙂

    • mikal sur 23 décembre 2006 à 14 h 44 min
    • Répondre

    Trapéziste

    Je suis fou mordu d’une trapéziste
    Qui s’envoie en l’air sous une toile bleue
    Je la suis partout en wagon de cirque
    Entre un ours savant et trois lions frileux

    De mon amour fou, y’en a qui s’attristent
    Chef des percussions j’étais à Strasbourg
    Et me revoilà en bas de la piste
    Pour un saut de l’ange roulant du tambour

    Mais son saut de l’ange, ah ! son saut de l’ange
    Ca ferait frémir un pape ou un bœuf
    C’est pas une gonzesse, c’est une mésange
    Qui te troue le cœur comme on casse un œuf

    Et le terre à terre le plus pessimiste
    Il tombe des nues quand il voit là-haut
    Le corps étoilé de ma trapéziste
    Balancer son fil au bout d’un lasso

    Je suis frappa-dingue d’une trapéziste
    Qui s’envoie en l’air mais pas avec moi
    Ses amants divers, j’vous dis pas la liste
    Essaie d’les compter, t’y perdrais les doigts

    De cet amour fou, y en a qui s’attristent
    Chef des percussions j’étais à Strasbourg
    Et me revoilà, pauvre masochiste
    Pour sauter mon ange, attendant mon tour

    Une nuit d’hiver, dans sa caravane
    Je me suis glissé comme une ombre, en douce
    Et qu’est ce que j’ai vu, non, c’est pas des vannes
    Elle roupillait dans les bras de l’ours

    Ah ! j’en crèverais de ma trapéziste
    La voilà qui grimpe en silence, chut !
    Je serre mes baguettes en bas de la piste
    Je roule du tambour
    Et j’attends la chute

    Claude Nougaro, 1989.

    • Candice sur 2 août 2007 à 19 h 36 min
    • Répondre

    Bonjour,
    J’ai presque fini Trapéziste est franchement je suis extrément déçue tellement que je manque de motivation pour le finir, je l’avais vu lors de son passage dans l’émission de Ruquier et je mettais dit que malgré les critiques je jugerai par moi même et bien je confirme ce n’est vraiment pas top.
    Dommage!
    J’essayerai de lire son premier bouquin pour voir.

    • paquereau sur 13 avril 2008 à 19 h 46 min
    • Répondre

    des fellations à des mecs de trois fois son age ? euh on parle de 25 ans, 3X25 75 ? euh je veux bien croire qu’elle ait croiser des prédateurs mais il semble qu’elle ne soit pas un gibier ni futé ni qui a du gout (je rajouterai dignité si je voulais jouer le moraliste)

    bref je reste perplexe, en ce moment une autre jeune femme, copine du showbiz sort son livre, toute fiere aussi d’avoir rouler sous des vieux

    donc je me demande, est ce qu’à paris que les jeunes femmes soient géronto ? c’est pas bien beau mais je me voir bien finir ma retraite là bas :), les parisiennes sont hautaines, on comprend mieux pourquoi 🙂 l’envers est diffèrent de l apparence

  4. Je suis d’accord, roman un peu plus "léger" que le précédent mais toujours écrit parfaitement.

    Le prochain roman sortira le 28 Aout et vous pouvez retrouver toutes ses news sur son site officiel : http://www.tristane-banon-offici... ainsi que sur son forum officiel : tristane-banon.xooit.com/…

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